Ouvert depuis plus d’un an, l’hôpital du district de Bogodogo se veut à terme un centre universitaire complet à l’image de l’hôpital national Yalgado Ouédraogo. En attendant l’inauguration officielle qui pourrait avoir lieu avant la fin de ce mois, tout le personnel est mobilisé pour apporter des soins aux patients qui s’y rendent. Kaceto.net a fait un tour dans le service Pédiatrie à la rencontre de l’équipe de nuit du 11 au 12 décembre

« Il faut prendre le tournant à droite, aller tout droit et contourner le bâtiment que vous verrez en face. C’est là-bas la pédiatrie ». Le vigile en poste donne ces indications et prend aussitôt le visionnage de son film, casque collé aux oreilles. On s’excuserait presque de l’avoir dérangé.
Devant la porte d’entrée du service, un autre vigile nous ouvre la porte. Dans le hall, des parents ou accompagnateurs de patients discutent sur des bancs. Dès l’entrée, on aperçoit le docteur Hamidou Sawadogo, la mine grave, occupé à pratiquer un massage cardiaque sur un bébé né à peine trois heures plus tôt. Il est assisté par un infirmier stagiaire qui prend de temps en temps le relais. Une étudiante interne, devait aussi être là, mais elle n’est pas venue. Pis, elle n’a ni prévenu, ni expliqué les raisons de son absence. Aurait-elle été happée par les festivités du 11 décembre ? On peut se poser la question. A l’heure des évaluations, de telles absences pourraient compter, négativement dans la notation de fin de stage.

C’est à 18 heures que la garde de nuit a commencé. Aux environs de minuit, le service a déjà enregistré sept (7) admissions. Le docteur fait les consultations, prescrit la thérapie et décide de garder ou pas le patient. Les infirmiers (ères) regroupés dans une salle plus loin, prennent ensuite le relais et administrent les soins. Cette nuit-là, l’équipe comprend trois personnes, plus une sage-femme et une qui prépare les salles. Un garçon de deux ans et demi est alité, souffrant d’une infection suite à un palu grave. Ce n’est pas la période de grande affluence. « Le pic du palu, c’est entre juin et septembre », explique Raphaël Zida, infirmier d’Etat, arrivé à Bogodogo depuis avril 2017.
On profite du calme discuter et s’informer des conditions dans lesquelles ils accomplissent leur mission de service public. En apparence, tout va bien. Le matériel est neuf, en tout cas, en bon état. Les couloirs ne sont pas bondés de patients par manque de places comme à Yalgado. Mais, on le sait, les apparences sont trompeuses. « Tout va bien ici », affirment les infirmiers de garde, mais au fil de la discussion, on découvre des choses qui étonnent dans un hôpital qui a ouvert ses portes il y a seulement un an. Depuis cinq (5) mois, les lampes scialytiques sont en panne et c’est à l’aide des lampes des téléphones portables que les infirmiers détectent les nerfs pour les perfusions et les prélèvements de sang. Un plateau haricot est partiellement abimé, trouvé par l’utilisation de l’eau de javel pour le laver et le désinfecter. La direction a vite réagi en important de France du TFD, un produit « qui coûte très cher, mais qui est efficace », explique Juliette Bonkoungou, commise à la préparation des salles.

Autres soucis : depuis trois semaines, le frigo est en panne, tout comme le chauffe-eau. « On ne peut boire ni du frais, ni du chaud, alors que la nuit, on besoin de café ou de thé pour tenir debout », regrette Fatimata Ouédraogo, sage-femme au rire contagieux. Ce qui est fâcheux dans tout ça, c’est que le matériel est disponible en stock, « mais c’est la procédure qui est longue pour le faire sortir »
Docteur Sawadogo vient de rejoindre l’équipe des infirmiers. Les nouvelles du bébé ne sont pas bonnes. « Je l’ai finalement perdu. Il souffrait d’une détresse respiratoire sévère avec pause respiratoire », dit-il. Lui aussi fait souvent avec les moyens du bord. Il lui manque par exemple un ionogramme sanguin pour les bilans d’urgence et la sérologie dingue est en rupture depuis une semaine.
Au service de pédiatrie de l’hôpital du district de Bogodogo, le personnel apprécie l’application de la décision d’offrir des soins gratuits aux enfants de moins de 5 ans, surtout quand les parents découvrent à la sortie qu’ils n’ont rien à payer. « L’autre jour, on a soigné un enfant pour plus de 200 000 F CFA les parents devaient payer. Ils étaient très contents », témoigne une infirmière.
Pour les femmes enceintes, la gratuité des soins couvre les consultations prénatales et prend fin 45 jours après l’accouchement.
Il est 1 heure du matin. Docteur Sawadogo fait le tour des patients hospitalisés pour s’assurer de leur état. Tout est calme, du moins, quand nous quittions les lieux.

Le lendemain de la visite, kaceto.net reçoit un coup de fil anonyme. L’interlocuteur dit être un technicien officiant à l’hôpital et a quelque chose à dire. On l’écoute. « Monsieur, vous vous rappelez de la dame qui est tombée d’un lit à Yalgado et qui est morte ? Pour éviter que de pareils drames se produisent à nouveau, on a commandé un lit spécial qui pèse plus de 200 kg, mais celui qui a eu le marché a triché et acheté un lit de moindre qualité. Pour tromper la vigilance de la direction, il a collé l’étiquette de la marque du bon lit sur le mauvais. La direction a découvert ça et refuse de réceptionner », a-t-il raconté, visiblement outré.
Affaire à suivre

JV, Kaceto.net