Le président de la représentation nationale ivoirienne, le Très Honorable Guillaume Soro Kigbafori a reçu son homologue Rwandaise, la Très Honorable Mukabalisa Donatille, pour la Session inaugurale 2018. Est-il besoin de rappeler que le destin malveillant et l’idéologie d’exclusion sociale pratiquée par les pires enfants d’Afrique (aujourd’hui encore, ces mêmes malfaisants ventilent le négationnisme) ont fait que la Côte d’Ivoire et le Rwanda sont deux nations africaines qui sortent de crise. Des crises qui ont entraîné des milliers de morts, engendré des destructions de biens publics et gravement compromis le tissu social et partant, l’unité nationale.

Recevoir la présidente de la Chambre des députés de la République du Rwanda de notre leader panafricaniste bien aimé, Son Excellence Monsieur le Président Paul Kagamé, c’est assurément, mettre l’accent sur le partage des expériences douloureuses vécues parce que subies mais surtout vaincues parce que voulues par la volonté. Aller au pardon et à la réconciliation pour construire l’espoir et la citoyenneté responsable, autant de chemins de lumière fraternelle pour vivre ensemble dans la concorde, la prospérité partagée rassemblent les leaders Paul Kagamé et Guillaume Soro. Permettez-moi quatre remarques :
1. Lorsque les enfants d’une nation africaine s’affrontent sur leur sol, les braves patriotes contre les illuminés de la détestation du prochain, de la haine tribale (idéologie génocidaire au Rwanda contre les Tutsis, les Twa et les Hutus modérés, l’Ivoirité en Côte d’Ivoire) ces faux prophètes de la pureté raciale et de la hiérarchisation des vies comme si une affreuse ontologie étagée des vies citoyennes était l’universelle scellant la domination, la détermination de laisser telle vie poursuivre son chemin ou l’enlever, la vie et sa sacralité, et ceux qui les défendent au nom de tous et de toutes les citoyennes, ceux-là ont rendez-vous avec la gloire des nations. Le Front Patriotique rwandais du leader Paul Kagamé et la Rébellion revendicatoire des droits de la citoyenneté ivoirienne de Guillaume Soro sont le nom de ce sursaut patriotique pour la sauvegarde la vie, de la liberté et de la citoyenneté ouverte pour peu que la loi soit l’universelle, qui soumet tous sous le paradigme égalité. Ces déchirures terribles appellent un leadership d’excellence pour en conjurer les méfaits, déraciner fermement les soubassements idéologiques et sociologiques, rappeler et soumettre tous les citoyens aux universels comme loi, politique et pratique d’égalité, promotion de l’excellence, du mérite et, aux dirigeants, la soumission à la culture du résultat et donc la redevabilité incompressible. Pour obtenir le renouveau du vivre ensemble, pour raccommoder les vécus sociaux et les émotions citoyennes induites, toute action, toute politique publique de la puissance publique doit être frappée du sceau de la gouvernance démocratique, de la renaissance de la république impartiale et exemplaire. Seul un leadership d’excellence, empreint de patriotisme et de sentiment d’appartenance peut incarner et insuffler cette vision du progrès social, du vivre ensemble, authentique et décidée primordialement à partir des desiderata (données de la conscience du vivre semble) endogènes du peuple.

2. Incontestablement, le leadership vertueux du Président Paul Kagamé incarne cette confiance en soi, ces actes de volonté souveraine, cette exemplarité morale et républicaine, ce don de soi pour son Peuple. Un modèle de développement économique vertueux parce qu’endogène et qui est la déclinaison locale de la culture de résultats, de la discipline et de la sauvegarde du bien commun. Servir le Peuple ! Il s’ensuit que ce départ nouveau commence par la levée de toutes les hypothèques du futur dont les forces obscures internes ont épousé la lecture extravertie. Ces forces maléfiques sont porteuses de la mort, de la division, du négationnisme, de l’idéologie génocidaire au Rwanda et ivoiritaire en Côte d’Ivoire. Pour autant, dans l’exacte mesure où il s’agit de brebis perdues et instrumentalisées par des mains obscures, il importe pour tous et singulièrement les dirigeants nationaux, de biffer les politiques de vengeance.
Aussi, Madame la Présidente Mukabalisa Donatillea a raison de tonner : « Après le génocide, le peuple rwandais a fait le choix de la réconciliation et non de la vengeance ». La justice des tribunaux ordinaires, d’essence occidentale est perçue parfois comme justice des vainqueurs. Toute lecture qui laisse entendre que la vengeance des vainqueurs est servie par la justice ordinaire des tribunaux qui consacre le vainqueur et qui accable le vaincu. Platon disait qu’il fallait « punir les méchants » pour accréditer l’idée que la vertu peut être enseignée et donc apprise. Les forces non patriotiques, ces méchants ont inoculé le venin mortel de l’exclusion et sont de ce fait, elles-mêmes instrumentalisées pour mieux servir l’intérêt des puissants alliés étrangers et de ce fait, en contraposition avec l’intérêt national et la voie stratégique endogène pour le progrès de l’homme par la réconciliation. Il est aisé de recourir à la sagesse africaine qui ne souscrit pas à la punition du méchant pour accréditer la vertu encore moins faire la promotion de sa pratique, mais plutôt qui exige d’aller à une justice ouverte sous l’arbre à palabres, mettre en place un processus dialogual qui met aux prises l’ensemble des membres d’une communauté, le bourreau face à la victime (en général le voisin immédiat dans la vie courante) aux fins de servir le vivre ensemble par le pardon et la réconciliation grâce à la justice comme réparation.
3. C’est ce que les Occidentaux appellent la justice transitionnelle pour les pays qui sortent de crise armée ou sortent de la ferrure d’un pouvoir autocratique. Lorsque le Président Paul Kagamé et son gouvernement ont été félicités pour avoir opté, lucidement et souverainement la judiciarisation ancestrale, le jugement des meurtres, des pogroms horribles commis par les génocidaires au moyen des Gacaca, certaines organisations civiles non avisées ont rué dans les brancards.

Or, précisément, les Gacaca sont aujourd’hui, a posteriori, universellement reconnus comme ayant réussi à obtenir l’apaisement des cœurs, la justice comme équité (selon John Rawls) et comme réparation (sagesse africaine) des torts et surtout, l’exigence ferme de la non répétition des torts du passé pour donner une chance à la paix et donner à l’espoir, son envol pérenne. Pourquoi ? Parce que la sagesse judiciaire ancestrale africaine est viscéralement attachée à la libération de la parole privée pour qu’elle devienne publique pour éduquer :

a. Celle du bourreau qui doit être entendue pour ne plus répéter les mêmes tares du passé mais surtout libérer l’avenir des hypothèques obscures. Parce qu’elle interpelle le pardon, le sursaut d’âme et donc le refus de la vengeance.
b. Celle de la victime, elle est la quintessence même du raccommodement des émotions citoyennes et partant démocratiques pour le vivre ensemble. Puisqu’elle engendre la compassion et cultive la réconciliation.
Les Gacaca rwandais sont la preuve que les Africains qui ont de la mémoire, savent que nos groupes sociaux depuis des millénaires ont connu des conflits, les ont tranchés au service du vivre ensemble et de la réconciliation. Les Gacaca ont surtout assuré tous les droits humains des victimes mais aussi ceux des bourreaux de façon contradictoire. Ces droits des victimes sont au nombre de trois, essentiellement : le droit à la vérité ; le droit à la justice comme réparation des torts et enfin, le droit à la vie comme vivre ensemble des deux parties au procès (deux enfants de la même nation).
4. Voilà notre mémoire ancestrale judiciaire africaine, digne de créance, conforme au droit de la personne et répondant à toutes les normes juridiques universelles. Les Gacaca sont cette preuve que lorsque les dirigeants et surtout les élites africaines ne sont point victimes de l’extraversion mentale et psychologique, les sociétés africaines, leurs propres sociétés leur indiquent le chemin idoine pour sortir des conflits avec des arbitrages qui renient la vengeance. Un processus judiciaire authentique, spécifique et crédible. Je l’appelle la singularité universelle. Privilégions la singularité universelle pour ne pas nous trahir nous-mêmes. Etant des Humains, nous sommes d’emblée des porteurs d’expériences judiciaires spéciales mais humaines, trop humaines dirait Nietzsche. Bonnes comme horribles ! Il s’ensuit que toute expérience judiciaire spéciale et crédible, fondée sur la protection de la vie et son caractère sacré, est une singularité universelle. Les Gacaca sont l’administration de cette preuve apodictique. Parce que, in fine, la justice est une institution au service de l’ordre public dans un Etat civil. Les droits de la personne n’ont de sens que parce que nous sommes sortis de l’état de nature 1er et second que je ne peux pas développer ici vu les contraintes d’espace. Les promesses d’avenir bienveillant pour tous, le leadership d’excellence du Président Kagamé les incarnent pour l’Afrique. Une vraie source d’inspiration pour les partisans du pardon et de la réconciliation en Afrique ! Ayons foi en nous-mêmes.

Tribune de Mamadou Djibo,
PhD. Philosophy