Chers lecteurs de Kaceto.net, grande est ma joie de reprendre le fil de cette rubrique après quelques jours de vacances !

S’il y a un secteur économique doté d’un fort potentiel de croissance économique et de création d’emplois locaux en Afrique, c’est bien celui du tourisme. Voilà un continent qui possède de grandes plages, une faune et une flore variées, de nombreuses attractions culturelles et naturelles, et un potentiel d’aventures riches en émotions. Les possibilités de développement de ce secteur (safaris, plages, affaires, diaspora, mais aussi écotourisme, tourisme d’aventure, tourisme culturel, tourisme axé sur la santé et le bien-être…) sont énormes. Et pourtant, un rapport (2015) de la Banque Africaine de Développement (BAD) révèle que l’Afrique n’engrange que 5,8% des arrivées touristiques et 3,5% des recettes touristiques à l’échelle mondiale.

Plusieurs facteurs expliquent la faiblesse du secteur touristique africain : il y a des problèmes relatifs à l’accès aux terres, à l’accès des investisseurs aux crédits, aux taxes sur les investissements touristiques, aux faibles compétences touristiques, à la faible pratique du tourisme chez les Africains eux-mêmes (« partir en vacances » n’est pas encore une pratique ancrée dans les habitudes, y compris chez les classes moyennes), à la volonté politique pour s’y investir de façon déterminée et durable, etc. Mais il y a, et c’est ce sur quoi va porter mon analyse, la question de l’impact négatif des crises sanitaires, sécuritaires, sociopolitiques qui secouent l’Afrique, et qui font régulièrement la « Une » des médias occidentaux notamment.

Question opératoire : dans les titres de publications sur Internet concernant les pays africains et couvrant la décennie 2006-2015, quelle est la configuration de l’évocation conjointe des questions de « tourisme, de voyages et de loisirs » et des questions relatives aux « tensions, crises et insécurité » ?

Comme d’habitude, je ne m’étendrai pas ici sur les méthodes et techniques de recueil et d’analyse des données. Sachez simplement que des données pertinentes et significatives ont été constituées autour de 44 pays africains : 12 pays d’Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Ghana, Guinée Conakry, Mali, Mauritanie, Niger, Nigéria, Sénégal et Togo) ; 11 pays d’Afrique de l’Est (Burundi, Djibouti, Ethiopie, Kenya, Madagascar, Maurice, Ouganda, Rwanda, Seychelles, Somalie et Soudan) ; 9 pays d’Afrique Australe (Afrique du Sud, Angola, Botswana, Comores, Mozambique, Namibie, Tanzanie, Zambie et Zimbabwe) ; 7 pays d’Afrique Centrale (Cameroun, Centrafrique, Congo Brazza, Congo Kinshasa, Gabon, Guinée Equatoriale et Tchad) ; et enfin, 5 pays d’Afrique du Nord (Algérie, Egypte, Lybie, Maroc et Tunisie).

Le premier graphique issu de mes analyses du contenu sémantique des données textuelles des 44 pays africains montre qu’il y a une corrélation négative significative (statistiquement vérifiable, mais passons…) entre l’évocation de la thématique « tourisme, voyages et loisirs » et les celle de « tensions, crises diverses et insécurité ». Il est donc bien confirmé que crises, insécurité, instabilité et tourisme ne font pas bon ménage.
Plus précisément, sur la décennie 2006-2015, le Web francophone centré sur l’Afrique de façon générale a fait de moins en moins de place à la thématique du « Tourisme, Voyages, Loisirs » (indicateur « ITVL » sur le graphique) et de plus en plus de place à la thématique des « Tensions, crises et Insécurité » (indicateur « ITCI » sur le graphique). Terrible !

Le deuxième graphique présente l’évolution sur la décennie 2006-2015 de la « tendance-impact » de la thématique « Tourisme, Voyages, Loisirs » par rapport à la celle des « Tensions, Crises et Insécurité » pour les cinq régions africaines : la « tendance-impact » en « Tourisme, Voyages et Loisirs » pour une région s’obtient en divisant la différence de son taux moyen de l’indicateur « ITVL » et de son indicateur « ITCI » par la somme des deux mêmes taux. Le tout est multiplié par 100 afin d’obtenir une échelle allant de -100 à +100. En gros, cela donne : Tendance-impact en TVL = (ITVL-ITCI)/(ITVL+ITCI)*100. J’espère avoir été clair. Que nous révèle ce deuxième graphique ?

1. Sur toute la décennie 2006-2015, l’Afrique Australe a été la région africaine qui a mieux impacté en matière de « tourisme, voyages et loisirs ». Elle est restée au vert et dominante si j’ose dire, même si la tendance générale est à la baisse. Normal… seuls le Zimbabwe (en 2011 et en 2013) et l’Afrique du Sud (en 2012) ont connu quelques épisodes de vives tensions.
2. En revanche, l’Afrique Centrale a été la moins séduisante de ce point de vue. Elle est restée la tête sous l’eau tout au long de la décennie. Est-il besoin de rappeler que des crises sécuritaires et sociopolitiques secouent cette partie de l’Afrique depuis fort longtemps : guerres en Centrafrique (heureusement maîtrisée), au Congo Kinshasa (avec écho au Rwanda), Boko Haram au Tchad et au Cameroun.
3. Notons que sur la deuxième moitié de la décennie 2006-2015, l’Afrique de l’Ouest est devenue la deuxième région africaine la moins impactante en TVL. Les raisons ? Eh bien, la guerre au Mali, Boko Haram au Nigéria et au Niger, Ebola en Guinée Conakry, troubles sociopolitiques au Burkina Faso et en Côte d’ivoire…
4. Remarquons aussi que pendant la première moitié de la décennie 2006-2015, l’Afrique du Nord a été la deuxième région africaine la plus « impactante » en matière de « tourisme, voyages et loisirs ». Malheureusement, les tensions liées à ce qu’on a appelé le « printemps arabe » en Tunisie et en Egypte, la guerre civile en Lybie, les attentats terroristes ici et là sont venus assombrir le tableau par la suite.
5. Quant à l’Afrique de l’Est, on voit bien que c’est une région qui a de nombreux atouts en matière de « tourisme, voyages et loisirs » (pensons aux Îles Maurice, aux Seychelles, à Madagascar, à l’Ethiopie et au Kenya). Malheureusement, cette région a été « étouffée » par les guerres au Soudan et en Somalie, de graves crises sociopolitiques au Burundi, en Ouganda (affrontements intercommunautaires) et au Kenya, etc.

Je m’arrête là. Pour celles et ceux qui souhaitent connaître les résultats d’analyse pays par pays, bien vouloir contacter l’équipe de Kaceto.net.

Ousmane Sawadogo, Expert-Consultant en « Text Mining » et « Web Content Mining » - Kaceto.net