Le vice-président sud-africain Cyril Ramaphosa a succédé lundi à la tête du Congrès national africain (ANC), au pouvoir depuis 1994, au très contesté président Jacob Zuma, avec l’immense tâche de redorer le blason du parti d’ici aux élections de 2019.

Epilogue de plusieurs mois d’une campagne très âpre, M. Ramaphosa a été élu d’un souffle devant son unique rivale, l’ancienne patronne de l’Union africaine (UA) et ex-épouse de M. Zuma, Nkosazana Dlamini Zuma.

Selon les résultats proclamés par le parti, il a obtenu le soutien de 2.440 délégués du parti, contre 2.261 à son adversaire.

Ce succès fait de Cyril Ramaphosa, 65 ans, un ancien syndicaliste devenu richissime homme d’affaires, le favori pour succéder dans deux ans à M. Zuma à la tête de l’Afrique du Sud.

Annoncé dans un centre de conférences de Johannesburg surchauffé et sous haute tension, le verdict des urnes a été accueilli par de longues minutes d’acclamations des partisans de M. Ramaphosa, euphoriques.

"Sa victoire est bonne pour le pays", s’est réjoui Mzwandile Mkhwanazi, de la province du KwaZulu Natal. "Nous avons besoin d’un pays stable, d’un président capable de combattre la corruption, je crois qu’il est à la hauteur de la tâche".

"Le combat pour le renouvellement, l’unité et la reconstruction de notre ANC débute aujourd’hui", s’est réjoui sur Twitter le chef de la majorité parlementaire du parti, Jackson Thembu.

Très déçus, les soutiens de Mme Dlamini Zuma se sont réconfortés en constatant que la nouvelle direction du parti - le président et cinq autres membres - issue du scrutin de lundi était également partagée entre les deux camps.
 ’Equilibre’ -

Allié de l’ex-épouse de M. Zuma, le Premier ministre de la province du Mpumalanga (nord), David Mabuza, a été élu vice-président du parti, un poste d’où il pourra surveiller de près l’action du nouveau président.

"La composition du top 6 est équilibrée", s’est félicité le ministre Jeff Radebe, "l’unité du parti est préservée".

La guerre de succession qui s’achève a révélé d’importantes fractures au sein de l’ANC.

Soutenu par l’aile modérée du parti, très apprécié des marchés, le vice-président a fait campagne en dénonçant la corruption du clan Zuma. Il a aussi promis de relancer l’économie du pays, qui peine à sortir de la crise, et de créer des emplois pour faire reculer un taux de chômage au plus haut à plus de 27%.

Face à lui, Nkosazana Dlamini Zuma, 68 ans, avait repris le discours de son ex-époux sur la nécessaire "transformation radicale de l’économie" au profit de la majorité noire. Un quart de siècle après la chute de l’apartheid, des millions de Sud-Africains continuent à vivre dans la pauvreté.

Ses adversaires la soupçonnaient d’être la "marionnette" de Jacob Zuma et de lui avoir promis l’immunité dans les nombreux scandales politico-financiers où il est accusé.

Dans ce climat de rivalité extrême, le nouveau président de l’ANC va d’abord devoir s’atteler à redresser le parti.

"Les résultats du vote ont été très serrés", a relevé pour l’AFP la professeure de sciences politiques Amanda Gouws, de l’université de Stellenbosch. "Les nouveaux dirigeants ont doivent reforger son unité et reconstruire son image".
 ’Majorité ténue’ -

L’étoile de l’ANC a sérieusement pâli depuis sa victoire aux premières élections libres de l’histoire de l’Afrique du Sud en 1994 et l’arrivée au pouvoir de son icône Nelson Mandela.

Affaibli par la crise économique et les accusations de corruption qui visent Jacob Zuma, l’ANC a déjà subi un sérieux revers aux élections locales de 2016 en cédant à l’opposition le contrôle de villes de premier plan comme Johannesburg et Pretoria.

"Notre échec à régler les problèmes a commencé à peser sur notre mouvement", a lui-même concédé samedi M. Zuma lors de son dernier discours de chef du parti, évoquant "la corruption, la criminalité et l’emploi".

Nombre d’analystes ont anticipé un éclatement du parti et lui prédisent déjà une défaite historique en 2019.

Mais les résultats très serrés du scrutin de lundi laissent peu de marge de manoeuvre à Cyril Ramaphosa, a noté l’analyste Susan Booysen, de l’université du Witwatersrand à Johannesburg.

"Je ne vois pas comment il va pouvoir faire reculer la corruption au sein de l’Etat et agir contre des collègues qui ont fauté avec une majorité aussi ténue que ça", a-t-elle insisté, "ce n’est pas un scénario très favorable pour l’ANC en 2019".

Son élection "c’est trop peu et trop tard", a pronostiqué, gourmand, Mmusi Maimane, le chef du principal parti d’opposition, l’Alliance démocratique (DA).

La victoire de Cyril Ramaphosa a été accueillie favorablement par les marchés financiers, qui s’inquiètent depuis des mois des "incertitudes politiques" qui pèsent sur l’économie de la première puissance industrielle du continent africain.

Lundi soir, la devise sud-africaine, le rand, a progressé face au dollar pour atteindre son plus haut niveau depuis mars.

AFP