Hier 12 avril, le premier ministre Paul Kaba Thiéba a fait le point sur l’état de la nation devant les députés, un exercice prévu par l’article 109 de la constitution. Durant plus de 4 heures, il a passé en revu la situation nationale secteur par secteur et défendu la politique mise en oeuvre sous l’impulsion du président : lutte contre terrorisme, dialogue social, réforme économique, lutte contre la pauvreté, politique en matière d’éducation et de santé, etc., bref, c’est un "Burkina en marche" que le premier ministre a volontairement dépeint devant la représentation nationale. (Voir l’intégralité du discours http://kaceto.net/spip.php?article4744)

Sur la lutte contre le terrorisme, le chef du gouvernement a appelé à l’union sacrée des Burkinabè pour faire face à l’hydre djihadiste, défendre la mère patrie que "nos ancêtres nous ont léguée et que nous avons le devoir de transmettre aux générations futures". Un combat qui n’est pas seulement l’affaire des militaires, mais de tous les Burkinabè sans considérations idéologiques et partisanes."Chacun doit contribuer par ses moyens à démasquer les terroristes en coopérant avec les Forces de défense et de sécurité pour neutraliser ces ennemis de notre peuple, ces ennemis de notre vivre ensemble et de la paix", a t-il martelé.
Au plan économique, le premier ministre s’est réjoui qu’en dépit des attaques terroristes et d’une conjoncture difficile, la mise en œuvre du Plan national de développement économique et social (PNDES), "notre boussole" ait donné des résultats satisfaisants. Il a annoncé que le taux de croissance a atteint 6,7% en 2017, contre 5,9% en 2016 et 4,0% en 2015, "et devrait s’amplifier en 2018, en 2019 et en 2020".
Sur la politique sociale, Paul Kaba Thiéba a salué le succès de la mesure sur la gratuité des soins pour les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans et annoncé l’opérationnalisation de l’Assurance maladie universelle (AMU), récemment adoptée en conseil des ministres et qui devrait dans un premier temps concerner les travailleurs du secteur formel, puis tous les Burkinabè sur le long terme.
Pour Paul Kaba Thiéba, la pauvreté serait une des causes du terrorisme qui sévit particulièrement dans la partie nord du pays. D’où, la décision du gouvernement d’injecter 445 milliards de F CFA sur quatre ans dans un Plan d’urgence du Sahel (PUS), dans le but de "réduire considérablement la vulnérabilité des populations à l’extrémisme violent provoqué notamment par des discours religieux radicaux".
Le discours du premier ministre intervient dans un contexte social pour le moins agité avec des revendications syndicales dans le secteur financier, un peu plus de deux mois après l’accord de sortie de crise avec les enseignants. Le gouvernement souhaite apporter des réponses à ces revendications, non plus au cas par cas, mais par la mise à plat du système des rémunérations.
La conférence sur les rémunérations lancée le 28 février vise deux objectifs, a rappelé le premier ministre : premièrement, réduire les dépenses courantes, notamment le poids de la masse salariale dans le budget de l’état, qui est passé en valeur « de 332,34 milliards de F CFA en 2012 à 618 milliards en 2017", soit une variation de près de 86%, pendant que, « sur la même période, la richesse nationale en termes réels mesurée par le PIB réel n’a augmenté en moyenne que de 5,4% par an ». Pour le premier ministre, le Burkina vit au-dessus de ses moyens et l’augmentation des dépenses courantes devient non seulement insoutenable, mais surtout « réduit la compétitivité de l’économie nationale tout en privant l’Etat des ressources nécessaires au financement propre des investissements prévus dans le PNDES ».
Deuxièmement, la conférence nationale vise à instaurer l’équité dans la fonction publique en réduisant la disparité des traitements des fonctionnaires, résultant des statuts autonomes dont bénéficient certains corps de métiers.

A propos de la justice, on apprend du chef de l’exécutif que désormais, « les décisions de justice sont élaborées avec plus de célérité » avec une réduction « des délais de traitements des dossiers ». Le gouvernement entend rapprocher davantage le citoyen de la justice en réduisant la distance entre lui et le siège d’un Tribunal de grande instance. D’où le lancement des « travaux de construction du Tribunal de grande instance et de la Maison d’arrêt et de correction de Pô, de même que ceux du TGI de Ouagadougou ». L’équité dans l’accès aux services de justice passe également par la mise en place d’un fonds d’assistance judiciaire au profit des personnes indigentes et doté d’un budget de 170 millions de F CFA en 2017 contre 100 millions en 2016. Un effort qui « a permis d’enregistrer 239 nouveaux assistés contre 69 une année
plus tôt ».
La participation citoyenne à la gestion de la chose publique passe d’abord par l’accès à l’information. Pour ce faire, la couverture de l’ensemble du territoire par la télé et la radio nationale devient un impératif. Le lancement de la télévision numérique de terre (TNT), la mise en onde de la radio rurale et l’élaboration du plan stratégique de communication participent de la volonté de faciliter l’accès à l’information à tous. Résultat, le taux de couverture radiophonique est passé de 75,5% en 2016 à 83,8% en 2017, selon le premier ministre.
Relativement à la situation alimentaire, il a souligné que la campagne agricole 2017/2018 a été marquée par des poches de sécheresse parfois prolongées dans plusieurs régions du pays et par des attaques de chenilles légionnaires et d’oiseaux granivores, notamment dans les régions du Sahel, de l’Est et dans la vallée du Sourou.
La production agricole en a donc subi un coup, n’atteignant que quelques à 4 063 198 tonnes, soit une baisse de 11% comparativement à la campagne passée.
Le bilan céréalier définitif fait ressortir un déficit brut global estimé à 477 448 tonnes, a révélé le premier ministre avec :

 22 provinces déficitaires (Kadiogo, Kourwéogo, Sanmatenga, Boulkiemdé, Passoré, Bam, Oubritenga, Zondoma, Gnagna, Komondjoari, Namentenga, Yatenga, Kouritenga, Sanguié, Boulgou, Bazèga, Poni, Soum, Koulpélogo, Comoé, Oudalan, Séno) ;

 8 provinces en équilibre : (Houet, Gourma, Ganzourgou, Yagha, Tapoa, Loroum, Noumbiel, Nayala) ;

 15 provinces excédentaires (Zoundwéogo, Sourou, Bougouriba, Banwa, Ioba, Kompienga, Ziro, Balé, Nahouri, Léraba, Mouhoun, Kossi, Sissili, Tuy, Kénédougou).

Dans le détail, on apprend que 14 provinces sont en « stress » alimentaire (Oudalan, Seno, Sanmatenga, Bam, Loroum, Yatenga, Zondoma, Passoré, Oubritenga, Bazega, Sanguié, Ioba, Poni et Tapoa ; 6 provinces en crises alimentaires (Soum, Namentenga, Gnagna, Komandjoari, Boulkiemdé, Kourwéogo ; 8 provinces qui seront en « crise » alimentaire, (Oubritenga, Namentenga, Gnagna, Komandjoari, Boulkiemdé, Kourwéogo, Oudalan et Soum.

Pour tenter de limiter les dégâts qui s’annoncent dans les mois à venir, le gouvernement se concerte avec ses partenaires internationaux. Ainsi, un plan de réponse et de soutien aux populations vulnérables a été élaboré et doté d’une enveloppe d’un montant « de plus de 68 milliards de Francs CFA devant permettre de soutenir plus de 2,6 millions de personnes exposées à l’insécurité alimentaire sous stress, plus de 900 milles personnes exposées à une crise alimentaire. Ce plan couvrira 83 communes à risque d’insécurité alimentaire », à quoi s’ajoute l’augmentation du nombre de boutiques témoin qui passe 138 à 250, celui du stock céréalier national de sécurité à 41 799,7 tonnes et l’acquisition de plus de 22 000 tonnes de céréales au profit du stock d’intervention dont les livraisons sont en cours.
Mines, culture et tourisme, infrastructures routières, énergies, logement, Genre, éducation et formation professionnelle, etc., Paul Kaba Thiéba a défendu les résultats obtenus par son gouvernement dans tous ces secteurs avant de se soumettre aux questions des députés.

Joachim Vokouma
Kaceto.net