Parfois, un rêve peut être trouvé sur le chemin d’un autre. Pour le Béninois Josh Sounou, qui a découvert sa vocation de réalisateur de films alors qu’il espérait devenir ingénieur du son, tout a failli tourner au cauchemar... Gros plan sur le jeune réalisateur qui tente de faire des étincelles et qui semble bien y parvenir.

Cette semaine, au Bénin, les réseaux sociaux se sont enthousiasmés pour une vidéo de 4 minutes. Il s’agit d’une bande-annonce, pas celle d’un blockbuster hollywoodien, ni celle d’un film d’auteur réalisé par un réalisateur célèbre. Il s’agit d’ « Adan Kanlin » (colère bestiale), le tout premier film de Josh Sounou, un jeune réalisateur béninois de 25 ans.
Le teaser, devenu viral, de son film le fera inviter au journal de 20h de l’ORTB, la chaîne de télévision nationale. L’occasion pour tout un peuple de découvrir ce réalisateur autodidacte qui semble parti pour jouer les premiers rôles dans l’industrie du cinéma africain.
Peut-être qu’un jour prochain, sur les tapis rouges de Cannes, sous les flashs des photographes ponctuant chacun de ses pas, Josh Sounou, aura-t-il oublié la sensation d’impuissance procurée par un montage réalisé avec un ordinateur de fortune, ou encore la course aux fonds nécessaires pour la réalisation d’une scène conçue dans son esprit, mais dont son compte en banque ne peut financer la matérialisation. Ou alors, Josh Sounou se rappellera-t-il, avant de laisser un sourire illuminer son visage, que sa réussite, il la doit d’abord à un échec. Celui de sa carrière en ingénierie du son. « Au début je voulais être ingénieur du son, je voulais faire de la musique », nous explique le jeune réalisateur, dans les locaux de l’Agence Ecofin à Cotonou.
« Je suis né le 12 mars 1993, à Savè (ndlr : une commune du centre du Bénin). Après avoir obtenu mon Baccalauréat scientifique, je décide de m’inscrire à l’Institut supérieur des métiers de l’audiovisuel (ISMA) pour faire des études d’ingénieur son », raconte Josh Sounou. Seulement, un twist va se glisser dans le scénario prévu par le jeune Béninois.

Au bout de quelques mois de cours, il se rend compte qu’il n’est pas inscrit au bon endroit pour réaliser ses rêves de studios d’enregistrement. En fait, les cours qu’il suit permettent de former des ingénieurs du son pour le cinéma. « En gros, il s’agissait de faire carrière en tenant une perche et à traiter le son ». Pour la première fois, le futur réalisateur contemple l’échec, en plan rapproché.
Heureusement, la vie lui tendra une autre perche, pour qu’il puisse exprimer sa créativité d’une autre manière. « Pendant les cours, nous avons parlé de réalisation et surtout d’effets spéciaux. Le sujet m’a tellement intéressé, qu’à la fin de l’année j’ai décidé de réaliser des films ». Problème, les études de réalisateur sont trop chères pour lui. Pas de quoi en faire une tragédie. Grâce à internet, Josh Sounou se forme à coup de tutos. « C’était dur avec la connexion internet de l’époque d’accéder à des cours vidéo de qualité. En plus, certains étaient payants », se rappelle-t-il. Il se procure le logiciel « Adobe After Effects », permettant de réaliser des effets spéciaux. Il se forme et commence à publier de petites séquences de ses films sur les réseaux sociaux. De plus en plus à l’aise avec son logiciel de montage et une caméra offerte par son père, il commence par tourner de petites séquences qu’il signe de sa marque : Ex Nihilo Digital. Prémonitoire quand on sait qu’il a tourné un film à partir de presque rien.

Enfin d’année 2017, une vidéo de Josh Sounou va attirer l’attention des internautes (https://www.youtube.com/watch?v=pq9jXT4HIOY). « Il s’agit d’une séquence où on voit un voleur se faire poursuivre par la population d’une région rurale. Je l’avais tournée depuis 4 ans pour un projet de long métrage qui n’est finalement pas allé à son terme, par manque de moyens », nous confie le réalisateur.
Josh Sounou décide alors de réaliser des courts métrages, beaucoup moins contraignants financièrement. Il décide de tourner un court métrage sur la délinquance. L’un est censé raconter l’histoire de Gérard, un habitant d’un quartier terrorisé par des voleurs et autres criminels. Exaspéré, Gérard les dénonce à la police qui vient en arrêter quelques-uns. Le court-métrage est alors censé s’arrêter sur une scène où les criminels, oubliés par la police poursuivent Gérard, qui se réfugie chez lui, pendant que ses assaillants décident d’attendre qu’il finisse par sortir. Un problème viendra changer les plans du réalisateur. « La personne qui nous laissait sa maison pour tourner le court métrage n’était plus disposée à le faire. Il a donc fallu modifier le scenario pour inclure d’autres scènes, d’autres plans, avant de former les acteurs ». C’est ainsi que nait Adan Kanlin, le film dont la bande-annonce enflamme la toile béninoise grâce à ses courses poursuites et ses scènes d’action dignes d’être vues dans les salles les plus prestigieuses de la région.
Autre particularité du film, il est en fon, la langue véhiculaire la plus parlée au Bénin. Pour lui, il est important de montrer qu’on peut faire de bons films, au Bénin, dans nos langues et avec les moyens disponibles. « Ce que j’essaie de faire, malgré mes maigres moyens, c’est de faire du cinéma différemment de ce qu’on a l’habitude de produire ici. Parce que le cinéma béninois s’enlise de jours en jours dans quelque chose qui ressemble de moins à moins à une industrie. Nous avons des films dont les acteurs principaux sont à la fois scénaristes, producteurs et distributeurs ».
Le film, initialement financé par des fonds apportés par le réalisateur et les acteurs, sera finalement produit par Dhelili Film, une entreprise habituellement active dans la réalisation de clips vidéo. « Ils ont fourni l’ordinateur que j’ai utilisé pour le montage et d’autres équipements », explique Josh Sounou. Pour le moment, le réalisateur cherche un moyen de faire diffuser son film dans les salles de cinéma du pays.

Alors qu’Adan Kanlin est annoncé pour décembre prochain, un long parcours attend Josh Sounou pour arriver à ses fins, dans un pays qui avait, jusqu’à récemment, perdu l’habitude des salles de cinéma. Mais pour y parvenir, pas question de reculer sur les valeurs du film que son réalisateur ne souhaite pas doubler dans une autre langue, pour le moment. « Il sort d’abord pour le public béninois, en Fon. Après nous
verrons ».

Si Adan Kanlin atteint son objectif, Josh Sounou gagnera peut-être de quoi financer ses autres projets, mais également de quoi réveiller une industrie cinématographique béninoise à l’agonie.

ECOFIN