Le 14 décembre, le conseil des ministres a dissout le conseil municipal de Saponé, une localité située à une trentaine de km de Ouagadougou, une décision qui vise, selon le gouvernement « à préserver l’ordre public et à garantir la continuité du service public ».

Depuis les élections municipales de mai 2016, puis celles partielles de 2017, remportées par le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), le conseil municipal n’a jamais pu fonctionner normalement. Certes, les sessions se sont régulièrement tenues, mais une fronde interne au parti au pouvoir a toujours perturbé la quiétude de l’équipe en place. Manifestations de rue, perturbations des sessions municipales, menace sur le maire et ses adjoints, etc., bref, une minorité aigrie a décidé de pourrir le mandat de l’équipe démocratiquement élue. Très curieusement, en dépit des alertes, le gouvernement a observé une neutralité coupable face aux agitations d’une minorité au point qu’elle s’est crue intouchable. Après avoir menacé ouvertement et publiquement de « tuer quelqu’un », on a toutes les raisons de soupçonner la bande des perturbateurs, conduite par un certain Sambo, alias "Guillaume Soro", d’être impliquée dans cet acte criminel qu’est l’incendie des locaux administratifs de la mairie le 8 décembre dernier. C’est ce forfait qui a servi de prétexte au gouvernement pour dissoudre le conseil municipal et le mettre sous délégation spéciale.
Mais comme on pouvait s’y attendre, cette décision est vivement rejetée par les populations, notamment les jeunes qui ont annoncé avant-hier qu’ils entraient dans une désobéissance civile jusqu’au retour de l’ancienne équipe.
Disons-le tout net : le gouvernement a été mal inspiré en dissolvant le conseil municipal. La thérapie ici prescrite est inopérante parce que l’exécutif ne s’est pas aligné sur la légalité et de la légitimité démocratique. Sur 40 villages que compte la commune, 37 soutiennent l’équipe en place ; le 12 décembre, lors de la dernière session, 60 conseillers municipaux étaient présents sur un total de 80 ; le quorum a donc été largement dépassé et c’est dans la stricte légalité que les travaux devaient se dérouler. Mais contre tout attente, une équipe de policiers, dépêchée de Ouagadougou est arrivée dans la ville, non pour arrêter les perturbateurs, mais pour bloquer l’accès de la salle de réunion au maire et ses adjoints, qui ont été contraints de délocaliser la session dans une autre salle hors de la mairie.
En dissolvant le conseil municipal, le gouvernement s’est invité dans une bagarre interne au MPP qui ne le regarde pas. Car c’est de cela qu’il s’agit : des militants qu’il faut mettre au pas en imposant la discipline du parti.
Tout naturellement, l’équipe dissoute a décidé d’ester en justice auprès du tribunal administratif, et tout porte à croire qu’elle obtiendra gain de cause. Le maire et ses adjoints ont été démocratiquement élus ; le calendrier des sessions du conseil municipal a toujours été respecté et les travaux n’ont jamais été bloqués pour quelque raison que ce soit.
La préservation de l’ordre public et la garantie de la continuité du service public invoqués par le gouvernement n’est qu’un prétexte pour ne pas sanctionner des individus hors la loi. Samedi 16 décembre, devant les représentants des partis membres de la majorité présidentielle, le ministre d’Etat, ministre de la Sécurité, Simon Compaoré, d’habitude prompt à réagir face à de pareils événements, s’est enfin exprimé sur le sujet : « On va être très ferme, ceux qui ont brûlé la mairie, ça ne va pas rester impuni. Il y a des enquêtes qui sont ouvertes et qui devront permettre d’identifier tous ceux qui ont commis des exactions dans cette commune. Le droit sera dit ». Chiche !

JV ; Kaceto.net