Michel Rocard, mort samedi à 85 ans, a vécu une longue et tumultueuse carrière politique qui l’a laissé assez loin de son rêve, l’Elysée, où ira son grand rival François Mitterrand dont il fut le Premier ministre de 1988 à 1991.

Se qualifiant de "social-démocrate de dialogue", il entendait incarner une vision rénovée de la gauche, portée par une forte exigence morale, prenant en compte "les contraintes de l’économie mondialisée" sans "renoncer aux ambitions sociales". Il fut, selon ses amis, le premier à gauche à introduire la notion de rigueur financière.De petite taille - moins d’1m70 - ce grand fumeur de gauloises sans filtre, amateur de ski et de voile, donnait une image de fragilité, démentie par beaucoup d’énergie et de pugnacité. S’il a failli périr en 2007 après une hémorragie cérébrale survenue en Inde, cinq ans plus tard, alors ambassadeur de la France pour les régions polaires, il était le premier octogénaire à se rendre aux deux pôles géographiques du globe.

En mars 2012, victime d’un malaise à Stockholm, il avait dû être hospitalisé quelques jours le temps que les médecins suédois résorbent un caillot sur la partie droite du cerveau.

L’oeil pétillant dans un visage nerveux, le débit rapide, cet homme pressé à l’allure de Tintin aimait avant tout le travail des dossiers et la négociation. C’était un formidable pédagogue, entre emphase et bonhomie, langage techno et vocabulaire relâché, qui rendait intelligents ceux qui l’écoutaient même s’il fallait s’accrocher pour suivre ses raisonnements.
Il a aimé être maire d’une commune de banlieue parisienne, Conflans-Sainte-Honorine, "la plus belle fonction politique" (de 1977 à 1994), s’est plu au ministère de l’Agriculture (1983-85) mais a détesté l’Hôtel Matignon : en partant, "j’ai quitté ma femme. Peut-être aurais-je divorcé sans Matignon mais cela a accéléré les choses, sans aucun doute".

Michel Rocard naît à Courbevoie, près de Paris, le 23 août 1930. Son totem chez les scouts : "Hamster érudit", un surnom qui lui collera à la peau. ENA, inspection des finances : le fils ne marche pas sur les traces du père scientifique qui est furieux. Ils mettront des années à se réconcilier.

Hostile à la guerre d’Algérie, il dirige de 1967 à 1973 le Parti socialiste unifié (PSU), "laboratoire d’idées" pour la gauche. Il s’associe au mouvement de mai 68, ferraille contre la tendance "dure" du PSU, parvenant à faire condamner le recours à la violence.
Candidat à la présidentielle de 1969, le jeune loup recueille 3,6% des suffrages. Il rejoint le PS en 1974, trois ans après sa fondation. "Erreur majeure !", admettra-t-il car les mitterrandistes lui reprocheront d’avoir "pris le train en marche".

Chouchou des sondages, il défie M. Mitterrand auquel il reproche en 1978 son "archaïsme". La guerre est déclarée. Fin 1980, il annonce sa candidature à la candidature du PS pour la présidentielle à venir mais son intervention est ratée. Il doit s’effacer devant celui qui défend une ligne d’union de la gauche avec les communistes.

Source AFP
Kaceto.net