Dans cette Tribune parvenue à notre rédaction, son auteur, Mamadou Djibo, préconise, comme en Algérie à la fin des années 90, une loi d’amnistie générale sur kes turpides politiques depuis 1966 à septembre 2015.

Le vaillant Peuple du Burkina est patient jusqu’à ce qu’il se révolte. Notre pays, le Burkina Faso est fier de son capital d’estime engrangé lors de ses multiples insurrections, de celle indépendantiste des BwaBa il y a déjà un siècle à la dernière ingénierie insurgée d’octobre 2014 par certains rentiers de la Génération Sankara-Compaoré. Presqu’un an après l’alternance aux pas cadencés de décembre 2015, les défis de la paix et de réconciliation, de la stabilité sont liés à celui de la justice, équitable, égale pour tous. J’entends dire par les béotiens que le triptyque vérité-justice-réconciliation est architectonique de la paix et de la stabilité. Erreur tragique parce que le Burkina Faso post-insurrection 2014 n’est pas advenu une République révolutionnaire comme ce le fut en 1848 à Paris ou avec el Commandante Fidel Castro qui vient de nous quitter, l’allié fidèle et intrépide de la liberté.

Comme en Tunisie post Révolution des Jasmins où la Dignité est présentifiée à la claire conscience de la Nation. Dans cette tribune, j’argumenterai sur les impasses induites par les rivalités d’ambitions personnelles intra Génération Sankara-Compaoré, au pouvoir depuis 1982 sans discontinuer, des judiciarisations en trompe-l’œil engagées, ça et là, qui accroissent la démobilisation croissante et inquiétante des jeunes braves du Faso tout en sciant et discréditant l’Indépendance arrachée de la Justice. Enfin, nous constaterons le double mouvement de désillusion provoqué par les dirigeants qui ont orchestré les impatiences et les violences pour s’auto-déchirer comme génération et prendre le pouvoir comme gain dérisoire d’une faction. Et, ironie des ironies, ce sont ces désillusions que ces mêmes dirigeants se sont inoculées, à leur corps défendant. Le Président Kaboré qui incarne notre Volonté générale, a raison de constater que les préoccupations des Burkinabè depuis 30 ans sont les mêmes. Ce diagnostic juste est précisément le problème de la génération de dirigeants à laquelle il appartient. Une génération talentueuse mais dont le bellicisme abject intramuros risque, si l’on y garde, de plonger la Nation dans le désordre pour longtemps. La Génération des Présidents Ouezzin Coulibaly et Maurice Yaméogo, de personnalités comme Philipe Zinda Kaboré, Nazi Boni, Joseph Ki-Zerbo etc., n’a jamais été un goulot d’étranglement pour la Nation. Profils politiques, ils savaient se rassembler autour de l’Intérêt général. Mais la génération suivante a multiplié les casus belli et s’est montrée incapable d’en sortir par le haut en raison de deux à trois profils qui vendangent leur apport à l’histoire. Jusque-là. D’où, l’impérieuse nécessité d’une Loi d’amnistie générale et totale de nos turpitudes individuelles et collectives couvrant le soulèvement de 1966 au coup d’Etat raté de 2015.

Pour la cohésion nationale, une Loi de Concorde nationale comme les Algériens ont su se l’offrir, souverainement en 1999, grâce au grand leadership patriotique du Président Bouteflika, est capitale. Puisque la paix solidaire algérienne courante est la fille ainée de ce courage. Le vrai courage est toujours souverain. Les renouveaux démocratiques burkinabè, de la Première république à la Quatrième, sont restés des ventes stériles parce qu’ayant renié la rupture créatrice pour prendre les nouvelles libertés conquises comme objets d‘échange, donc de servitude volontaire.

Pourtant, les Burkinabè ont un concept que les institutions politiques traditionnelles prennent en haute estime chez les Mossé : le Rakiré. Le Rakiré porte la paix du bon sens en ceci qu’il parie sur l’éthique de la parole comme sincérité pour opérer. Il est le dire vrai, dire la vérité à son pire ennemi ou à son prochain sans rancune, ni haine. Comme tel, le Rakiré parie sur la fraternité vraie comme socle du vivre ensemble au-delà des turpitudes, individuelles et/ou collectives. Au Mandé, il ya un autre concept promu par l’Empereur Soundiata Kéita, le *Sinangoya ou parenté à plaisanterie comme ce lien convivial qui interdit la conflictualité entre les Sanan et les Mossé. Les rivalités d’ambitions qui ont conduit au renversement violent du régime Compaoré opposaient les éléments de l’écurie présidentielle Compaoré au sein de la même Génération Sankara-Compaoré. Qu’une faction de cette écurie ait bien manœuvré, orchestré les ressorts violents du peuple, au motif que l’option politique de modification de l’article 37 était antidémocratique (d’ailleurs on se perd en conjectures), pour rafler la mise, le pouvoir d’Etat, le Rakiré est l’instance publique idoine pour régler les contentieux sédimentés, les rancœurs thésaurisées et les haines. Les Burkinabè commis à la tâche de Réconciliation doivent s’en inspirer.

Pourquoi une judiciarisation en trompe-l’œil est pernicieuse et reste un péril social circulaire ? Mettons de côté les secrets d’Etat. Précisément parce que le déshonneur guette le Burkina s’il devrait accéder pleinement à la bonne administration de la Justice, indépendante et équitable. Une telle Justice attraperait tous les éléments, dirigeants d’aujourd’hui et d’hier, précocement entrés en politique au sortir des Universités, des camps militaires sans sagesse, sans expérience, sans maturité démocratique, dans un contexte international de Guerre froide où les idéologies tenaient le haut du pavé. Les insouciances du lendemain aussi. D’où les dettes de sueur, de larmes, d’exil, d’assignations à résidence faciles décidées depuis le camp militaire voire de sang versé, se révèlent comme les torts advenus à redresser. Mais les mêmes d’hier produisent des illusions comme accusateurs aujourd’hui. Vite au contact du ressenti du peuple ces illusions de posture accusatrice sont devenues des désillusions auto-inoculées par les mêmes dirigeants et ce depuis 1982. Comment alors administrer la Justice pénale, lorsque les perquisitions, les arrestations, les assassinats, les privations de libertés par les milices CDR, les dégagements sauvages se faisaient en échappant au contrôle du juge ?

Parfois le juge court après les ratés des procédures pour les rendre recevables en créant ex nihilo de nouveau complexes de rationalité. Comme ces illusions dynamiques d’exhumation des restes du Président Sankara (nos coutumes renversées) pour établir au-dessus du doute raisonnable son ADN. Comme cette autre passion d’authentification d’une pièce acoustique mal fagotée et criminellement enregistrée parce que jamais l’écoute ne fut autorisée par un juge burkinabè. Ces passés douloureux, lointain et proche sont connus parce que consommés. Ils hantent les dirigeants. Redoutables pour tous les dirigeants d’hier et d’aujourd’hui tandis que les nouvelles générations, ces braves du Faso ont cru à la promesse des dirigeants actuels de pouvoir vider les placards. Comme pour exhiber les preuves de leur innocence ratatinée. Comment peut-on s’exonérer de ses propres turpitudes ? Comment délivrer cette marchandise sans se livrer soi-même comme colis fragile ? Comment sauver les chefs d’orchestre des évènements d’octobre des poursuites, parce que restés fidèles au régime du Président Kaboré pendant que ceux du coup d’Etat raté du Général Diendéré doivent payer ? Ces manœuvres des élites comme alchimie distractive prétendent occulter les préoccupations réelles du peuple (pouvoir d’achat, le défi sécuritaire et les politiques de l’égalité, employabilité des jeunes). L’auto-dénonciation est possible. Mais un Amendement de la Constitution américaine autorise le citoyen en difficulté avec la Loi de se draper dans son silence. Et puis l’on est point suspect légitime parce qu’on a perdu le pouvoir. Nos dirigeants peuvent-ils repousser ce passé, tantôt par des privations de libertés de la clientèle ayant perdu le privilège exécutif, tantôt par des mises en liberté provisoire pour raisons de santé ? Auquel cas, le peuple des impatiences orchestrées criera à la trahison et au refus de rendre justice voire même l’apparence de Justice. Dans tous les cas, il y a comme une conspiration insidieuse pour ridiculiser l’Institution. Parce que, désormais, Indépendante ? Je m’interroge. Il ne faut point donner de la Justice l’apparence d’une moquerie en raison de faits subjectifs et politiciens puisque chacun, ce faisant, court le danger du sursaut de la vengeance. Pire, tous ces actes, désormais sous le contrôle du juge, risquent de jeter le discrédit total sur l’Indépendance de l’Institution. Insolite circularité ! Malheur aux vaincus !

3. Le doyen Alidou Ouédraogo, référence dans la lutte contre l’impunité et le respect des droits humains, a dans une autre vie, été juge révolutionnaire. Pourquoi le juge a jugé non coupable, le Président Sangoulé Lamizana ? Non pas parce qu’il est l’un des plus Intègres dirigeants du Burkina. L’irruption violente des anciens combattants durant son procès y est pour quelque chose. Le désordre pressenti a vaincu l’injustice des puissants du moment. Or, il était plus aisé de le juger puisque le juge révolutionnaire était d’une autre génération, non compromise. Aujourd’hui le juge indépendant non compromis, prostituera sa propre dignité de juge souverain s’il ne demande pas la levée de l’immunité de tous ceux qui doivent être entendus. L’égale justiciabilité et rendre compte relèvent de l’égalité arithmétique entre les citoyens. En l’absence, le juge consacrerait le déni de justice qui sera ressenti comme la transgression des désirs de Justice des nouvelles générations. Comment en sortir ? Peut-il y accéder sans conséquence pour la paix sociale burkinabè ? La République post-insurrection 2014 n’est pas Révolutionnaire. Elle est animée par les mêmes comme talents, comme intrigues, comme manquements, comme zèle victorieux, haine et petits règlements désinvoltes entre bonnes gens depuis 1982. L’histoire d’un pays, de notre pays est globale. Il faut donc assumer cet héritage comme lemme global et jamais comme différenciations sélectives, mémoire frelatée, disjonctions distractives et impasses juridico-sociales. Les générations de Burkinabè se doivent solidarité au nom de la mémoire longue. Ainsi, ceux de la Génération Sankara-Compaoré sont déraisonnables lorsqu’ils affichent la posture politicienne d’accusateurs sélectifs. Comme les nouvelles générations de braves Burkinabè, ni responsables, ni coupables des turpitudes ante, sont probablement les victimes expiatoires de demain si les impasses conciliatoires persistent. Les hauts dirigeants nommés et en charge de la Réconciliation, avec la lucidité et le sens des responsabilités adossés sur l’intérêt général (paix et concorde nationale), sont d’abord individuellement et collectivement, auteurs, victimes, coauteurs, par omissions, oublis, couardise et clientélisme exubérant de nos infractions refoulées. Mais que ces anciens sont aussi témoins du fait que le régime du Président Blaise Compaoré a fait droit à la floraison des libertés publiques, à l’ancrage de l’Etat de droit démocratique. Qu’il importe de tirer de ce constat que lui-même comme chef de la Génération, a pris conscience de l’impératif patriotique de remédier aux turpitudes de sa génération. Que personne ne fut convoqué durant les marches démocratiques pour remplir, disait-on, recto-verso les stades, toutes les libertés constitutionnelles des citoyens, des acteurs politiques ont été respectées. Une forme de prise de conscience effective du Président Compaoré, au nom de tous, qui s’est arrêtée pour corriger, changer nos travers d’hier aux fins de renouer avec le type de libertés publiques vécues sous l’empire des droits et libertés, le lien fraternel pour vivre ensemble. Monsieur Hervé Ouattara l’a crânement rencontré le jour des Au revoir pour dire la volonté de la jeunesse des violences orchestrées sans que le ciel ne lui tombe sur la tête ou sur la tête des Burkinabè. Que cette pratique du Président Compaoré rappelle la théorie de Sénèque sur l’égalité arithmétique entre les fautes et les vertus. Qu’il sied de voir que cette prise de conscience effective pose, pour notre avenir de paix, de stabilité et de retrouvailles fraternelles, le problème du pardon (amnistie générale). Oui, hélas, ce problème est toujours posé pour la postérité pour que les nouvelles générations ne reçoivent en partage la haine. Une haine qui regarde son rétroviseur pour cultiver son petit jardin, le narcissisme, oblitérant donc l’avenir. Que finalement, le Salut par la Concorde rend indépassable, une loi d’amnistie générale et totale dans le Préambule de la Nouvelle Constitution en réflexion pour accueillir l’avenir de progrès, souverainement et légitimement. Certes, nos partenaires internationaux diront Non. Se choisir un avenir de paix et de prospérité partagée, souverainement, n’est une nuisance pour quelque partenaire que ce soit. N’est-ce pas sortir des difficultés accumulées pour être accueillant au progrès de l’homme burkinabè ? La paix des braves ouvre l’avenir. Du courage, il nous faut. Que notre Président l’incarne, en notre nom à tous !

Mamadou Djibo, PHD Pilosophy

* Article 7 de la Charte de Kurukan Fuga, L’Harmattan, Paris, 2008.