A l’appel d’une quinzaine d’organisations syndicales, regroupés sous la Coordination nationale des syndicats de l’éducation (CNSE), les enseignants ont entamé hier jeudi et jusqu’à demain, une grève pour exiger du ministère de l’Education nationale et de l’alphabétisation (MENA), l’amélioration de leurs conditions de travail et la valorisation de la fonction enseignante.

Dans un document de 4 pages remis à la presse, la Coordination a listé les points sur lesquels les enseignants demande des réponses urgences et globales au gouvernement. Il s’agit de l’adoption d’un statut valorisant des personnels de l’éducation et de la recherche, une revendication qui remonte à 2011, du temps de l’ex-président Blaise Compaoré et qui avait fait l’objet d’une signature de protocole. En 2012, un atelier avait débouché sur l’adoption d’un contenu au statut des personnels de l’éducation et de la recherche. Selon les syndicats, depuis cette date, rien ne s’est passé, comme si le gouvernement, qui avait montré sa disponibilité à traiter la question, avait changé d’avis.
L’autre revendication porte sur le manque d’infrastructures éducatives, les classes sous paillotes étant la face visible de l’iceberg, l’Etat se contentant de trouver des solutions ponctuelles sans véritable politique sur le long terme. La CNSE note d’ailleurs un recul du taux d’accès aux infrastructures dans le préscolaire, passé 3,9 en 2015 à 2,9% en 2016. Au primaire, sur 126 complexes prévus, seulement 23 ont été entièrement achevés à la date du 21 février 2017, soit un taux de réalisation de 18,25% ». La situation n’est guère reluisante au post-primaire et au secondaire, où le taux de construction de 73 CEG programmé en 2016 est seulement de 6,85%. Le rapport d’ACOMOD, le maitre d’ouvrage délégué du ministère de l’Education nationale tablait pourtant sur un taux global de construction entre 73 et 87% à la date du 31 décembre 2016 ! Les syndicats regrettent en outre le manque d’infrastructures publiques pour prendre en charge les personnes souffrant de handicaps lourds, « au point que les écoles spécialisées sont entièrement à la charge du privé ».
Sur les conditions de travail, les syndicats soulignent que la démotivation gagne de plus en plus le corps enseignant. « De nombreux travailleurs triment des mois, voire des années pour constater leur avancement, pour corriger leurs indemnités. A l’université, ce sont des enseignants, ingénieurs et assistants de recherche (…) qui sont confrontés à des problèmes de nomination malgré le protocole de septembre 2016. Les plus jeunes qui embrassent le métier sont vite désillusionnés par l’état de clochardisation dans lequel on les peaufine des mois sans salaires », dénonce la CNSE.
Hier, des milliers d’enseignants qui ont battu le pavé dans les rues de Ouaga et dans les provinces ont revendiqué également la revalorisation de la fonction enseignante, un métier autrefois « adulé, respecté », et aujourd’hui « relégué au rang de métier déconsidéré », ce que bien entendu, les enseignants n’acceptent. Conscients de l’importance de leur mission dans la construction d’une société de justice, ils ne baissent pas les bras et refusent « le sort que les politiques veulent leur réserver ».

Des concertations entamées avec les gouvernements successifs n’ont pas abouti à des résultats probants et ayant le sentiment de se faire rouler en permanence dans la farine, les syndicats se sont résolus à lancer le mot d’ordre de grève de 48 heures, chose que regrette le ministre Jean Martin Coulibaly, pas du tout convaincu de la pertinence d’une telle action.
D’ailleurs, il n’était pas là pour recevoir la lettre de doléances que les grévistes voulaient lui remettre hier, une attitude jugée « méprisante » par l’ensemble des organisations syndicales. « Nous sommes obligés d’expliquer au gouvernement que le climat est devenu si délétère qu’on n’est pas sûrs que le ministre (de l’éducation) soit la personne la plus crédible aujourd’hui pour conduire des négociations sereines », a déclaré Séma Blégné, un des responsables syndicaux, puis d’ajouter sous forme de menace : « Si satisfaction n’est pas donnée à notre plateforme revendicative, les enseignants en grève se donnent le droit d’engager d’autres formes de lutte ».
Trois ans après l’insurrection populaire, alors que la demande en justice sociale est très forte, Bassolma Bazié, secrétaire général confédéral/CGT-B et président du mois de l’Unité d’action syndicale, a félicité ses camarades pour leur forte mobilisation et les a invités à être « solidaire des travailleurs du secteur privé et du parapublic » et d’être sensibles « aux questions liées au code du travail, la loi 033 et autres ».
Après la marche suivie de meeting hier, les travailleurs se retrouvent aujourd’hui à la bourse du travail pour animer des débats sur les problèmes qui minent le secteur éducatif.

Joachim Vokouma
Kaceto.net