L’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 a proclamé que « plus rien ne sera comme avant » ; comme un seul homme, le même peuple insurgé a fait échec au putsch du 16 septembre 2015, puis a condamné avec la même force indignée les attentats terroristes du 15 janvier 2016 qui ont frappé l’hôtel Splendid et le café Capucino à Ouagadougou, ainsi qu’à l’intérieur du pays ; au nom d’une certaine idée de la liberté et a démocratie, les Burkinabè ont fermement rejeté les actes barbares qui ont fait des victimes et créé la désolation dans les familles. On est bien d’accord, tous ces hauts faits sont indiscutables et suscitent de l’admiration. Seulement voilà, l’homme ne vit pas que de liberté, de droits et de démocratie. Il lui faut le pain- ou le tô – et l’eau. Il lui faut la santé, un travail, un logement et des vêtements, pour ne citer que ces besoins vitaux de base. Car il y a aussi, et pas des moindres, l’éducation et la formation, bref… le savoir. Il lui faut le développement socioéconomique.
Ventre creux n’ayant point d’oreilles pour les discours, même les plus engagés et les plus prometteurs, le vécu quotidien disperse bien vite les espoirs insatisfaits et rend bien vite caducs, pour ne pas dire démagogiques, les meilleures déclarations d’intentions.

Et voici les vieux démons qui resurgissent, tels les ressacs de lointaines vagues s’échouant contre les mêmes immuables falaises séculaires. Car les vents contraires à l’enthousiasme et aux légitimes attentes, nés des récents sursauts, soufflent à rebrousse-poil, soulevés et enflés par « la vie chère », « l’inflation », « le chômage », « les mauvaises conditions de vie et de travail », « la corruption persistante », « l’impunité » etc. La mauvaise qualité de vie en somme.
Sit-in par-ci, grève par-là, ou encore préavis de tempête par-ci, plateforme revendicative par-là : chaque groupe professionnel, dans presque tous les secteurs d’activités, publics comme privés, engagent des luttes corporatistes, pour prendre sa part, ici et maintenant, des retombées des soulèvements pour l’alternance et le changement au « Pays des Hommes intègres ». Ce, d’autant plus qu’aux premières heures du nouveau pouvoir issu des élections du 29 novembre 2015, les magistrats ont arraché la part du lion avec la pleine satisfaction de leurs gourmandes revendications, au terme d’un blocage précoce de tout le système judiciaire et qui s’annonçait dangereusement long.
Alors, pourquoi pas les agents des Finances et des Impôts, ceux des Medias publics, les enseignants et chercheurs, les médecins et les agents de la Santé, les travailleurs des Télécommunications, les boulangers, les mineurs entre autres ?
Le Président du Faso a beau tenter de calmer le jeu et demander patience, le premier ministre a beau prier de « faire pardon », arguant que la santé économique et financière du pays n’est pas bonne, rien n’y fait. Négociations, dialogues, peu de choses pour eux !

Avec ou sans Blaise Compaoré, tout est comme avant. Le Burkina Faso moderne n’a-t-il pas été enfanté par la France colonisatrice avec ses tares ? La grève comme arme de revendication des travailleurs est de ce fait, malheureusement, notre maladie congénitale et nos gouvernements de la françafrique n’entendent que cela, hélas ! Car sous d’autres cieux, comme l’Allemagne ou l’Autriche par exemple, il existe bien d’autres formes pour s’accorder sur des plateformes sociales consensuelles, sans causer trop de pertes aux structures de travail. Dans ces pays, le dialogue social fait partie des mœurs politiques et la grève n’apparaît qu’en ultime recours. Chez nos "cousins" français en revanche, la grève est un moyen d’obtenir l’ouverture des négociations, une manie que nous avons hélas copiée et qu’il convient d’abandonner sans tarder.
Plusieurs mouvements sont en cours ou en préparation et il semble bien évident
qu’ici au Faso, le temps des mouvements d’humeurs sociaux n’est pas près de prendre fin. Et comment ne pas comprendre, précarité oblige, ceux qui les déclenchent ?

Par Sambo Kayouré
Pour Kaceto.net