Notre chroniqueur de la rubrique "Autour des mots" s’intéresse au traitement qui est fait du mariage précoce sur les sites d’informations du Burkina, du Mali et du Sénégal. Edifiant !

Le vendredi 20 octobre 2017, Madame Sika KABORE, épouse du président du Faso, a plaidé la cause de la lutte contre les mariages d’enfants auprès du gouvernement de Paul Kaba THIEBA. C’était à l’occasion de la première session ordinaire de l’année 2017 de la plateforme multisectorielle de prévention et d’élimination des mariages d’enfants au Burkina Faso. Elle avait mis le doigt là où ça faisait mal. Je la cite : « Le Burkina Faso, avec un taux de mariages d’enfants des moins de 18 ans estimé à 51,6%, occupe le 5è rang mondial des pays où sévit cette honteuse pratique. »
Dès lors, je me suis posé quelques questions simples : quand les sites Web d’information burkinabè évoquent la question du « mariage » dans leurs titres, quels enjeux thématiques y associent-ils ? Parlent-ils significativement du mariage des enfants ? Et puis, pour élargir le regard, je me suis posé la question de savoir ce qu’il en était dans les titres des sites Web d’information du Mali et du Sénégal… Mais, j’en conviens, on peut avoir une perspective encore plus importante : toute l’Afrique de l’Ouest, voire toute l’Afrique subsaharienne…
Pour tenter d’y apporter quelques réponses, j’ai analysé le contenu de trois ensembles significatifs et pertinents de titres d’articles autour du « mariage » :
Un premier ensemble constitué de titres d’articles issus de sites Web burkinabè : lefaso.net, burkina24.com, aouaga.com, fasozine.com, fasopresse.net, lobservateur.bf, lepays.bf, sidwaya.bf et aib.bf.
Un deuxième ensemble regroupant des titres d’articles issus de sites Web maliens : maliactu.net, abamako.com, malijet.com, koulouba.com, bamada.net, mali-web.org, niarela.net et afribonemali.net.
Enfin, un troisième ensemble constitué de titres d’articles issus de sites Web sénégalais : senenews.com, rewmi.com, sen360.com, senego.com, adakar.com, seneweb.com, dakaractu.com, leral.net et lesoleil.sn.

Premier constat : sur la totalité des données disponibles couvrant l’ensemble des sites Web fouillés systématiquement et méthodiquement (toutes dates confondues), les sites Web d’information du Sénégal ont nettement plus titré sur la thématique du « mariage » (61,25%), puis viennent les sites Web maliens (30,72%), enfin ceux du Burkina Faso qui ferment la marche (seulement 8,03%). Pour autant, ce n’est pas parce qu’on a plus titré sur le « mariage », qu’on a proportionnellement plus évoqué la question singulière du « mariage des enfants ». C’est ce que nous allons voir avec le tableau des résultats ci-après présenté (les chiffres indiquent des taux d’association). Décryptage :
1. Dans les titres des articles publiés sur les sites Web d’information du Burkina Faso, parler « mariage » c’est plus souvent parler de la question spécifique du « mariage des enfants » (21,1% de taux d’association, contre 3,8% pour le corpus malien et 1,9% pour le corpus sénégalais).

2. D’une façon générale, le tableau montre que les sites Web d’information du Burkina Faso mettent bien en évidence les problématiques singulières de la « lutte contre » le « mariage des enfants », contre les mariages « précoces » et contre les mariages « forcés ». S’y greffent aussi de façon assez remarquable les thématiques des « salons de mariages » et des « mariages collectifs ».

3. Les sites Web d’information du Mali sont ceux qui mettent le plus en scène la notion singulière de « mariage précoce » (18,9% de taux d’association). Mais, curieusement, le « combat contre » ce type de mariage y est timidement évoqué (4,7% de taux d’association contre 14,3% pour les sites burkinabè). Pourquoi ? Question à creuser… Par ailleurs, on observe que les dimensions « religieuse » (surtout) et « traditionnelle » des « célébrations/réceptions » des mariages y sont particulièrement marquées (7,9% et 7,0% de taux d’association).

4. Quant aux sites Web d’information du Sénégal, ils se distinguent par une forte mise en scène de « vidéos, photos/images » de mariages (15,6 % de taux d’association, contre 1,5% pour les sites maliens et 0,3% pour les sites burkinabè). Mariages qui, on l’aura remarqué, sont souvent inscrits dans la rubrique « people » (7,9% de taux d’association, contre 1,2% pour les sites maliens et 0,2% pour les sites burkinabè). Notons aussi que c’est dans les titres des sites Web du Sénégal qu’il y a plus d’insistance sur des notions telles « fille de », « fils de », « femme/épouse de ». Autant dire, pour aller vite, qu’il y a manifestement une intention éditoriale… tout au moins une intention communicationnelle de « monstration », « personnalisation » et « peopolisation » du phénomène social qu’est le mariage. Au risque d’occulter quasi-complètement le fléau des mariages d’enfants, des mariages précoces et des mariages forcés… Mais peut-être qu’au Sénégal, ce fléau est si marginal que… Je demande à vérifier le rang de ce pays dans le classement mondial sur le sujet.

5. Enfin, la problématique du « mariage homosexuel » tend à être plus discutée dans les corpus malien (4,6% de taux d’association) et burkinabè (4,5% de taux d’association) que dans le corpus sénégalais (3,6%).

Ousmane SAWADOGO, expert en « Text Mining » et « Web Content Mining » – kaceto.net