Coup de théâtre. Contre toute attente, Donald Trump est élu président des Etats-Unis au grand désespoir des sympathisants et électeurs de Hillary Clinton aux Etats-Unis et dans le monde. Elle totaliserait plus de 2 millions de votes, mais malgré cela, elle a perdu pour plusieurs raisons. Depuis, cette cuisante défaite, elle ne se maquille plus. Pendant ce temps, Barack et Michelle Obama termine en grande pompe leur deuxième en s’amusant à allumer un gigantesque arbre de Noël pour lancer les festivités de l’année. « Coup de théâtre. François Hollande a annoncé jeudi soir qu’il renonçait à briguer un second mandat à l’Élysée en 2017. C’est visiblement très ému que le président de la République a terminé son allocution, (en disant) j’ai décidé de ne pas être candidat à l’élection présidentielle". Il devient le premier président de la Ve République à renoncer à se présenter pour un second mandat. Cependant, selon le journaliste, « ce renoncement est loin d’être un aveu d’échec pour François Hollande ». Au-delà de l’appréciation subjective qu’on peut faire de cette situation, une question se pose : Que vont devenir Obama, Hillary et Hollande après avoir quitté la scène de gré ou malgré eux ? Est-il possible que leurs peuples aient encore besoin d’eux après ?

L’art de quitter la scène
Au théâtre comme en politique, il y a tout un art pour quitter la scène, mais les choses ne se passent toujours comme on veut. Quand un acteur de théâtre joue mal son rôle, la réaction de colère du public est immédiate et expressive. L’acteur incompétent est vite renvoyé à l’arrière scène. Ses collègues redoublent d’effort pour faire oublier les désagréments qu’il a pu causer au niveau des spectateurs. Lorsqu’un comédien joue très bien son rôle, il est applaudi. Quand une troupe finit de jouer une pièce de théâtre, tous les acteurs se présentent la main dans la main pour saluer le public pour avoir honoré de sa présence la représentation et surtout de l’avoir appréciée. En retour, les spectateurs saluent la qualité du jeu des acteurs par leurs applaudissements ou standing ovations ainsi que les cris de rappel. Ils accompagnent ainsi la révérence et la sortie triomphale de la troupe qui a bien joué.

Le jeu politique est aussi exigeant. Il est régi par le principe de l’alternance selon laquelle, personne, quel que soit son rôle, ne doit monopoliser la scène et y rester indéfiniment. Cela ne concerne pas seulement le président, mais tous les acteurs politiques occupant des fonctions électives et nominatives. Ainsi, comme l’acteur de théâtre, l’homme politique est aussi appelé tôt ou tard à tirer sa révérence et quitter la scène définitivement ou par intermittence. Quand il a bien joué son rôle, il quitte avec des applaudissements et les marques de reconnaissance de ses concitoyens. Quand l’acteur politique a mal joué son rôle, il peut quitter ses fonctions sous les hués et les jets de pierre du peuple. Bien que le jeu politique soit passionnant, l’acteur qui est mis sur la touche doit l’accepter et chercher d’autres façons de servir son pays hors des postes décisionnels. Il peut ainsi attendre une autre occasion où sa contribution et ses compétences seront jugées nécessaires pour accéder à un autre poste. Quitter un poste politique est un principe démocratique et non une option dépendant de la volonté individuelle.

Le refus de quitter la scène
Contrairement aux acteurs de théâtre, plusieurs acteurs politiques refusent de quitter leurs postes et fonctions à la fin de leurs mandats. Ils s’identifient définitivement à leurs personnages politiques et ne veulent plus retrouver leurs identités propres. C’est comme un comédien qui joue au roi pendant les représentations d’une pièce théâtrale et refuse de quitter son personnage à la fin de la tournée. S’il s’est habitué de voir ses collègues artistes jouer à ses valets et serviteurs, s’il tient à garder son accoutrement de roi et refuse de reprendre ses propres habits pour rentrer chez lui, cela va faire plutôt marrer la troupe. Les fonctions politiques sont tout autant temporaires et éphémères que les rôles des comédiens. Elles ne sauraient être définitives pour qui que ce soit dans la hiérarchie administrative et politique. Même si les mandats durent et que les acteurs en viennent à s’habituer à leurs rôles au point de s’y identifier, tôt ou tard, il leur faut bien revenir à une vie normale de simple citoyen. Il ne faut pas en être étonné ou blessé, mais juste s’y préparer dès l’entrée en fonction en restant soi-même et en gardant les pieds sur terre. La vie politique doit être comme une scène de théâtre où chacun entre, joue son rôle et disparait.

Du reste, c’est dans l’ordre normal des choses que les individus se succèdent dans les postes nominatifs et électifs. Et, la fin peut arriver de manière inattendue quand on est membre d’un gouvernement ou un élu. Celui qui s’habitue à son personnage politique au point de ne plus vouloir redevenir lui-même risque de souffrir une dépression profonde à la fin de son mandat. Il peut être complètement déstabilisé socialement et professionnellement. Les exemples d’anciens gouvernants qui souffrent d’avoir perdu leurs postes sont légions. Ils ne pensaient pas qu’on pouvait, de manière inattendue, les remercier un jour. Ils ne digèrent pas d’être débarqués sans ménagement et font tout pour réintégrer leurs postes afin de continuer de jouer leurs personnages. A ce jeu, plusieurs politiciens sont devenus de véritables acteurs de déstabilisation politique pour leurs pays, des experts en coups d’Etat et insurrections. Il s’agit là d’un grand fléau que les états africains en général et le Burkina Faso en particulier doivent solutionner s’ils veulent éviter les conflits politiques incessants et arriver à promouvoir l’alternance démocratique et l’enracinement de la démocratie réelle. En démocratie, nul n’est indispensable dans un poste décisionnel. Surtout pas les bêtes ou les diables politiques qui sont en réalité de mauvais acteurs politiques et des tyrans déguisés en faux démocrates. Est-ce vraiment le peuple qui décide du maintien durable ou pas de tous les mandants sur la scène politique ?

Le peuple en spectateur impuissant ou indécis ?
Au théâtre, on peut se permettre de jouer des scènes comiques ou dramatiques. Contrairement à une pièce de théâtre, un mandat politique n’est pas un jeu de divertissement et d’amusement. Il ne s’agit pas de théâtre ou de fiction, mais de la vraie vie. Le mandat électif ou nominatif est une mission de haute importance confiée par le peuple à des individus volontaires qui se disent aptes à le servir convenablement. Si cette mission est mal conduite, elle peut être source de vie ou de mort pour plusieurs citoyens et citoyennes. Or, les gens qui meurent dans une pièce de théâtre font semblant et se relèvent ensuite. Mais, les victimes de la mauvaise gouvernance politique, économique et sociale d’un pays ne se relèvent jamais. C’est pourquoi, même si on parle de jeu politique, l’acteur politique ne doit jamais jouer. Il doit travailler à rendre les services adéquats (de santé, d’éducation, de justice, d’eau potable, de sécurité alimentaire, etc.) qu’il a promis à la nation au moment de son élection.

Malheureusement, se croyant au théâtre, plusieurs politiciens pensent pouvoir la jouer drôle ou dramatique selon leur bon vouloir. Ils en viennent à oublier qu’ils jouent avec la vie et le destin des peuples. Ils se transforment vite en fanfarons imbus de leurs personnes, en guignols qui se mettent en scène pour amuser le peuple au lieu de le servir. Le politicien admiré, applaudi et élu pour ses qualités supposées ou réelles ne peut jouer son rôle que de manière sérieuse et responsable. Il doit éviter au peuple tout drame lié à sa façon de travailler et lui rendre scrupuleusement les services rattachés à la fonction dont il a la charge.

Parce que, c’est une question de vie ou de mort pour des citoyens, fallait-il attendre la fin du quinquennat de François Hollande pour le sanctionner en l’obligeant à quitter son poste et probablement la scène politique ? Combien de temps devait durer son délai de grâce pour limiter les dégâts ? Six mois, un an ou plus ? Quel est le seuil de dégâts ou d’insuffisance à ne pas dépasser en matière de gouvernance politique d’un pays ? Dans le contexte burkinabè, la rédaction en cours d’une nouvelle constitution au Burkina Faso doit permettre de régler définitivement cette question pour plusieurs raisons. En effet, l’expérience des trois dernières décennies montre, à souhait, une situation paradoxale. Quand des acteurs politiques ont eu à poser des actes répréhensibles, le peuple a assisté penaud à ce spectacle déplaisant sans rien dire. Certains citoyens ont mêmes cautionné et applaudi les méfaits quand cela servait leurs intérêts personnels ou claniques.

La grande majorité des burkinabè, attend en spectateur impuissant la fin de son mandat pour espérer que de meilleures personnes viennent ou soient élues. C’est ainsi qu’on a attendu la fin de la transition pour demander des comptes à ses animateurs. Rien n’a été fait pour les empêcher de nuire au moment de leur mandat car tout le monde disait qu’il faut être compréhensif avec eux à cause des conditions dans lesquelles ils sont arrivés au pouvoir. Des voix se lèvent maintenant pour critiquer ZIDA pour des affaires de parcelles et de blanchiment d’argent. Le peuple leur a donné le bon Dieu sans confession et certains en ont abusé. Ce même peuple a passé 27 ans à applaudir et louer les actions de Blaise COMPAORE et de ses anciens camarades. Il a ensuite été critiqué et rejeté au motif qu’il a trop duré au pouvoir, qu’il a mal géré le pays, que son clan familial a abusé de son pouvoir, qu’il y a eu des crimes économiques et de sang sous son régime. Dans ces deux cas de figure, le peuple est lui-même coupable de mutisme lâche, et surtout de tromperie envers les gouvernants qu’il a applaudi avant d’accuser. De toute évidence, l’attentisme des peuples les rend vulnérables et les exposent aux abus politiques répétés.

L’usurpation du pouvoir du peuple au profit d’intérêts particuliers
L’insurrection d’Octobre 2014 a été justifiée comme une réaction populaire contre la mauvaise gouvernance, les abus de l’ancien régime et les velléités de prolongation du mandat présidentiel. Après celle de 1966, on peut dire que le peuple burkinabè fait maintenant figure de peuple modèle dans sa réaction contre les mauvais gouvernants. Cela a été applaudi dans le monde entier comme un bon exemple à exporter dans d’autres pays africains. Doit-on en conclure que mandataire, témoin oculaire, le peuple souverain et spectateur n’endure pas indéfiniment en silence les torts qui lui sont faits. Et qui est ce peuple qui réagit et comment il le fait ? L’analyse de la dernière insurrection montre que le peuple peut être instrumentalisé et utilisé par des acteurs politiques à des fins de conquête du pouvoir. Donald Trump l’a aussi très bien compris et s’est servi de la désinformation et de la manipulation de la classe moyenne blanche de l’Amérique profonde pour se faire élire en lieu et place de Hillary Clinton la favorite.

Au regard de la longue histoire politique burkinabé, on peut dire que ni l’entrée en scène, ni la sortie des acteurs politiques ne sont prévisibles et maîtrisables. Les nombreux coups d’Etat en sont la preuve. La culture démocratique y est encore si faible que la scène politique s’apparente plus à une jungle dans laquelle on ignore réellement par quel mécanisme de recrutement les acteurs politiques y entrent et quand et comment ils en sortent. Un des facteurs importants, qui est commun à beaucoup de pays africains, est que, bien des acteurs politiques burkinabè refusent de quitter leurs postes quand il le faut. Ce refus de quitter les postes décisionnels favorise le désordre et l’instabilité politique. Cela laisse paraitre que finalement ce n’est plus la qualité des acteurs qui déterminent leur présence et maintien aux postes de décision mais plutôt leurs capacités à résister, contrer, déstabiliser ou débarquer d’autres concurrents.

Au Burkina Faso, les nombreux coups d’état et les mouvements insurrectionnels, du reste interdits dans le Code pénal montrent que bien souvent, ce n’est pas le peuple, spectateur et mandataire, qui exclut les acteurs indésirables ou présentés comme tel. En définitive, les peuples ne réagissent pas spontanément comme les spectateurs de théâtre face à une scène déplaisante ou dramatique. Il y a toujours des animateurs masqués ayant des objectifs politiques et des moyens financiers et communicationnels qui se servent de la force du peuple pour réaliser leurs objectifs. En définitive, la volonté du peuple devient secondaire car il est consulté à posteriori pour légitimer et avaliser la présence du vainqueur du duel des acteurs politiques sur scène. En changeant ainsi les règles de dévolution du pouvoir et de la représentation dans les instances nominatives et électives, tout le peuple devient responsable d’une fréquente erreur de casting dans le choix des acteurs politiques appelés à gouverner. Ainsi naissent et se perpétuent les simulacres de démocratie.

Boinzemwendé KABORE
Sociologue
Doris30102014@gmail.com