Les Etalons footballeurs du Burkina Faso ont été éliminés en demi-finale de la coupe d’Afrique des Nations –CAN2017. C’était à Libreville, dans la soirée du mercredi 1er février, à la suite d’un match époustouflant de cent-vingt minutes, qui n’a pu trouver d’issue qu’au terme de l’étape des tirs au but. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le onze national a mouillé le maillot et confirmé que le football burkinabé est bien parvenu au sommet de la pyramide africaine. Mais, l’expérience d’une des plus vielles équipes nationales du continent est venue quand même à bout de cette jeune et talentueuse formation des Etalons. Il fallait s’y attendre un peu, tout en ayant foi en la victoire des poulains de Paolo Duarte. Après tout, parmi les quatre demi-finalistes, c’était les Etalons qui créaient le contraste, en donnant l’impression d’un intrus de la rue venu perturber le repas des gens de la cours. Le seul problème, pour les Pharaons d’Egypte, les Black Stars du Ghana et les Lions du Cameroun, était que, le onze nationale du Faso est justement cette petite équipe qui empêche les grandes de dormir. Enfin ! A l’arrivée, dans cette confrontation Pharaon-Etalons, les dieux du sport roi ont fait l’option d’ouvrir la voie de la finale à l’équipe la plus expérimentée. Alea jacta es.

Bien naturellement, nos cœurs, à nous Burkinabé amoureux du football et de la cause nationale, ont pris un sacré coup. Au terme du match, j’ai vu dans la rue, des larmes couler ; j’ai entendu des cris de désespoir ; j’ai senti la douleur et la déception des âmes. Tout cela m’a semblé paradoxalement magnifique, parce que tout cela exprimait l’attachement des Burkinabé à leur patrie ; tout cela figurait aussi une sorte d’épreuve qui murit la nation. Ce partage d’enthousiasme, de foi en la victoire, puis de soupir et de larmes face à la défaite, crée, au sein de la nation, une sorte de sympathie mystique. Une nation forte, se nourrit de ses victoires, mais aussi et surtout de ses défaites. Nombreux ont été pourtant ces compatriotes qui, dès la fin du match, ont ouvert leurs petites enquêtes de spécialistes « mouta-mouta »* pour trouver des bouc-émissaires et des coupables de l’échec. Je crois que c’est le pire des chemins à prendre. Laissons plutôt les techniciens du football tirer les leçons de cette CAN et de cette demi-finale, pour que l’avenir puisse s’assoir sur les épaules du présent. Eux, les techniciens, ils doivent, non tourner la page, mais la relire avec minutie, dans le sens de renforcer, en particulier, les forces mentales du onze national dans tous les compartiments du jeu, et à toutes les étapes d’un match.
Nous autres profanes, qui apportons aux Etalons notre passion du football, notre amour de la patrie, nous devons tout simplement nous dire : « prochainement, les étalons feront mieux ; tôt ou tard, ce trophée visitera Konsyam, le palais de Naba Baogo, et les grands artères de Ouagadougou. » Le meilleur, pour nous, est de cultiver et de partager cette attente du jour magnifique où le trophée prendra ce bain dans les eaux sacrées du Kadiogo des pères. C’est cette attitude qui renforcera l’unité nationale ; elle nous mobilisera autour des symboles de la patrie, mettra nos cœurs à l’unissons et nous fera contempler les mêmes horizons. « Les échecs, la sueur et le sang », ne doivent pas nous affaiblir et nous séparer ; ils doivent au contraire fortifier nos cœurs, fertiliser nos défis, faire fructifier nos luttes, orienter notre persévérance à figurer honorablement dans l’histoire. La déception des jeunes et ces larmes de patriotes qui ont coulé mercredi, cachent d’ailleurs certaines belles vérités : la première est que les Etalons- les spécialistes nous le diront-, viennent de faire l’une de leurs meilleures prestations en CAN, en terme de constance dans le jeu. La deuxième est que cette CAN est l’une de celles qui ont le plus enthousiasmé les Burkinabé. On a probablement vu, ce jour-là, devant un petit écran , simultanément et durant cent-quarante minutes au moins, pour suivre le même événement, Blaise Compaoré en exil, Gilbert Diendéré et Djibril Bassolé depuis la prison militaire, Michel Kafando dans sa belle et paisible ferme, Isaac Zida quelque part au Canada, Zéphirin Diabré, Bénenwendé Sankara, Rock Marc Christian Kaboré et moi-même le philosophe de la sauvagerie. Ce constat des audimats du monde est symptomatique de ce que je crois : « les idées, les passions politiques et les intérêts, séparent les enfants de la nation, mais la passion du sport les rassemble. »
*Mouta-mouta : terme utilisé par Rock Marc Christian Kaboré pour désigner les choses louches

Zassi Goro ; Professeur de Lettres et philosophie, écrivain.
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