Polémique après polémique, la députée France insoumise de 37 ans est devenue la cible favorite d’une partie de la classe politique, qui l’accuse de complaisance avec l’islam radical.

Elle ne s’attendait pas à ça. « Camaradobono », comme elle est surnommée depuis ses 20 ans, était loin d’imaginer devenir en quelques mois une cible de choix. À 37 ans, cette bibliothécaire de profession, élue députée sur l’ancienne circonscription du PS Daniel Vaillant, à cheval entre le 18 et le 19e arrondissement de Paris, est dans le viseur de bon nombre de ses collègues parlementaires, des bancs de l’extrême droite jusqu’à ceux de la majorité où siège l’ancien premier ministre Manuel Valls.
Fille d’un opposant politique au président gabonais Omar Bongo, candidat à la présidentielle de 1998, Danièle Obono n’a jamais eu peur de l’affrontement idéologique. Durant ses années de militante à la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), elle traîne de longues heures au sous-sol de la librairie la Brèche, dans le 12ème arrondissement de Paris. Les réunions politiques de l’ultra-gauche s’y succèdent. « Elle avait une bonne image même chez ses rivaux, se souvient un de ses condisciples de l’époque. C’était une figure sérieuse, elle faisait partie des moins sectaires. » Raison pour laquelle elle quittera la LCR, puis le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) pour le Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon en 2011.
Une proximité avec les Indigènes de la République

Encore inconnue du grand public cet été, l’ancienne porte-parole de Jean-Luc Mélenchon s’est taillée une notoriété sur un plateau télévisé quelques jours seulement après son arrivée à l’Assemblée. La Franco-gabonaise est interrogée par les Grandes gueules de RMC sur une pétition signée en 2012 en soutien au chanteur rap Saïdou, mis en examen au côté du sociologue Saïd Bouamana, pour sa chanson Nique la France. « La liberté d’expression », justifie une Danièle Obono étranglée par la question qui suit. Désormais élue de la nation, peut-elle dire « vive la France » ? : « Vous voulez que je me mette au garde-à-vous et que je chante la Marseillaise ? » Un refus faisant le miel des réseaux sociaux, notamment sa frange la plus droitière, qui exhume ses années passées à la Ligue communiste révolutionnaire comme sa proximité avec les controversés Indigènes de la République. « Hallucinant ! La députée France Insoumise défend ceux qui chantent ‘nique la France’ mais hésite à dire ‘vive la France’ », s’indignait ainsi sur twitter le député LR sortant, Thierry Mariani.
Moins de quatre mois plus tard, l’histoire se répète. Dimanche dernier, la députée remet en cause sur le plateau de BFM-TV le lien entre un chauffeur de bus RATP refusant de prendre le volant après une femme, et le radicalisme religieux sous-tendu par son acte : « Ca veut dire qu’il a un préjudice contre les femmes. (...) Qu’est ce que ça a à voir avec la question du radicalisme ? », s’interroge-t-elle. Son discours dissociant sexisme et radicalisation est rapidement jugé « complaisant » à l’égard de l’islam radical, notamment par l’ancien premier ministre Manuel Valls : « Je pense que c’est un discours islamo-gauchiste […] C’est plus que la complaisance, c’est une complicité avec un islam politique », a-t-il lâché mardi au micro de RTL.

Une critique que la jeune femme a déjà essuyée à plusieurs reprise dans l’hémicycle. « C’est assez dingue ce qu’il se passe autour de Danièle, témoigne le député insoumis Ugo Bernalicis. Quand Adrien Quatennens (député LFI du Nord, ndlr) ou moi défendons un amendement, rien ne se passe. Si en revanche, Danièle défend le même, elle se fait conspuer par Marine Le Pen, Guillaume Larrivé et maintenant Valls… Il faut dire que c’est une femme, de gauche et noire par dessus le marché. Pour les abrutis en face, elle ne devrait même pas exister »

Charles Sapin
Lefigaro.fr