Il y a plus de 15 ans, le 11 juillet 2003, l’Union africaine (UA) adoptait le « Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique ». Son but, combattre les inégalités hommes-femmes. Bien que plusieurs pays l’aient ratifié, le texte réglementaire n’a pas vraiment fait avancer l’autonomisation socio-économique des femmes en Afrique.

Dans les données statistiques 2018 de son rapport sur le développement humain, le PNUD classe la majorité des pays d’Afrique parmi les mauvais élèves en matière d’égalité homme-femmes. Segmenté en quatre niveaux- très haut, haut, moyen et faible, le rapport range neuf pays dans le niveau moyen tandis que seuls six pays figurent dans le haut niveau. Aucun pays ne figure par contre dans le très haut niveau.

Parmi les cinq continents, l’Afrique est également celui où les femmes peinent encore le plus à faire valoir leurs droits. Pourtant, comme les autres, il est partie prenante de presque toutes les conventions de protection et de promotion des droits des femmes. C’est d’ailleurs conscient de cette situation qui doit changer le plus rapidement possible que l’Union Africaine (UA) et l’Union-Européenne (UE) ont organisé une réunion de haut niveau sur le thème : « Les femmes au pouvoir » le 30 juin 2018.
Lors de cette rencontre qui s’est tenue en marge du 31ème sommet de l’Union africaine tenu du 1er au 02 juillet dernier à Nouakchott, en Mauritanie, Paul Kagamé, le président de l’UA a déclaré que « les femmes ont davantage à offrir lorsqu’elles jouissent pleinement de leurs droits. Néanmoins, lorsque les hommes et les femmes travaillent ensemble en utilisant leurs talents au maximum, l’effet ne correspond pas à une simple addition, il est multiplié. Toute la société en bénéficie. La valeur qui en résulte est effectivement largement supérieure à la somme des parties ».
D’après l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, les sciences et la culture (Unesco), le meilleur moyen pour protéger le droit des femmes et donner au continent plus de chance d’atteindre ses objectifs de croissance c’est l’amélioration de l’accès des jeunes filles à l’éducation. Les pays africains, en donnant aux femmes l’accès aux connaissances, c’est-à-dire en brisant le système de pensée restrictif héritée des us et coutumes, feront des femmes des actrices du changement et non plus des victimes qu’il faut protéger. Selon les Nations Unies, une fille instruite se mariera plus tard, aura moins d’enfants, se nourrira mieux, aura un emploi mieux rémunéré et participera davantage à la prise de décisions dans le domaine familial, social, économique et politique.

En 2015, l’Unesco révélait qu’un faible nombre de pays avait atteint la parité filles-garçons dans l’éducation en Afrique. Sur 54 nations, 36% avait atteint la parité au primaire, 26% au premier cycle du secondaire, 9% au second cycle du secondaire et aucun au supérieur. Bien que ces chiffres semblent inquiétants, il faut tout de même souligner que c’est mieux comparé au passé.

Des pays comme le Maroc, l’Afrique du Sud, le Cap-Vert, la Tunisie, Maurice, le Rwanda, le Ghana, le Botswana figurent parmi ceux qui affichent déjà un taux de scolarisation des filles au primaire, au secondaire et au supérieur, encouragent voire satisfaisant.
D’après Friederike Röder, directrice France de ONE, une ONG membre de la coalition pour l’éducation, « il faut saluer les progrès réalisés dans l’accès des filles à l’enseignement primaire sur le continent africain. C’est particulièrement vrai dans les dix dernières années, et ce mouvement a été porté par les objectifs du millénaire définis par l’ONU en 2000 pour délivrer une éducation primaire universelle. Le défi est maintenant l’enseignement secondaire. Les statistiques montrent que les filles sont 15 % moins nombreuses que les garçons à suivre les trois dernières classes du secondaire. Des études ont prouvé que les pays pauvres pourraient, dans leur ensemble, être chaque jour plus riche de 240 millions d’euros, s’ils arrivaient à scolariser les filles comme les garçons. Les filles qui n’ont pas accès à l’éducation ont aussi moins accès à des soins et ne peuvent pas trouver un emploi de qualité ».

Pour que les choses bougent en Afrique, les gouvernements doivent davantage s’impliquer. Ils doivent prendre les mesures qui s’imposent pour l’éducation de la jeune fille. Il en va de leur propre croissance future. Le Niger par exemple qui figurait encore en 2017 parmi les dix pays où l’accès des filles à l’éducation demeure le plus faible au monde, selon le rapport de l’ONG ONE, a décidé de se débarrasser de cette mauvaise réputation. Face aux discours international de plus en plus orienté vers les femmes, le gouvernement du pays où seulement 17% des filles et des femmes âgées de 15 à 24 ans savent lire et écrire, a adopté un décret portant sur « la protection, le soutien et l’accompagnement de la jeune fille en cours de scolarité ». A travers ce texte, l’Etat nigérien s’engage, entre autres, à mettre en place des programmes d’alphabétisation et d’autonomisation des filles et femmes non scolarisées ou déscolarisées ; à fournir une assistance aux parents ou aux autres personnes ayant la charge de la jeune fille scolarisée ; à créer des structures de veille, d’écoute et de soutien, ainsi que des dispositifs en faveur des jeunes filles en décrochage scolaire. En s’engageant à éduquer ses filles, la Banque mondiale estime que le Niger a réalisé un investissement judicieux pour son futur.

En Afrique, sur une population totale estimée à 1,071 milliard d’individus, les femmes représentent près de la moitié. Soit 497 millions de femmes pour 574 millions d’hommes. Cette population féminine est considérée comme un formidable potentiel économique latent. Bien formées, elle pourrait représenter une main-d’œuvre essentielle pour le continent, des millions d’idées innovantes dans divers secteurs d’activités, une source de richesse gigantesque. Dans son rapport intitulé : « Promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes en Afrique », publié en 2016, le PNUD révélait que les inégalités entre les sexes coûtent en moyenne 95 milliards de dollars US par an à l’Afrique subsaharienne, culminant à 105 milliards de dollars US en 2014, soit 6% du PIB continental.
D’après la Banque Mondiale, l’Afrique recense, après l’Asie, le second plus fort taux de participation des femmes à la vie active mais elles sont aussi le segment de la population le plus sujet aux emplois précaires. L’institution financière internationale souligne que les femmes africaines travaillent bien souvent plus que les hommes et assument en plus la plupart des tâches ménagères. Dans les zones rurales, les femmes sont surreprésentées parmi les travailleurs familiaux contributeurs dans le secteur agricole, parfois sur des terres qu’elles ne possèdent pas et pour des bénéfices économiques dérisoires.
Dans les zones urbaines, elles femmes sont en majorité des travailleurs autonomes, principalement dans le secteur informel où leur performance de croissance est faible. Leur donner les moyens de développer leurs activités et d’acquérir une indépendance financière serait, selon la Banque Mondiale, le meilleur moyen de les aider et d’aider l’Afrique à combattre la pauvreté.

Le 27 août 2016, à l’ouverture de la 6ème édition de la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD) tenue à Nairobi, Helen Clark, l’ancienne administratrice du PNUD soulignait que « si les disparités entre les sexes peuvent être comblées sur les marchés du travail, l’éducation, la santé et d’autres domaines, l’éradication de la pauvreté et de la faim peut être accélérée ».

ECOFIN