Malgré les disponibilités alimentaires globalement bonnes, l’insécurité civile dans le Bassin du Lac Tchad et le Nord du Mali continue d’affecter négativement les conditions de vie des ménages dans la sous-région entraînant une situation alimentaire et nutritionnelle critique par endroits au Burkina Faso, au nord du Mali, en Mauritanie, au Niger, au nord du Nigeria, au Sénégal et au Tchad.

À la suite des travaux de la réunion des experts du dispositif régional de prévention et de gestion des crises alimentaires au Sahel et en Afrique de l’Ouest (PREGEC), tenue à Dakar au Sénégal, du 22 au 24 mars 2017, les
participants font la déclaration suivante :

1. Les tendances de bonnes productions agricoles annoncées en novembre 2016 à Cotonou au titre de la campagne agricole 2016-2017 se confirment. Ainsi, les productions céréalières sont établies à 67,2 millions de tonnes, soit des hausses de 10 et 17% comparées respectivement à celles de la campagne 2015-2016 et à la moyenne des cinq dernières années. Toutefois, de légères baisses sont enregistrées en Gambie (-12,4%), au Libéria (-7,5%) et en Mauritanie (-11,2%, résultats provisoires) comparées à la moyenne quinquennale. Les productions de
tubercules établies à 166,7 millions de tonnes, sont en hausse de 2,4% par rapport à la campagne 2015-16 et de 10% par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Les productions des cultures de rente sont estimées à 8,3 millions de tonnes pour l’arachide, 7, 4 millions pour le niébé, 1,5 millions pour le soja et 865 milles pour le sésame. Ces productions sont en hausse comparées à la moyenne des cinq dernières années, sauf le sésame qui présente une baisse de 5,6% comparée à la campagne 2015-16.

2. Sur le plan pastoral, la situation est caractérisée par l’épuisement des ressources fourragères et le tarissement des points d’eau de surface. Ceci annonce une soudure pastorale difficile dans l’Oudalan au Burkina Faso, dans les régions de Gao, Bourem, Gourma, Rharous et Menaka au Mali, dans les zones pastorales et agro-pastorales du Niger, à Kassine, Kobe Nord-Est, Kobe Sud, Gos-Mimi, Arada et environ au Tchad.

3. Globalement, les marchés sont bien approvisionnés en denrées alimentaires à la faveur des bonnes récoltes enregistrées, du maintien des flux et du bon niveau des stocks commerciaux sur le marché international. Cependant, dans les zones affectées par l’insécurité civile, ces approvisionnements demeurent inférieurs à une situation normale. Sur les marchés agricoles, les prix des céréales sont en légère hausse comparés à la moyenne des cinq dernières années, en raison des perturbations enregistrées au niveau de certaines devises dans la région
notamment au Nigeria, au Ghana, en Sierra Léone, en Guinée et au Libéria. Cette hausse est également observée sur les prix des tubercules malgré la bonne production enregistrée.
S’agissant des cultures de rente, les prix sont relativement stables en comparaison à la moyenne quinquennale à l’image de l’arachide et du niébé. La demande globale est stable, mais elle connaîtra une croissance habituelle du fait de la reconstitution des stocks ménages et institutionnels.

4. Sur les marchés à bétail, les prix des bovins et des petits ruminants sont en hausse par rapport à la moyenne quinquennale dans le bassin Ouest et au Mali. Par contre, dans les bassins Centre et Est, Ils sont en nette baisse à cause de la réduction de la demande du Nigeria suite aux perturbations des flux liées à l’insécurité civile notamment dans les pays du Bassin du Lac Tchad.
La réunion des experts du PREGEC dresse le bilan définitif de
la campagne agricole et des perspectives alimentaires aux
niveaux national et régional, en préparation de la réunion restreinte du Réseau de
prévention des crises alimentaires (RPCA) en avril 2017. Elle est
organisée par le Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse dans
le Sahel (CILSS) et ses partenaires.

Concertation du dispositif régional de prévention et de gestion des crises alimentaires (PREGEC)

5. Les termes de l’échange bétail/céréales et produits rentres/céréales sont en détérioration dansles pays du bassin Est sauf au Tchad où il est noté une amélioration due à la baisse des prix des céréales. Par ailleurs, dans les pays du bassin Ouest et au Mali, les termes de l’échange sont favorables pour les consommateurs de céréales à cause du bon niveau des prix du bétail,
de l’arachide et de la noix de cajou.

6. La situation nutritionnelle demeure préoccupante voire critique dans le bassin du Lac Tchad, au Nord du Mali, au Niger et dans plusieurs Etats du Nord du Nigéria du fait de la détérioration des conditions de sécurité alimentaire et la persistance de l’insécurité civile notamment dans les zones abritant des populations de réfugiés et des déplacés internes. Ainsi, le nombre d’enfants malnutris sévères pourrait atteindre la barre de 3.500.000 en fin 2017 si les interventions de
lutte contre la malnutrition en cours ne sont pas renforcées.

7. Les analyses du Cadre Harmonisé conduites dans les dix-sept pays de l’espace CILSS, CEDEAO et UEMOA, indiquent qu’en période courante (mars, avril et mai 2017), 9,6 millions de personnes sont en situation de crise et au-delà contre 10,4 millions annoncés en novembre 2016. Cette situation est en partie liée à l’amélioration progressive de la situation sécuritaire et aux actions d’assistance humanitaires en cours notamment dans le Bassin du Lac Tchad en
général et au nord Est du Nigeria en particulier. Si les interventions en cours ne sont pas renforcées et celles envisagées, pas mises en œuvre notamment au Burkina Faso, au nord du Mali, en Mauritanie, au Niger, au nord du Nigeria, au Sénégal et au Tchad, ces populations pourraient atteindre d’ici la période de soudure (juin- août), 13,8 millions dont 1,6 millions en urgence et au Nigeria 50 milles en état de famine. Parmi ces populations vulnérables, il faut compter près de 4,9 millions de personnes déplacées et refugiées en raison de l’insécurité civile
dans le Bassin du Lac Tchad et le Nord du Mali, du banditisme et les conflits
intercommunautaires qui sévissent dans la région.

Recommandations
À l’endroit des États et leurs partenaires,
* Mettre en œuvre rapidement et renforcer les mesures d’assistance alimentaire et humanitaire envisagées pour
protéger les moyens d’existence des populations et sauver des vies humaines notamment au Burkina Faso, au nord du Mali, en Mauritanie, au Niger, au nord du Nigeria, au Sénégal et au Tchad
* Maintenir la veille informationnelle dans les zones à risque d’insécurité alimentaire et nutritionnelle et sur le fonctionnement des marchés.
À l’endroit du CILSS,
* Poursuivre avec ses partenaires, les efforts de renforcement des capacités des pays au regard des difficultés qu’ils rencontrent dans la mise en œuvre du Cadre Harmonisé ;
 Organiser en collaboration avec ses partenaires, une concertation régionale sur les statistiques agricoles et
alimentaires et la problématique de son financement durable pour améliorer le fonctionnement des systèmes
nationaux d’information sur la sécurité alimentaire ;
* Renforcer les capacités des pays en collaboration avec la FAO sur la méthode d’établissement du bilan alimentaire ;
* Améliorer la communication des résultats des analyses utilisant le Cadre Harmonisé pour aider à la prise de décisions et la planification des réponses.
À l’endroit de la CEDEAO et de l’UEMOA,
* Apporter un appui financier aux systèmes nationaux d’information pour la production des données statistiques devant permettre la mise en œuvre du Cadre Harmonisé.

Abdoulkarim DAN KOULOU (CILSS)
Chef UAM-CID