Conflits communautaires entre éleveurs et agricultures, disputes entre groupes socio-professionnels pouvant dégénérer en conflits, problèmes de voisinage, violences pré et post-électorales, etc., les menaces à la sécurité humaine dans l’espace CEDEAO sont multiples et les solutions ne sont pas toujours les plus appropriées. Pour y faire face, l’instance communautaire régionale a créé le département « Alerte précoce » dont la mission est de désamorcer les conflits avant qu’ils n’éclatent. A l’expérience, ce dispositif s’est avéré inefficace. Il faut donc trouver un nouveau mécanisme plus pertinent de prévention et de résolution des conflits pour éviter que les efforts de développement économique soient en permanence annihilés. Plus que par le passé, la Cedeao compte désormais sur l’implication de la société civile (OSC) pour trouver les mécanismes d’alerte, de prévention et de résolution des conflits.
Pourquoi ce changement de cap de la CEDEAO dans sa stratégie de résolution des conflits ? Quel peut être réellement des OSC dans la prévention et la résolution des conflits dans l’espace communautaire ?
Eléments de réponse avec Alimou Diallo, Officier de liaison du Réseau ouest-africain à l’édification de la paix (Wanep), interface entre les OSC d’Afrique de l’ouest et la commission de la Cedeao. Le 21 octobre dernier, il animé un atelier à Ouagadougou organisé par la commission de la Cedeao, en partenariat avec le Forum de la société civile d’Afrique de l’Ouest (Foscao) et la coopération allemande (GIZ)

Quel est l’intérêt de la rencontre que vous avez animé à l’attention des organisations de la société civile d’Afrique de l’Ouest ?

Cette rencontre qui a réuni les associations de la société civile venus de plusieurs pays, visait quatre objectifs : mettre à jour le fichier des OSC travaillant sur les questions de sécurité humaine, faciliter la collaboration entre OSC et représentants de l’Etat dans le traitement des questions liées à la sécurité humaine, assurer une participation efficace des OSC quant aux réponses à apporter aux alertes précoces et enfin, faciliter les échanges d’informations entre tous les acteurs impliqués dans la problématique de la paix.

Pourquoi ce changement de cap de la CEDEAO dans sa stratégie de résolution des conflits ?

La Cedeao est dans une phase de mise en place des centres nationaux pour la coordination de réponse des alertes précoces, et nous devons organiser la société civile pour contribuer à ces travaux. Au plan national, il y aura un conseil statutaire qui sera piloté par le premier ministre, et avec d’autres ministres, ils se réuniront pour prendre les décisions importantes liées à la sécurité humaine.
Vous savez qu’à la Cedeao, il y a un département des affaires politiques, paix et sécurité à l’intérieur duquel on a créé quatre directions : alerte précoce ; affaires politiques ; maintien de la paix et sécurité régionale, et enfin dialogue et médiation. Ces structures sont censées recueillir tous les indicateurs et les signaux de conflit dans la sous-région, et informer les autorités de la Cedeao afin qu’elles prennent des décisions permettant de prévenir l’escalade des conflits. Mais après dix ans d’expérience, on a constaté qu’il y a un écart entre l’alerte et la réponse.
Souvent, tout le monde sait qu’il y a un conflit qui se prépare, mais la réponse vient tardivement ou n’est pas appropriée. La Cedeao ne commence à intervenir que lorsque la crise a éclaté comme on l’a vu au Mali et surtout au Burkina où tout le monde savait que la modification de l’article 37 posait problème. La Cedeao n’a pourtant pas pu répondre en temps réel et apporter la réponse politique. Il faut que cela cesse. C’est pourquoi, nous sommes en train de faire ce que nous appelons la sécurité de proximité. Au lieu de remonter l’information à la Commission et attendre qu’elle trouve la solution, nous allons créer un cadre de concertation et de médiation au niveau national. Il s’agit donc de décentraliser le système d’alerte précoce et de créer des centres nationaux pour la coordination des mécanismes de réponses. Les questions de paix et de sécurité relèvent de la responsabilité de l’Etat et ce sera au niveau national que les principaux acteurs pourront se réunir et trouver des solutions endogènes et prévenir l’escalade des conflits sans passer par la Commission. Cette dernière peut gérer des questions politiques au haut niveau, pendant que les questions de vie quotidienne de sécurité humaine peuvent se gérer au niveau national

Quels sont les types de conflits qui affectent l’espace Cedeao ?

Ce sont essentiellement des conflits communautaires, entre agricultures et éleveurs, les menaces liées à la circulation des armes légères de petit calibre, les conflits politiques, les troubles pré et post-électoraux, etc., bref tout ce qui menace la sécurité et la dignité de la vie humaine

Les OSC comme partenaires et en même temps arbitres des politiques publics nationaux ?

C’est cela ! Les ONG sont des partenaires du système d’alerte précoce comme le Wanep qui est le partenaire de la Cedeao. Dans le cadre de la mise en œuvre des activités du Centre, la société civile a un rôle très important à jouer dans l’alerte et le suivi évaluation parce que c’est l’Etat qui pilote, mais la société civile va veiller à ce que les actions de l’Etat soient appropriées pour répondre aux conflits identifiés par les hommes de terrain. La société civile va aussi renforcer les capacités des acteurs au niveau des communautés, parce que c’est un système qui va travailler avec tout le monde y compris les communautés à la base. Il faut qu’elles soient bien outillées et bien orientées pour bien faire le travail qui leur sera confié
Les centres nationaux existent-ils dans tous les pays membres de la Cedeao ?
Non, pour l’instant, ils existent seulement dans cinq pays pilotes : Mali, Côte d’Ivoire, Liberia, Guinée-Bissau et Burkina. Mais avant la fin de l’année, nous allons commencer le plaidoyer auprès des autres dix autres pays pour la création des centres parce que c’est une décision des chefs d’Etat des pays membres de la Cedeao. Ordre a été donné à la commission de commencer dans les 10 pays qui restent car le financement est obtenu avec les Américains. Les cinq ont été choisis parce que ce sont des pays en crise et où la Cedeao a des représentants permanents.

Propos recueillis par Joachim Vokouma
Kaceto.net