Depuis hier jusqu’au 22 juillet, près de 200 parlementaires des pays membres de la CEDEAO, plus le Tchad et la Mauritanie planchent sur la problématique de la santé et de la population. Il s’agit pour eux de se concerter pour trouver les outils de mobilisation des moyens financiers et d’en contrôler l’utilisation par les gouvernements afin d’améliorer l’offre de santé et lutter contre l’explosion démographique.

L’Etat des lieux de la situation sanitaire et démographique dans l’espace CEDEAO commande d’agir. A l’heure actuelle, les 15 pays membres comptent plus de 335 millions d’habitants, une population caractérisée par sa jeunesse, environ 50% a moins de 19 ans. Avec le taux de fécondité actuel, cette population pourrait doubler d’ici 2050. Les démographes tirent la sonnette d’alarme depuis des décennies : la jeunesse peut être un atout si des mesures appropriées sont prises en matière de santé et d’éducation permettant à cette frange de la population de participer activement au développement de leurs pays. Elle peut aussi être une bombe si elle est laissée à elle-même, sans perspectives, livrée au chômage et à la précarité.
Selon le directeur général de l’Organisation ouest-africaine de la santé (OOAS) Xavier Crespin, les indicateurs de santé de la sous-région sont assez préoccupants. Chaque jour, en moyenne, 1500 femmes meurent en donnant la vie, et plus de 100 enfants sur 1000 décèdent avant l’âge de 5 ans dans la plupart de nos pays. Les épidémies de méningite, choléra, rougeole, dengue, et Ebola qui sévissent de temps en temps dans nos pays, sèment la désolation et désorganisent le tissu social. En Afrique de l’Ouest, « le nombre moyen d’enfants par femme est élevé, allant jusqu’à 7,6 enfants par femme, faisant de la région, celle où le niveau de fécondité est le plus élevé au monde ».
Conscients des menaces que peut représenter une explosion démographique incontrôlée, les chefs d’Etat de la CEDEAO s’étaient engagés en avril 2001 à Abuja, à consacrer 15% de leurs budgets nationaux au secteur de la santé. Ils avaient aussi recommandé la suppression des frais imposés aux utilisateurs pour les soins de santé à travers des systèmes de couverture sanitaire universelle et la gratuité des soins à destination de populations cible.
Mais au bilan, le compte n’y est pas. Les budgets alloués à la santé demeurent insuffisants et à ce jour, aucun pays n’est parvenu à respecter l’engagement d’Abuja.
Résultat, le taux de croissance démographique élevé annihile les efforts de développement et ne permet pas aux pays de bénéficier de dividende démographique, c’est-à-dire, « l’accélération de la croissance économique résultant d’une réduction du nombre de personnes dépendantes par rapport à la population active », ou encore « d’un boost économique lié à la baisse du taux de dépendance ». Le contrôle du taux de fécondité, l’amélioration de la couverture sanitaire et une éducation accessible au plus grand nombre permettent d’enclencher, sur le long terme, un processus de développement et de recul de la pauvreté.
Il ne s’agit pas, répètent, les spécialistes, de limiter les naissances ou d’empêcher les couples de faire des enfants, mais de mettre en adéquation le nombre d’enfants par famille avec les ressources disponibles. C’est la voie suivie par des pays qui sont considérés comme émergents. La Thaïlande est passée de 6,4 enfants par femme en 1960 à 2,3 enfants en 1990. En Afrique du Nord, grâce à une politique volontariste du président Habib Bourguiba, la Tunisie est passée de 5,7 enfants par femme en 1980 à 2 enfants par femme en 1990, ce qui lui a permis, en l’espace d’une génération, de devenir un pays à revenu intermédiaire.

Certes, des efforts sont faits dans les pays membres de la CEDEAO depuis des années avec le soutien d’organisations internationales pour améliorer l’offre de santé et favoriser l’autonomisation de la femme. Des programmes et projets sur la santé de la reproduction, l’autonomie des femmes et dividende démographique au sahel, etc., sont conduits avec plus ou moins de succès. Mais comme le souligne Maitre Bénéwendé Sankara, 1er vice-président de l’assemblée nationale du Burkina, qui a présidé la cérémonie d’ouverture hier matin dans la salle de conférence de Ouaga2000, « les efforts de mobilisation des ressources financières pour le secteur de la santé doivent être poursuivis et amplifiés en vue de renforcer davantage nos systèmes de santé et les rendre à même d’adresser efficacement toute épidémie et phénomène de santé publique ». Il a insisté sur la nécessité de contrôler que les ressources mobilisées sont bien affectées aux services de santé, puis s’est félicité que l’Union africaine ait adopté en janvier 2017 une feuille de route sur le dividende démographique, bâtie essentiellement sur quatre piliers : emploi et entreprenariat, éducation et développement des compétences, santé et bien-être, enfin, droits, gouvernance et autonomisation de la jeunesse.
La rencontre de haut niveau débutée hier et qui doit s’achever demain avec la présence des présidents des parlements des pays membres de la CEDEAO, vise à renforcer l’engagement des parlementaires autour des questions du financement adéquat et durable de la santé, du dividende démographique et des politiques de population et développement. L’objection est également de susciter l’accélération de la mise en œuvre de l’engagement d’Abuja et de mettre en place une coordination régionale des réseaux dont la mission sera de faire des plaidoyers en faveur de l’application des recommandations.

Joachim Vokouma
Kaceto.net