Titulaire d’un DUT en électronique obtenu à Yamoussoukro, ingénieur en constructions métalliques, Jean Martin Coulibaly a enseigné une dizaine d’années au Lycée technique de Ouaga et à l’université, avant de faire un master en ingénierie de la formation et conseils. En s’intéressant à la problématique de la qualification, il s’est tout naturellement retrouvé dans la gestion des ressources humaines. Avant de prendre les commandes du MENA, il était en poste à l’ambassade d’Autriche en tant que conseiller d’éducation et en formation.
A la veille des vacances gouvernementales et alors que les esprits se tournent déjà vers la rentrée 2017-2018, ce "touche à tout" comme il se définit lui-même, qui aura bientôt 51 ans, fait le point de l’année écoulée, évoque les projets de son département, et apporte des éclairages sur certains dossiers qui font l’objet de polémiques dans le corps enseignant et dans l’opinion publique.
Grande interview.

Qu’en est-il de l’affaire dite des « cinq élèves filles enceintées par leur enseignant » à Mangodara ?

Cette histoire montre la capacité de nuisance des journalistes ou des réseaux sociaux, quand des informations ne sont pas avérées. De ce que nous savons, ce sont des faits qui remontent à 2014-2015. Nous continuons les investigations, et quel que soit le résultat, le fait qu’un enseignant ait eu des rapports coupables avec des élèves est extrêmement grave, et il est clair que le ministère prendra ses responsabilités. Maintenant, nous avons besoin d’observer toutes les précautions pour que ce soit réellement les coupables qui soient sanctionnés. Quand nous aurons les preuves dans cette affaire, nous allons appliquer les textes dans leur grande rigueur.

C’est donc en 2014 qu’un enseignant a enceinté cinq filles ?

Non, l’information est fausse à deux niveaux : ce n’est pas un enseignant, mais deux qui ont enceinté des élèves de leurs classes, au total, 4 filles entre 2014 et 2015. Une des filles concernées a échoué au brevet cette année, et nous l’avons encouragée à ne pas baisser les bras. Actuellement chacun des enseignants s’est d’ailleurs marié avec une de ces quatres filles.

Le ministère a-t-il une politique de prévention des grossesses précoces qui freinent la scolarité des filles ?

Sur ce sujet, il faut avoir plusieurs considérations. Dans notre dispositif, à partir du post-primaire en allant, il y a des élèves qui arrivent quasiment à l’âge légal de travail, c’est-à-dire, 16 ans. Une association a mené une étude sur les grossesses en milieu scolaire en 2015 et les résultats ont montré que les premiers auteurs de ces grossesses sont les élèves, suivis des commerçants et enfin, les enseignants. Pour nous, la question est de savoir pourquoi il y a des cours de SVT qui enseignent comment fonctionne le corps, la santé sexuelle, la santé de la reproduction, et que malgré tout, nos enfants sont victimes de grossesses précoces !
La sexualité est un sujet tabou dans nos communautés et quand l’enfant grandit en ayant le sentiment que c’est une affaire pas tout à fait claire, que personne ne veut en parler, ça aiguise sa curiosité. Plus on cherche à cacher, plus les enfants voudront comprendre. Il faut donc faire en sorte qu’ils connaissent mieux le fonctionnement de leur corps avec les effets qui peuvent en découler s’ils ont des rapports sexuels. C’est le rôle de l’éducation nationale, mais aussi des parents. Je veux quand même apporter une nuance.
Il n’est pas certain qu’il y a plus de grossesses précoces aujourd’hui qu’hier. L’effet de nombre est sans doute dû au fait que nous avons plus accès à l’information. Avant, ces affaires étaient gérées selon des canaux moraux qui sont aujourd’hui contournés par le système d’information. De mon temps, quand un cas pareil survenait, ça se discutait entre parents, enseignants et on essayait pour des raisons d’honneur, de donner une autre version de la réalité. Ce qu’on ne peut plus faire à l’ère de TICs

A-t-on des chiffres sur les grossesses précoces en milieu scolaire ?

Non, il n’y a pas de chiffres sur ce phénomène parce qu’il reste difficile à cerner. Quand une élève est enceinte, il est difficile de savoir si c’est un enseignant, un élève ou quelqu’un d’autre qui en est l’auteur, surtout que dans certaines coutumes, on marie les filles à 10,12, 16 ans. On ne sait donc pas si la fille enceinte n’est pas mariée par sa communauté, et ce n’est pas évident d’établir si c’est un fait culturel ou un accident.

L’année scolaire 2016-2017 vient de se terminer. Quel bilan général pouvez-vous en tirer ?

Au cours de cette année scolaire, nous avons tenté d’insuffler quelques innovations :
• L’introduction d’outils numériques pour éviter d’user trop de papier. Nous avons essayé de réduire le train de vie de l’administration et le rendre plus efficace. Avant, un courrier en provenance d’une direction provinciale derrière la Kossi, parvenait au ministère avec les moyens de transports classiques. Nous avons connectés des directions, ce qui leur permet d’envoyer certains documents par mail.
• L’institution d’une semaine de la citoyenneté qui se déroule dans toutes les régions, où nous essayons d’associer les élèves afin qu’ils participent aux activités. L’année dernière, la semaine a eu lieu sous le patronage de sa majesté le Mogho Naba dont on connait l’engagement pour la paix en tant que chef coutumier. La semaine a donné lieu à des débats, sketchs, théâtres, panels, forums, etc., l’objectif étant de contrer la montée de l’incivisme
• Nous avons totalement informatisé l’examen du brevet et dans une moindre mesure, le certificat d’études primaires. A la rentrée prochaine, nous aurons un système informatisé pour éviter la fraude et accélérer le traitement des dossiers. Aujourd’hui, quand les élèves sont inscrits à un examen et affectés dans des jurys, il faut saisir les noms après correction alors que c’était fait au moment du dépôt des dossiers. Nous voulons simplifier et accentuer la transparence.
• Nous avons mis en priorité l’encadrement en dotant des CEB en budgets de fonctionnements. Nous sommes peut-être allés vite en besogne puisqu’il fallait des mesures d’accompagnement du ministère des Finances sur les procédures à respecter. Nous pensons qu’ils doivent avoir un budget de fonctionnement et avoir une certaine autonomie pour être plus efficaces dans le suivi des établissements. Personnellement, j’étais assez choqué de voir qu’un directeur d’école de 300-400 élèves de 7 à 12 ans n’ait rien comme budget et qu’il soit chaque fois obligé de demander à la hiérarchie. Si un élève se blesse, il ne peut rien faire face, sauf avec ses propres moyens et ce n’est pas normal.
Quant au bilan de l’année proprement dit, nous avons obtenu 73,24% au CEPE, c’est mieux que l’année dernière (62,09%), mais moins qu’en 2015 (75,16%). Je veux saluer ici les prouesses de la région du Sahel qui a eu de bons résultats, sachant qu’au mois de juin où j’étais passé, on se demandait comment on allait organiser les examens dans cette zone. Finalement, la réponse de l’Etat en termes de sécurisation du territoire a porté des fruits puisque les enseignants ont été rassurés et se sont engagés à rattraper les retards. Résultat, le taux de succès est de 64,20% au CEPE et 28,89% au brevet, c’est-à-dire au-dessus de la moyenne nationale. Au niveau de l’enseignement technique, le taux de réussite est de 46,23 contre 52,18% en 2016.
D’une manière globale, nous avons engagé une étude transversale pour savoir pourquoi depuis une dizaine d’années, les résultats ne s’améliorent pas et tournent autour de 70-80% au CEPE et 28% pour le brevet. Il y a un plafonnement qui montre que nous n’améliorons pas le rendement de notre système éducatif.
Mon sentiment est qu’il faut prendre en compte trois déterminants lorsqu’on parle de qualité dans l’enseignement : l’élève lui-même dans sa volonté d’apprendre quelque chose ou pas. Ensuite, il y a l’enseignant. Est-il bien formé, et a-t-il la vocation malgré les conditions difficiles ? Il y a enfin le ratio démographique. Dans notre pays, les capacités de l’Etat à investir pour prendre en charge la question éducative sont inversement proportionnelles à la croissance démographique ; et depuis 20-30 ans, nous n’arrivons pas à avoir des classes à moins de 50 élèves alors que le ratio idéal pédagogique est de 24-25 élèves par classe. Il y a des pays où on divise la classe en deux dès lors qu’il y a 28 élèves. C’est pour cette raison que nous avons décidé d’un investissement massif dans les infrastructures, et la loi sur les PPP adoptée en juin dernier permettra, avec des partenaires, de parvenir à des classes ne dépassant pas 50 élèves.
Les résultats sont dans une tendance baissière aussi car bien évidemment, de mauvais résultats au brevet débouchent sur de mauvais résultats au BAC. Quand un élève n’a pas la maitrise du français, médium par lequel nous accédons au savoir, il n’accède pas à la connaissance dans les autres matières. J’ai pris les résultats des examens du CEPE et j’ai traduit les questions à un neveu qui a échoué. Surprise, il connait les réponses quand les questions sont posées dans sa langue, mais pas en français. Il faut donc renforcer les capacités des acteurs, notamment les instituteurs pour qu’ils maitrisent le français, et c’est très loin d’être le cas aujourd’hui. On voit des cahiers où des enseignants écrivent avec des fautes grossières que certains parents se donnent la peine de corriger, et que les enseignants corrigent derrière parce que convaincus d’avoir raison ! Nous devons revoir le système de recrutement pour savoir qui présente des qualifications pour ce métier, parce qu’il y va de l’avenir des enfants. Je sais que beaucoup d’enseignants donnent le meilleur d’eux-mêmes, mais ceux qui n’ont ni la qualification, ni le dévouement, il faut avoir le courage de les en décharger.

Dans son discours de politique générale, le premier ministre avait annoncé la construction de 160 écoles en 2016 pour résorber les écoles sous paillottes, particulièrement en grand nombre dans la région de l’Est. Qu’en est-il ?

Le chef de l’Etat a pris l’engagement de résorber le stock des écoles sous paillotes d’ici 2020, soit la construction de 4353 classes. La cérémonie de lancement du programme de résorption qui a été lancé par le premier ministre en mai 2016 à Fada se veut être le point de départ de cette promesse.
Sur les 160 écoles que nous avons annoncées en 2016, la plupart de ces complexes ont été réceptionnés et livrés, c’est-à-dire 400 classes, et nous avons privilégié la région de l’Est parce que c’est la plus exposée. Nous avons lancé la construction de 750 autres, en 2017, toujours dans la même dynamique de résorption, car dans l’imaginaire des Burkinabè, les régions de l’Est, du Sahel et le Sud-ouest sont difficiles, et depuis de longues années, il est difficile d’y envoyer des fonctionnaires. Quand on regarde de près les mouvements opérés cette année, 200 ont demandé à quitter l’Est et seulement 3 ont demandé à y aller ! Il faut donc trouver une façon plus équitable de servir partout où le devoir vous appelle parce que les populations de l’Est paient aussi leurs impôts et ont droit d’avoir des enseignants de qualité. A l’avenir, les mouvements pourraient se faire sur la base des postes effectivement vacants et s’il faut 50 personnes dans la région de l’Est, ils n’iront que là où on en a besoin.

L’année dernière a été aussi marquée par des violences scolaires, notamment à Gounghin, dans le Kouritenga et à Niangoloko, dans la Comoé. Avez-vous une politique de prévention de ce phénomène qui prend de plus en plus de l’ampleur ?

Oui, ces violences sont dues à plusieurs facteurs. D’abord, quand les premiers responsables d’un établissement ne connaissent pas suffisamment les textes, ils prennent des décisions non conformes aux textes. Exemple, si un enseignant a un différend avec un élève, il y a des procédures à respecter ; on ne peut pas exclure l’élève ou le mettre à pied pendant 3 ou 4 jours alors que les textes disent le contraire. Ensuite, quand les élèves veulent décider à la place de ceux qui ont la légitimité de décider suite à un incident, par un mouvement collectif ou la séquestration du personnel administratif, ça embrase la situation. Enfin, il y a des manipulations dans certains cas qui peuvent être le fait de professeurs, des syndicats ou de politiciens. Il y a des situations où on a du mal à comprendre ce qui se passe, comme par exemple à Gounghin, dans le Kouritenga. Comment une affaire liée à l’Association des parents d’élève (APE) peut-elle déboucher sur l’incendie des motos des enseignants alors que le renouvellement de l’association est un évènement banal ? Si les gens ont vraiment la volonté d’appliquer les textes, je ne vois vraiment pas comment on peut en arriver à des situations pareilles.

Une décision gouvernementale interdit le redoublement au CP1, CE1, CM1 et pas plus de 10% des effectifs au CP2, CE2, CM2. Quel est votre position sur ce sujet qui divise les enseignants ?

Mon avis est très clair. Un enfant qui a 1,92/10, pour moi il y a deux lectures possibles : soit l’enfant a une déficience mentale, un handicap parce que dame nature ou le bon Dieu ne l’a pas doté de capacités d’apprendre et dans ce cas, il faut mettre en place une éducation spécialisée, soit c’est l’enseignant qui n’est pas compétent. Il n’est pas possible que nos enfants soient moins intelligents que nous-mêmes ; ce serait contraire à la loi de l’évolution.
Ce qui est certain, c’est que de telle situation montre bien que nous n’avons pas fait tous les efforts pour que nos enfants y arrivent, et il faut inciter les enseignants à ne pas céder à la facilité. Bien sûr, les conditions sont difficiles surtout quand on a 80, 100 ou 120 élèves, mais si on ne prend pas des mesures, on se retrouve avec des classes où 20 ou 30% redoublent. Se pose donc la question de l’évaluation de notre système. Dans une dictée comprenant 100 mots, on ne peut pas dire que l’élève qui a 10 fautes aura zéro point. Si on mesure le fait que l’enfant ne sache pas orthographier un ensemble de mots, il faut qu’il ait des points aussi quand il orthographie correctement les mots, sinon on le décourage.
La note zéro signifie-t-il que l’enfant ne comprend pas le français ? Je dis non. C’est parce que le système ne mesure pas ce qu’il doit mesurer

Vous envisagez donc l’introduction d’un nouveau système d’évaluation ?

Ce n’est pas ce que je dis ; j’explique comment on aboutit aux résultats que nous avons. Quand je dis que nous avons cette année 73,24% de succès au CEPE, c’est une évaluation qui donne ce résultat et ça pose problème. Si on mesurer que l’enfant sait ou pas orthographier un ensemble de mots, il faut qu’il ait des points quand c’est bien écrit, et moins quand c’est mal écrit, sinon on le décourage.

Avec le système de non redoublement, un élève peut arriver au CM2 sans avoir jamais eu la moyenne ; donc, les mauvais résultats au CEPE s’expliquent. Dans le Kénédougou, une classe a eu zéro admis….

Non, ce n’est pas vrai. Il est interdit de redoubler au CP1, et au CP2 dans la limite de 10% des effectifs de la classe. Par ailleurs l’enfant peut redoubler pour le passage du CP2 au CE1 et du CE2 au CM1, s’il n’a pas la moyenne.
Si vous avez un enfant qui passe au CP2 avec 1/20, cela doit vous conduire à être plus attentif à lui qu’à ceux qui ont eu 8 ou 9 /10. Mais, si on dit que l’enfant est bête, nul, comme on l’entend souvent, est-ce qu’on encourage ainsi nos enfants à aimer l’école ? Dans les écoles catholiques et établissements privés où ça marche bien, c’est parce qu’on y trouve des acteurs engagés, certes avec plus de moyens. Mais nous avons des moyens qui correspondent à la réalité économique de notre pays ! Il y a une enseignante qui a fait 101 admis sur 102 parce qu’elle s’est grandement investie et c’est ce qu’on demande à tout enseignant.

La suppression du CEPE est-elle toujours d’actualité ?

La réflexion est toujours en cours. Le CEPE est un diplôme sur lequel on fait encore des concours et si on le supprime, à quoi faut-il se référer et que deviennent ceux qui n’arrivent pas à dépasser ce niveau ? C’est vrai, ce diplôme a perdu de sa valeur sociale, et c’est l’examen qui coûte le plus cher ; sur les 10 milliards dépensés cette année, le CEPE a coûté à lui seul presque 5 milliards, tout simplement parce que c’est là qu’il y a plus de candidats, de correcteurs, de surveillants, etc., et qu’il faut acheminer les épreuves dans les tous petits coins du pays. En termes de ratio coût/valeur sociale du CEPE, on peut se poser des questions

Il semble que les vacations de 2016 ne sont toujours pas payées. Est-ce vrai ?

Non, ce n’est pas vrai ! Nous n’avons pas d’arriérés à ce niveau et s’il y en a, et je voudrais le dire avec beaucoup de force, c’est que des structures n’ont pas fait preuve de transparence. Si on me dit que dans tel établissement, il y a eu 1000 vacations et qu’on est incapable de dire qui les a faites, il y a problème ! Quand on est vacataire, dès la fin du cours, on émarge dans un cahier avec le nombre d’heures effectuées. Quand on ne peut pas nous faire l’état des vacations nominativement, nous ne pouvons pas payer . Pourquoi l’Etat doit payer des vacations qui ne sont pas faites ? Nous voulons la transparence pour éviter de payer des sommes à des gens qui ne les méritent pas. Il y a des gens qui disent avoir fait des vacations au moment où l’école est fermée. Comment est-ce possible ? C’est une situation que nous avons trouvée en arrivant et on a mis de l’ordre. C’est cette volonté d’assainir la situation qui explique certains retards

Pour la rentrée prochaine, envisagez-vous des mesures particulières de sécurité dans le Sahel ?

Sur cette question, c’est le ministre de la Sécurité qui avise ; l’année dernière, au regard des difficultés qu’il y avait, nous avions mis en place des dispositifs qui ont montré leur efficacité. Des mesures structurantes prises par le gouvernement d’abord du point de vue de l’armée, ensuite le Programme d’urgence pour le Sahel lancé à Djibo par le premier ministre, visent à contrer le terrorisme. Nous pensons qu’en réalisant des investissements dans la zone, cela permettra d’améliorer l’emploi des jeunes, de créer plus de richesses et que les gens se sentiraient considérés par l’Etat. Le ministre de la Sécurité va donc aviser et tout se fera en concertation avec les populations

Les vivres arrivent tard dans les cantines scolaires, parfois en avril, et sont en quantité insuffisante. Les parents disent qu’ils sont obligés d’aller enlever les dotations et les transporter à destination. Comment expliquez-vous tout cela ?

C’est intéressant quand les parents vous disent que ce sont eux-mêmes qui sont obligés d’aller enlever les vivres et les transporter jusqu’à destination ! Je rappelle que c’est parce que le gouvernement trouve qu’un enfant qui vient à l’école sans avoir rien mangé ne peut pas apprendre qu’il y a la cantine. C’est donc c’est d’abord, une responsabilité première des parents. Ceci dit, c’est parce qu’il y avait un délaissement total dans le passé que ces problèmes existent. On passe des marchés qui sont livrés avec une qualité douteuse ; des gens transportent à ciel ouvert la nourriture destinée à nos enfants, etc. Il fallait résilier des contrats mal exécutés et passer par des procédures normales et c’est ce qui explique ces retards. Je dois rappeler que ce n’est pas au ministère de gérer les vivres car nous ne sommes ni des logisticiens, ni des gestionnaires de céréales. Il y a la SONAGES qui est équipée pour gérer les vivres. Quand je suis arrivé, on a fait des inventaires et on a trouvé des vivres qui étaient périmés dans certains magasins, et nous avons dû payer pour les détruire !
Je parle sous le contrôle des logisticiens, mais quand on a une nouvelle livraison, on met l’ancien stock devant et le nouveau derrière ; mais on a vu des cas où on a posé le nouveau stock sur l’ancien et on sert ce qu’on vient de recevoir ; le temps d’arriver à l’ancien stock, il est périmé. En 2016, un directeur régional, à Tenkodogo a été sanctionné, à tort, parce qu’il a eu un avis favorable des services phytosanitaires pour reconditionner l’ancien stock, sauf que par méconnaissance des textes, il n’a pas donné cette information et des gens sont allés à la police dire qu’on est en train de reconditionner des vivres périmés. Résultat, on a arrêté et enfermé des gens ! Tout cela montre que nous MENA, ne sommes pas qualifiés pour ce genre de gestion et c’est pour cela que nous avons confié désormais aux mairies le soin d’acquérir au niveau local les vivres destinés à nos enfants. Le premier ministre a insisté pour qu’on achète des produits locaux afin d’encourager nos producteurs. Avant, on achetait sur le marché international et on nous apportait du riz venu d’Asie alors que nous avons des producteurs locaux capables de nourrir nos enfants. En demandant aux maires d’acheter local, cela permet aussi de garder notre argent chez nous. Les communes ont déjà reçu l’argent depuis janvier 2017, à charge pour elles d’organiser les passations des marchés et c’est écrit noir sur blanc qu’il faut acheter local. Pas de denrées importées !

Les reclassements des enseignants pour l’année 2016 accusent un retard. Pourquoi ?

C’est une question qui est close à notre niveau, mais pas encore totalement du point de vue administratif puisque la Fonction publique doit actionner la suite ! Ceux qui disent qu’ils ne sont pas reclassés doivent poursuivre leurs dossiers car chez nous, au MENA, il n’y a pas retard. Quand le gouvernement dit avoir reversé 120 000 fonctionnaires dans le cadre de la loi 081, les gens doivent savoir que plus de 90 000 relèvent du MENA sur plus 150 000 fonctionnaires ! Ce travail a été fait par la direction des ressources humaines et je félicite ceux qui ont abattu ce travail parce que ce n’était pas évident de le faire en une année avec moins d’erreurs. C’est donc au niveau des autres départements qu’il faut demander la suite parce que la solde n’est pas chez nous.

Un dernier mot pour ne pas conclure sur les enjeux de l’éducation nationale burkinabè ?

Notre système a des insuffisances sur lesquelles nous devons travailler. Dans le fond, en termes de qualité, il n’est pas aussi mauvais qu’on le dit. Je voyage et vois partout où je vais que le produit burkinabè se comporte bien. Les étudiants burkinabè ne sont jamais en queue de peloton, pas même au milieu du classement.
Je félicite les enseignants qui se donnent du mal pour assurer une éducation de qualité à nos enfants et je leur dis que les conditions difficiles ne doivent pas être un prétexte pour ne pas travailler. Nous n’avons pas assez de moyens et c’est dans l’adversité que nous allons améliorer nos conditions de travail. Nos grands-parents ont connu l’esclavage et se sont battus pour libérer ce pays, d’autres se sont battus pour obtenir l’indépendance ; aujourd’hui, nous avons la responsabilité de faire avancer notre pays en donnant le meilleur de nous-mêmes, pour que demain soit meilleur. D’ailleurs, les conditions ne créent pas toujours la réussite tant qu’il n’y a pas la volonté et l’engagement de l’homme à aller de l’avant. C’est ce que j’attends des enseignants.

Interview réalisée par Joachim Vokouma
Kaceto.net