Le 21 mars dernier, les 117 conseillers municipaux de la commune de Ziniaré étaient convoqués pour la première session ordinaire 2017 du Conseil municipal. Ordre du jour, examen des travaux de la session précédente, puis du rapport spécial d’activités du maire pour l’année 2016.
Comme d’autres médias, Kaceto.net, qui a assisté à la séance revient sur ces rares moments de démocratie locale où la parole s’exprime sans langue de bois. Instants de fraîcheur démocratique.

21 mars 2017. A 9 heures pile, Pascal Compaoré, le maire de la commune de Ziniaré, à 35 km de Ouagadougou s’installe et attend l’arrivée de ses conseillers. La salle du conseil municipale se remplit progressivement. La ponctualité n’est pas la chose la mieux partagée parmi les conseillers de la commune de Ziniaré. Certains arrivent bien après l’ouverture de la session, dans l’indifférence générale.
Le secrétaire général de la Mairie procède à l’appel pour savoir si le quorum est atteint. Un conseiller qui parlote dehors répond à l’appel de son nom. Au total, 78 sur 117 conseillers ont répondu présents. Le quorum étant atteint, le maire ouvre les travaux alors que des voix s’élèvent pour demander une reprise de l’appel. Le secrétaire général refuse.
Le maire prend la parole et demande une minute de silence en mémoire des disparus de 2016 et 2017. En Mooré, il souhaite la bienvenue et bonne année à tout le monde. Avant d’entrer dans le vif du sujet, il rappelle qu’il faut demander la parole, obtenir l’autorisation avant de s’exprimer. Il insiste sur la courtoisie, le respecter de l’autre et la différence de point de vue qui doit habiter chaque orateur. « Nous devons avoir à l’esprit l’unité des fils et filles de la commune, préalable à son développement », dit-il. Deux volontaires sont ensuite désignés pour être des rapporteurs de la session, après quoi, on passe à l’adoption de l’agenda du jour après qu’aucune objection n’ait été enregistrée.
Le travail va maintenant commencer avec la lecture du procès-verbal de la 4ème session ordinaire de l’année 2016, puis les amendements. On assiste alors à une vraie démocratie locale. Page par page, on scrute, décortique et interroge le contenu du texte et le sens des mots. Un conseiller veut savoir quels sont les chantiers que le maire a visités et dans quelles localités (page 4). Un autre, n’est pas d’accord sur le temps employé dans la rédaction du rapport : « Soit on utilise le passé simple, soit le passé composé, mais on ne peut pas passer de l’un à l’autre », objecte-t-il. Page 3, un autre conseiller juge que la formule « rendre plus digeste » le procès-verbal fait penser à la nourriture ! Il faut donc trouver un autre mot. « Le maire a initié des formations pour renforcer les capacités des agents ». On veut savoir lesquels ? Visiblement agacé, un conseiller estime qu’on pinaille trop sur la forme de rédaction alors que l’essentiel est dans le fond. Le maire objecte que toutes les critiques et suggestions sont légitimes et recevables. Il faut plus de 30 mn pour amender le texte et l’adopter à mains levées.

L’agenda du jour prévoit ensuite la présentation du rapport spécial d’activités 2016 du maire, les inévitables demandes d’éclairage, les suggestions, critiques et enfin son adoption si l’assistance le juge adoptable. Le rapport avait été envoyé à tous les conseillers bien avant, afin de leur permettre d’en prendre connaissance et préparer leurs critiques. Le document contient en fait le bilan de la délégation spéciale (1er janvier au 27 juin 2016), puis celui du conseil municipal qui a pris le relais à partir du 28 juin. C’est encore le secrétaire général de la mairie qui est à nouveau commis à la lecture en Mooré du rapport spécial. Exercice extrêmement complexe où il n’est pas toujours facile de trouver le juste mot en Mooré pour traduire tous les passages du rapport rédigé en français. Tout y est : aménagement du territoire, gestion du domaine foncier et de l’urbanisme ; éducation, emploi et formation professionnelle ; sport et culture, protection civile, mais aussi fonctionnement des services de la commune, l’état d’exécution des délibérations prises par la délégation spéciale et le conseil municipal ; l’exécution du budget municipal et la situation en 2016, etc., autant de sujets soumis à l’appréciation des conseillers.
On apprend ainsi que l’année écoulée a été marquée par des conflits sociaux, notamment fonciers opposant les producteurs et les sociétés d’exploitation de carrière ; des tensions sociales nées de la mort accidentel d’un élève dans la commune de Ziniaré, fauché par un car d’une compagnie de transport. La commune a aussi accueilli la présentation du Plan national de développement économique et social (PNDES) et adopté son nouveau Plan communal de développement (PCD).
Bref, c’est un document de 25 pages, synthèse des activités de 2016 que les conseillers sont invités à examiner. La lecture du document terminée, on passe à nouveaux à la séance des questions et contributions. Plusieurs personnes s’inscrivent pour prendre la parole. Des retardataires continuent d’arriver. Une assistante du maire fait le tour de la salle pour noter leur identité. Tout doit être consigné dans le procès-verbal.
Le maire revient à la charge : « Restons courtois. Ce n’est pas la bagarre, mais le débat démocratique, c’est-à-dire, l’acceptation de la contradiction, de la remise en cause des certitudes ». Avec 71 conseillers sur 117, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) contrôle le bureau du conseil municipal, mais fort de ses 40 conseillers, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) joue à fond son rôle d’opposant, tout comme les cinq (5) élus AGIR et l’unique conseiller NAFA (1) n’entendent pas faire de la figuration. Les débats, parfois animés sur des sujets précis, montrent que la démocratie locale fonctionne, que la majorité ne décide pas seule, sans prendre en compte l’avis des autres.

Commencée aux environs de 9h20mn, c’est vers 16 heures que le maire va clore la session. Le rapport spécial fait état de 316 ordres de mission délivrés par le maire. Pourquoi autant ?, demande un conseiller. Les 35 délibérations passées ont-elles été totalement exécutées oui ou non ? Quelle est la différence entre la délégation spéciale et le conseil municipal qui a pris la suite ? Si c’est vrai, pourquoi le conseil municipal a-t-il dépensé 6 millions de F CFA pour la Journée internationale des droits de la femme ? Le rapport mentionne les résultats aux différents examens, notamment le CEP et le BEPC, mais n’indique rien s’agissant des lycées et du BAC. Pourquoi ? La tombe de Naba Oubri a été réfectionnée, mais sur la plaque, on a seulement indiqué « Tombe de Naba Oubri , commune de Ziniaré », sans aucune mention du nom du village qui l’abrite « Oubri Yaoghin ».Il faut donc rectifier, interpelle un élu. Un autre veut savoir quel est le montant des recettes collectées par la police municipale, tandis qu’un de ses collègues demande des comptes sur la gestion des boutiques de Laongo et de Barkuitenga. Est-il possible de visiter la salle de spectacle sans autorisation, interroge un autre élu ?
Tous les orateurs ont pris la parole. Le maire, qui patiente depuis un bout de temps reprend les choses en main pour apporter des réponses. Il passe sur la question du premier intervenant, qui n’a pas eu la patience d’attendre. « Puisqu’il sorti, je ne réponds pas en son absence ». Point par point, le bourgmestre tente d’apporter des éclairages, le SG venant parfois en renfort. « La délégation spéciale a géré la mairie de janvier à juin 2016 avec tous les pouvoirs d’un conseil municipal élu ; donc vote et exécution d’un budget. La différence, c’est que l’équipe n’était pas élue ».
Sur la contribution de la mairie à l’organisation de la Journée internationale des droits de la femme, le montant s’élève à 200 000 FCFA. Bien sûr, on peut visiter la salle de spectacle, sans autorisation s’agissant même des conseillers. Elle a été construite pour un montant de 50 millions de F CFA avec le soutien financier de Fasolim. Il suffit de passer demander les clés. Entre temps, l’auteur de la première question est revenu dans la salle ; le maire répond à sa question. S’il a délivré autant d’ordres de mission, c’est la preuve que les gens travaillent et vont chercher ailleurs de quoi améliorer le fonctionnement de la commune. Il précise au passage que certains ordres missions sont délivrés pour permettre à des agents de répondre favorablement à des invitations venues d’ailleurs et prises en charge par les parties invitantes ; car en creux, c’est la bonne utilisation des fonds publics qui est posée. Sur les résultats des examens, Pascal Compaoré promet d’inclure ceux des lycées, mais précise qu’elles ne sont pas gérées par la mairie. Quant à la police municipale, elle a effectué 84 sorties en 2016, contrôlé 16 débits de boissons, appuyé le trésor par le recouvrement de taxes, aidé les services de l’élevage à incinérer des poulets avariés saisis. Au total, elle aura recouvré des amandes forfaitaires d’un montant de 1 838 000 F CFA. Le maire poursuit ses réponses quant à 12h40mn, le courant est coupé. En l’espace de quelques minutes, l’air frais de la salle devient irrespirable. On transforme les foulards et autres canepins en éventails, et on ouvre les fenêtres du bâtiment.
Le rapport d’activités se veut complet. On y découvre entre autres, qu’en 2016, 1062 naissances ont été déclarées, 1186 jugements supplétifs d’actes de naissance établis, 19 permis de fusil de chasse et 17pistolets automatiques délivrés. 11 certificats de célibats ont été également signés à « la demande de gens qui ont besoin de ce papier pour prouver qu’ils ne vivent pas avec quelqu’un. C’est pour leurs affaires ». Fous rires dans la salle ! Sur la gestion du budget 2016, la comptable est appelée à la rescousse pour expliquer pourquoi le taux de réalisation dans la case fonctionnement a atteint 104,87%. « Nous avions prévu en recettes 327 114 166 F CFA, mais au final, nous avons recouvré 343 053 824 F CFA. On ne peut pas dépenser plus que ce qu’on a, mais en revanche, on peut recouvrer au-delà ce qui était prévu » explique, t-elle.
Le courant est revenu et un agent actionne à nouveau les ventilateurs qui se remettent à brasser de l’air frais. Le maire et ses conseillers viennent de répondre à toutes les questions. On passe aux délibérations. La coopération japonaise propose l’envoi d’un conseiller pour appuyer la politique locale en faveur de la jeunesse. Son séjour et ses rémunérations sont pris en charge par l’ambassade. La commune a l’obligation de lui trouver un logement décent. A son arrivée, il devra séjourner durant deux semaines dans la cour de deux conseillers, histoire pour lui de vivre leur quotidien, avant de regagner son domicile. L’assistance approuve son arrivée par acclamation.
Les autres délibérations soumises à l’adoption par les conseillers, portent sur le prix de la location du stade municipal, le coût de la location des logements des enseignants qui préfèrent garder leur prime, laissant leurs logements vides. A combien faut-il les louer ? 3000, 5000, 1000 ou 15000 F CFA par mois ? Des enseignants prennent la parole pour rappeler que les logements en question sont en mauvais état et qu’il serait sage de fixer un prix modeste, pas plus de 3000 FCFA. Un avis contesté par d’autres conseillers, estimant qu’à « moins de 5000 F CFA/mois, ça ne vaut pas la peine ».
Le prix journalier de la location des espaces pour les marchands et autres sociétés qui souhaitent faire la publicité de leurs produits, celui des affichages aux carrefours et autres endroits stratégiques la ville, le montant de la visite des maquis par les des services sanitaires, etc., sont également passé au crible.
Après concertations avec le chef du village, les notables et le comité local de développement de Laongo, la mairie a obtenu 4 hectares pour y implanter le cimetière municipal, l’ancien étant saturé.

Le maire introduit ensuite un sujet qui va provoquer une vive polémique entre conseillers, l’obligeant à plusieurs reprises à rappeler à l’ordre ceux qui foulent au pied la courtoisie recommandée en début de réunion : l’avis du conseil municipal pour l’acquisition de 74 hectares en deux lots (39 et 35 ha) par Saha immobilier dans le village de Koassanga, à environ 7 km de Ziniaré, sur la route de Zitenga. C’est un conseiller MPP, dépêché sur les lieux qui fait le point. Il en ressort que les villageois ont cédé les 74 ha pour un montant de 62,9 millions de F CFA et qu’ils ont déjà encaissé 30 millions en acompte. Le promoteur dit vouloir y construire des logements sociaux. Les villageois n’y verraient aucun inconvénient, mais l’affaire intrigue bien de conseillers. « Pourquoi le promoteur a-t-il fait deux demandes au lieu d’une seule », interroge un orateur. Un autre, qui habite un village voisin s’inquiète : « Si les habitants du village vendent toutes leurs terres, où vont-ils cultiver dans les années à venir alors que les habitants vivent essentiellement de l’agriculture ? ». « Mais c’est pareil dans les autres localités ; les gens savent ce qu’ils font et il ne faut pas les traiter comme des gens qui manquent de discernement », objecte un autre. Le sujet est sensible et commence à déchainer les passions. Un participant propose qu’un texte soit voté encadrant l’acquisition de terrain de plus de 10 hectares, histoire d’engranger quelque chose pour les caisses de la commune. Aucun consensus n’ayant été obtenu, le sujet est renvoyé à la prochaine session, le maire ayant refusé de convoquer une session spéciale pour uniquement étudier cette affaire. « Je n’ai jamais rencontré le promoteur immobilier et j’ai toujours refusé de le faire seul », a confié le maire. Il suggère qu’à la prochaine session ordinaire, le promoteur de Saha immobilier vienne en personne expliquer dans le détail son projet et réponde aux inquiétudes des conseillers.
L’organisation de la coupe de l’élu local et l’examen des activités des conseillers régionaux-des conseillers municipaux avant tout, comme le rappelle le maire-, ont clos la session ordinaire. La lumière solaire commence à baisser et de nombreux conseillers venus de villages environnants se pressent de regagner leur domicile, renonçant au déjeuner qui leur a été proposé.

Joachim Vokouma
Kaceto.net