Le mot démocratie remonte à l’Antiquité ou de part son étymologie grecque (démos-cratos), il signifiait « pouvoir du peuple ». Mais quand on parle de démocratie, les grands noms qui nous viennent en tête ne sont pas grecs et antiques ; on pense plutôt aux idéologues du siècle des Lumières, parmi lesquels on doit inscrire Jean Jacques Rousseau. Rousseau, en proclamant la liberté, la souveraineté de la volonté humaine et l’égalité ontologique des hommes, a contribué au fondement de l’édifice du régime démocratique. Dans son œuvre « Le contrat social », il expose les fondements probables de l’Etat démocratique. Un tel Etat, à la différence des autres, est-il plus favorable à l’inaliénable liberté de l’individualité que chacun de nous constitue
La démocratie est une servitude ; elle est le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple ; mais elle est quand même un pouvoir au-dessus de tout individu. En tant que tel, l’Etat démocratique aliène ma liberté ; en effet, si je suis homme, je suis libre de faire ce que bon me semble ; ma liberté naturelle est sans limite ; elle est aussi vaste que ma volonté et mes forces. C’est cette liberté sauvage que l’état démocratique vient me retirer ; il m’oblige à entrer dans le peuple, à composer avec autrui ; il m’oblige à tenir compte de la liberté des autres ; l’Etat démocratique m’oblige à être l’esclave de tous et à renoncer à ma liberté sauvage ; comme le dirait Rousseau, renoncer à ma liberté, c’est aliéner ma qualité d’homme naturellement souveraine. L’Etat démocratique m’asservit ; il est pour moi une servitude ; il m’impose des corvées et des devoirs ; il me dit : « tu dois respecter les droits d’autrui ; tu dois respecter le code de la route ; tu dois tenir compte de la liberté des autre et ainsi de suite » ; dans le régime démocratique, je deviens ainsi l’esclave des lois et des règles de l’Etat, le subordonné de la volonté du peuple. Le régime démocratique me soumet à la volonté générale.
Le régime démocratique est pourtant « une servitude douce » ; vue de près, ma soumission à la volonté générale n’est pas tyrannique ; puisque moi-même je n’obéis qu’à moi-même, en appliquant la volonté générale, je ne fais qu’appliquer ma propre volonté. Tout le fondement du régime démocratique est là, et Rousseau l’expose amplement dans le contrat social.
La servitude démocratique est d’autant plus douce qu’elle s’exerce à mon profit ; en démocratie, en servant les autres, j’oblige les autres à me servir ; en respectant les droits des autres, j’obtiens le respect de mes droits. Sous le régime démocratique, je gagne mille fois ce que je perds une fois ; je perds ma liberté sauvage mais je gagne une liberté limitée, mais une liberté plus sure, une liberté garantie pour chacun et par tous. Vivre sous les lois démocratiques ce n’est pas seulement les subir, c’est aussi et surtout bénéficier de leur protection. La démocratie, pour ainsi dire, concilie servitude (aliénation, esclavage, obéissance aux lois) et liberté ; elle concilie l’ordre et le libre arbitre de l’ego. Elle réalise les deux finalités essentielles de l’Etat. En somme, il ressort que le régime démocratique est une servitude à l’égard de ma liberté sauvage, égoïste et sans limite. Cette servitude est douce, puisqu’elle n’est pas faite à mon détriment, mais à mon profit. Cependant peut-on vraiment parler de servitude volontaire et douce ? Nous aborderons cette question dans notre publication prochaine.

Zassi Goro ; Professeur de Lettres et Philosophie