En réaction au communiqué publié par l’Ordre des architectes du Burkina (OAB) et à l’interview accordée par son président, Fabien Ouédraogo à Kaceto.net, (https://kaceto.net/spip.php?article5332) dans lesquels, l’OAB informait les étudiants et les parents d’élèves qu’il ne reconnaissait pas les écoles et établissements dispensant des enseignements en architecture au Burkina, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation (MESRSI) a publié le 12 septembre dernier un communiqué en guise de mise au point.
Dans le communiqué, il a rappelé qu’il « est la seule structure qualifiée pour autoriser l’ouverture d’une filière de formation dans l’enseignement supérieur ».
Une mise au point qui n’en est pas une et qui ressemble surtout à une fuite à avant.

Va-t-on continuer à dispenser des cours en architecture dans les établissements d’enseignement supérieur privés oui ou non ? La question taraude les parents et les élèves-étudiants à quelques jours de la rentrée académique 2018-2019. Le dialogue de sourds qui s’est installé entre le MESRSI et l’Ordre des architectes du Burkina (OAB) quant à la qualité des enseignements dispensés dans quelques établissements privés n’est pas pour les rassurer.
Rappel des faits.
En juillet dernier, l’OAB publie un communiqué dans les médias dans lequel il informe les étudiants qu’aucun établissement ne remplit les conditions pour dispenser une formation en architecture au Burkina. Par conséquent, l’Ordre refuse de recevoir en stage les étudiants issus des établissements qui prétendent offrir une formation en architecture.
Emoi et colère parmi les promoteurs d’établissements privés qui ont créé une filière « Architecture » où sont inscrits une dizaine d’étudiants. Pour parler trivialement, l’Ordre vient de jeter une pelletée de sable dans leur bassine d’attiéké.
Dans les jours qui suivent la publication du communiqué, l’Ordre est assailli par de coups de téléphone d’étudiants et de parents qui, anxieux, veulent comprendre. Comment diable, ose-t-on aujourd’hui leur dire qu’aucun établissement ne remplit les critères pour dispenser des enseignements en architecture alors qu’ils payent depuis des années et suivent des cours ?
Le 19 août, le président de l’Ordre des architectes enfoncent le clou dans une interview qu’il nous a accordée. Un établissement qui réunit les conditions humaines et en équipements pour dispenser un enseignement en architecture au Burkina, « ça n’existe pas ! », tranche-t-il. Le message est clair, l’OAB ne badine pas et n’entend pas assister bras croisés au bradage de la formation dans un domaine où il n’y a pas de place pour les élèves de niveau moyen. Une exigence qui met les promoteurs d’établissements privés, notamment Aube nouvelle et l’Ecole supérieure des travaux publics de Ouagadougou (ESTPO) dans une situation pour le moins délicate. Ces derniers vont réagir en mettant la pression sur le ministère de l’Enseignement supérieur, qui finit par convoquer une réunion le 31 août dernier à laquelle sont conviés l’Ordre des architectes et les deux établissements cités. L’ordre du jour porte essentiellement sur les déclarations de l’OAB et son refus de reconnaître les formations dispensées en architecture. Une rencontre qui s’est déroulée dans un climat plus que tendu. « Le président de l’OAB a passé un mauvais quart d’heure ; c’était des tirs groupés sur lui », confie, un cadre du ministère. Fabien Ouédraogo est sommé de s’expliquer sur ces déclarations « en l’emporte-pièce » et dire de quel droit se prévaut-il pour choisir les établissements qui sont autorisés à dispenser des enseignements en architecture. Mieux, l’Ordre des architectes est gentiment invité à publier un communiqué pour désavouer son président qui se prend pour ce qu’il n’est pas.
Dans son communiqué publié le 12 septembre, (http://kaceto.net/spip.php?article5444), le MESRSI a rappelé qu’il était « le garant de la définition des filières de formations et de contrôle de la qualité des formations dispensées dans toutes les institutions d’enseignement supérieur du Burkina Faso », que lui seul « est qualifié pour autoriser l’ouverture d’une filière de formation dans l’enseignement supérieur », avant d’inviter chacun de ses partenaires à bien comprendre son rôle « dans les limites de ses compétences ».

En vérité, le MESRSI élude le débat et son communiqué est une fuite en avant. « L’Ordre des architectes n’a jamais prétendu que l’autorisation d’ouverture d’établissement supérieur relevait de lui. C’est une prérogative du gouvernement et il n’y a pas de débats dessus », explique le président de l’OAB. « En revanche, poursuit-il, nous disons que ce qui est donné à voir dans les établissements n’est pas pour nous digne d’un enseignement en architecture. Dans les curricula, on devrait avoir des cours en histoire de l’architecture, histoire de l’art, la sociologie, la philosophie, etc., ce qui n’est pas le cas ».
Ce n’est pas le seul point de désaccord entre l’OAB et le ministère. Pour le premier, la formation en architecture doit durer au moins cinq ans et il n’y pas de diplôme intermédiaire. On est architecte ou pas, alors que le ministère considère qu’il est possible de former des techniciens en architecture en trois ans.
Sur ces deux points de désaccord, la position du MESRSI semble plus que fragile au regard des textes de l’UEMOA. Adoptée en 2013, une directive de l’organisation sous régionale sur le sujet se veut claire comme l’eau de roche. L’article 15 stipule que « la formation d’architecte comprend, au moins cinq années d’études à temps plein, en architecture après le baccalauréat, dans une université ou une grande école d’architecture reconnue par les Etats membres ». Sur la reconnaissance du diplôme, la même directive indique que « cette formation doit être sanctionnée par l’obtention du diplôme d’architecte reconnu par les Etats membres, les Ordres nationaux et le CAMES ».
Autrement dit, la formation de technicien en architecture en trois ans n’est pas prévue par la directive, et pour être valable, le diplôme ne peut être obtenu qu’après au moins cinq (5) d’études théoriques et pratiques et doit être reconnu par les Etats membres, les ordres nationaux et le CAMES. La reconnaissance du diplôme d’architecte par les trois entités est la seule garantie de sa validité dans l’espace UEMOA.
A quelques jours de la rentrée, les deux parties gagneraient à nouer un dialogue sincère pour mettre fin à cette guéguerre dont les seuls victimes sont les étudiants et leurs parents qui font actuellement le siège des banques pour obtenir des prêts et s’acquitter de leur devoir.

Joachim Vokouma
Kaceto.net