Trois panélistes ont dénoncé, jeudi à Ouagadougou, au cours d’une conférence en hommage à Norbert Zongo, journaliste d’investigation assassiné il y a 20 ans, l’incivisme de la classe dirigeante depuis l’avènement au pouvoir du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP).

Pour commémorer les 20 ans de l’assassinat du journaliste d’investigation Norbert Zongo (13 décembre 1998-13 décembre 2018), le balai citoyen (organisation de la société civile) a organisé jeudi à Ouagadougou, un panel sous le thème : « Lutte contre l’incivisme au sommet de l’Etat : Norbert Zongo, un exemple de combat d’hier à aujourd’hui ».

Les participants au panel
Deux professeurs d’universités, Mahamadé Savadogo et Etienne Traoré et un journaliste d’investigation, Ladji Bama, ont, tour à tour, épluché le sujet.

Selon le professeur Mahamadé Savadogo, « l’incivisme de la classe dirigeante se manifeste d’une façon particulièrement sensible sur le terrain des moyens de la collecte des ressources notamment financières ».

« Cet incivisme se retrouve sur le terrain des impôts, des frais de douane et également de la fuite des capitaux. Le non-paiement ou la sous-estimation des impôts ou des frais de douane est un phénomène important dans beaucoup de sociétés particulièrement dans notre pays », a-t-il affirmé.

Il en veut pour preuve le cas de l’opérateur téléphonique l’ONATEL TELMOB.

« L’ONATEL TELMOB devait 11 milliards FCFA de frais de douane à l’Etat burkinabè. Le Réseau national de lutte anti-corruption (REN LAC) a soulevé le problème en 2016, mais finalement, il y a eu des arrangements et je crois savoir que la somme payée est largement en deçà de celle qui est due », a-t-il déploré.

Les panélistes
L’autre exemple, selon le Pr Savadogo, c’est « le cas des sociétés minières qui refusent jusque-là de payer les taxes du fond sur le développement local qui a été voté depuis le CNT (Conseil national de la Transition, l’Assemblée nationale, sous la Transition) et qui devait permettre aux collectivités locales d’avoir des ressources pour initier des projets en faveur des citoyens ».

Face à ces exemples, le journaliste d’investigation Ladji Bama, estime que l’actuel parti au pouvoir, le MPP, a trahi le peuple qui avait placé beaucoup d’espoir sur lui.

« Le MPP est aujourd’hui, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) réincarné. Il y a eu des semblants de changement qui ne sont pas allés dans le bon sens », a-t-il fait observer.

Selon ses dires, « il y avait des pillages sous le CDP, mais on pillait avec un peu de respect pour les institutions de la république », mais estime qu’aujourd’hui, le pillage est encore plus grave.

Il a expliqué qu’à son arrivée au pouvoir en fin 2015, le premier marché du MPP a été attribué à une entreprise française.

Une attribution qui de son avis, a été contesté par des concurrents de l’entreprise française qui ont saisi l’Autorité de régulation de la commande publique (ARCOP) qui leur a donné raison et demandé la reprise de l’appel d’offre.

Cependant, à la grande surprise desdits concurrents, l’attribution à l’entreprise française a été confirmée par le conseil des ministres et l’accord avec l’entreprise française a été signé par le ministre des Transports.

Pour le Pr Etienne Traoré, il y a actuellement le phénomène de banalisation de la corruption. « Depuis que (le président) Roch (Kaboré) est là, il n’a pas puni quelqu’un qui s’est fait corrompre », a-t-il déploré.

Cela a pour conséquence, selon lui, « l’absence de développement du pays ». Il a donc invité à récompenser tous les actes anti-corruption.

Le journaliste d’investigation Norbert Zongo a été assassiné le 13 décembre 1998 avec trois de ses compagnons d’infortune alors qu’il enquêtait sur la mort mystérieuse de David Ouédraogo, chauffeur de François Compaoré (petit frère de l’ancien président Blaise Compaoré).

Le 5 décembre dernier, la justice française a rendu un avis favorable à la demande d’extradition du mis en cause (François Compaoré) au Burkina Faso, mais celui-ci s’est immédiatement pourvu en cassation.

Agence d’information du Burkina