L’Américain Dewayne « Lee » Johnson vient de remporter une bataille. Malgré son cancer en phase terminale, il a mené une lutte acharnée contre le géant de l’agrochimie, qui a finalement été condamné ce samedi à payer 289 millions de dollars de dommages (plus de 250 millions d’euros) pour ne pas avoir informé de la dangerosité de son herbicide Roundup.

Dewayne Johnson était « responsable de la lutte contre les nuisibles » animaux et végétaux sur les terrains scolaires de Benicia, une petite ville de Californie, au nord-ouest de San Francisco. « J’aimais beaucoup mon travail, j’étais très sérieux », dit-il fin juillet, devant le tribunal de San Francisco. D’une voix grave et puissante, il explique fièrement avoir appris son métier sur le tas. L’assistance sourit quand il raconte avoir fait déguerpir « 30 putois, 25 ratons laveurs et… 1 écureuil » des cours d’école.

Les nuisibles, c’était aussi les mauvaises herbes. A éliminer au Roundup, puis au RangerPro, une version plus puissante du désherbant. Depuis 2012, Dewayne Johnson utilisait ces produits contenant du glyphosate, une substance soupçonnée d’être cancérigène. Un danger fermement nié par Monsanto.

Aspergé à deux reprises

Pourtant, en 2014, ce père de deux garçons de 10 et 13 ans, qui « écrit » et « fait de la musique », a été diagnostiqué d’un lymphome non hodgkinien, un cancer incurable du système lymphatique. Les médecins ne lui donnent pas plus de deux ans à vivre.

L’Afro-américain n’avait pas de problème de santé auparavant. Il n’avait aucune idée des controverses sur le glyphosate, et a commencé à s’inquiéter quand des marques sont apparues sur sa peau. S’il avait su que les produits qu’il utilisait étaient peut-être dangereux, il n’aurait « jamais vaporisé du RangerPro dans des écoles ou où que ce soit », assure-t-il.

A deux reprises, Dewayne Johnson a été aspergé de RangerPro et ses vêtements trempés à la suite de dysfonctionnements des vaporisateurs : « Après la deuxième fois j’ai paniqué », raconte-t-il, se remémorant de « la situation incontrôlable sur (sa) peau » où se multipliaient des lésions très douloureuses. Dans ce procès aux allures de combat de David contre Goliath, le jardinier raconte avoir eu « un pressentiment […]. Je me suis dit que ça pouvait être une raison possible à ma maladie ».

Vie gâchée

Dewayne Johnson reste pudique dans sa douleur mais concède : « J’ai beaucoup pleuré ». La série de séances de chimiothérapie l’a « rendu fou ».

Le glyphosate a gâché la vie de cet homme décrit comme « sexy », « heureux » par sa femme Araceli. D’une voix faible, elle revient sur leurs « dîners », leurs « promenades » en amoureux et raconte à quel point « sa priorité, ce sont ses fils, qu’ils aillent bien ». Aujourd’hui, il ne peut plus travailler. Et pour payer les factures, Araceli cumule deux métiers : dans une école et dans une maison de retraite.

Le jardinier est l’un des rares particuliers dans le monde à être parvenu à mettre Monsanto sur le banc des accusés. S’il est le premier à voir son cas autour du glyphosate arriver jusqu’au tribunal, c’est parce que la loi californienne oblige la justice à organiser un procès avant le décès du plaignant.

Face à la décision de Monsanto de faire appel, Robert F. Kennedy Jr, membre de l’équipe d’avocats rassemblée autour de Dewayne « Lee » Johnson, compte demander à ce que l’appel soit traité en urgence compte tenu de l’état de santé de son client. « Je sais que je ne vais pas aller mieux », avoue Dewayne Johnson. Il promet néanmoins de « se battre jusqu’à son dernier souffle ».

Le Parisien/AFP