En juin 2016, des jeunes du secteur 21 de Bobo-Dioulasso avaient mené une expédition punitive contre un établissement où exerçaient des travailleuses du sexe. Un an après, les présumés coupables de ces violences vaquent tranquillement à leurs occupations. En toute impunité !

Le samedi 25 juin 2016, aux environs de 20 heures, après la prière du soir dans le secteur 21 de Bobo-Dioulasso, un groupe de jeunes musulmans avaient incendié et saccagé ‘’Le Privé’’, une maison close située en face de la mosquée où ils venaient de prier. Les travailleuses du sexe qui y officiaent avaient subi des violences de tous genres de la part de ces jeunes en colère qui protestaient ainsi contre la proximité de cet endroit avec le lieu sacré. La mosquée du secteur 21, faut-il le souligner, a été construite des années bien après l’implantation "du Pirvé".
Après une descente sur les lieux du saccage par la police suite à une plainte déposée par le gérant de la maison close, ‘’ l’ONG REFUS Bobo’’ a tenté une médiation entre les deux parties, notamment les responsables du forfait et les victimes. Voilà maintenant une année, jour pour jour que cette maison close est resté fermée et que les responsables du saccage vaquent tranquillement à leurs occupations comme si jamais, rien ne s’était passé ! Où en est la procédure judiciaire ? Les deux parties ont-elles fumé le calumet de la paix ou se regardent-elles toujours en chien de faïence ? Pour y voir clair, Kaceto.net s’est rendu sur les lieux du drame et a rencontré les protagonistes de cette affaire qui avait choqué l’opinion et révolté les défenseurs des droits de l’homme. (http://kaceto.net/spip.php?article809)
A vu d’œil, on croirait qu’un cyclone avait dévasté les lieux. ‘’Le Privé’’ est toujours un lieu de distraction, non pour les humains, mais pour les lézards et autres bêtes qui y ont élu domicile. Les traces de l’incendie sont toujours visibles et les chambres sont dépourvues de portes et de fenêtres. Les quelques rares meubles qui avaient été sauvés des flammes sont rongés par les termites.

"Le Privé" était un endroit bien connu des habitants. Beaucoup savaient ce qui s’y passait sans jamais s’y rendre. Ils se rappellent encore comme hier les événements qui se sont déroulés il y a un an dans cet établissement. « C’est dans ces lieux que les prostitués ont été battues », confie un habitant du quartier, manifestement pas mécontent de la tournure qu’avaient pris les événements. « Moi, particulièrement je suis très content du fait que ces personnes n’exercent plus leur sale commerce dans ces lieux. Ce que ces personnes faisaient n’était pas du tout bien, et en plus, devant une mosquée ! Ce qui ne m’a pas plus, c’est le fait que ces personnes aient été violentées, car même la religion déconseille cela », explique Issouf Diané un mécanicien et habitant du quartier. Un de ses clients opine : « Imaginez-vous un instant que votre enfant habite dans ce quartier et que chaque soir, lorsqu’il revient de l’école, il doit assister à un tel spectacle, voir des filles à moitié habillées tenant une cigarette en main. Quelle éducation pouvons-nous donner dans ce contexte ? », interroge t-il.

Charles Somé, chargé de mission plaidoyer droit humain qui faisait partie de l’équipe de médiation est d’un avis tout à fait opposé. Il plaide plutôt pour que les travailleuses soient mieux encadrées , car argumente t-il, "cela permettra de mieux les suivre médicalement afin d’éradiquer certaines maladies comme le VIH/SIDA et autres infections sexuellement transmissibles". Pour lui, "ce genre de comportement incite les prostituées à se cacher pour exercer leur métier, chose qui n’est pas favorable pour leurs clients". Quant à la suite donnée à la plainte déposée par le gérant du Privé, Charges Somé est formel : "Jusqu’à présent, le droit n’a pas été dit, mais le gérant m’a fait savoir qu’il aurait eu un autre lieu pour exercer son commerce ».

Frédéric Thianhoun
Kaceto.net