Ces explosions, qui visaient des lieux fréquentés par des catholiques pour Pâques et des étrangers, ont aussi fait plus de 450 blessés. Elles n’ont pas été revendiquées. Un couvre-feu a été décrété sur l’île pour une durée indéterminée.

Au moins 207 personnes ont été tuées et plus de 450 ont été blessées, dimanche 21 avril au Sri Lanka, dans une série d’attentats contre trois hôtels de luxe et trois églises, alors que les fidèles assistaient à la messe de Pâques, selon les autorités locales. Le bilan, communiqué par différentes sources policières, est provisoire et pourrait encore évoluer, car on dénombre des dizaines de blessés dans un état critique dans tous les lieux attaqués.

Une première série d’attentats a eu lieu, presque simultanément, dans la matinée :

Au moins 64 personnes ont été tuées par quatre explosions dans la capitale Colombo. Trois hôtels – le Cinnamon Grand, le Shangri-La, et le Kingsbury – ainsi que l’église catholique de Saint-Antoine, où avait lieu une messe, ont été attaqués et en partie détruits. Parmi les victimes figurent au moins 35 étrangers, dont des ressortissants indiens, turcs, portugais, néerlandais et chinois, trois Danois et au moins cinq britanniques d’après une source gouvernementale citée par l’Agence France-presse (AFP). Le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo a confirmé dans un communiqué la mort de plusieurs ressortissants des Etats-Unis.
Au moins 67 personnes ont été tuées dans l’église catholique de Saint-Sébastien de Negombo, une ville à majorité catholique au nord de Colombo.
Au moins 25 personnes ont été tuées dans l’église évangélique Zion de la ville de Batticaloa, de l’autre côté de l’île, sur la côte Est.
Quelques heures plus tard, deux autres explosions ont eu lieu, portant le total à
huit :
Au moins deux personnes ont été tuées dans une maison d’hôtes de Dehiwala, en banlieue du sud de Colombo.
Trois policiers ont été tués alors par un kamikaze qui s’est fait exploser alors qu’ils fouillaient un bâtiment à Dematagoda, une banlieue de Colombo.
Les autorités n’ont pas encore précisé le mode opératoire des attentats. Des témoins ont toutefois fait état de l’implication d’au moins deux kamikazes, dont un qui aurait enclenché sa bombe dans la file de clients d’un buffet de Pâques dans le restaurant de l’hôtel Cinnamon Grand. « Il est allé au début de la queue et s’est fait sauter », a raconté à l’AFP un employé.

Le premier ministre Ranil Wickremesinghe a annoncé que huit personnes ont été arrêtées. Il a reconnu qu’« il y avait des informations », qui « doivent faire l’objet d’une enquête », sur des risques d’attaques. Aucune revendication n’a encore été faite pour ces attaques terroristes, une vague de violence que l’île n’avait pas connue depuis la fin de la guerre civile, il y a une décennie.

L’intérieur de l’église Saint-Antoine de Colombo après l’explosion.

Un couvre-feu a été décrété sur l’ensemble de l’île pour une durée indéterminée. Celui-ci ne concernera pas les touristes, qui pourront se rendre à l’aéroport en présentant leur billet. Le ministère français des affaires étrangères a ouvert une cellule de crise, joignable au 01-43-17-51-00, et n’a pas dit si des Français figuraient parmi les victimes.

Le gouvernement sri-lankais a pris la décision de bloquer l’accès à tous les réseaux sociaux, dont Facebook, WhatsApp et Viber, pour empêcher la diffusion de « fausses informations ». Le « safety check » de Facebook, aussi appelé « bouton d’absence de danger », avait été préalablement activé. Ce dispositif, que l’entreprise déclenche au cas par cas, permet à ses utilisateurs de prévenir leurs amis en un clic qu’ils sont « en sécurité ».

Le président sri-lankais Maithripala Sirisena a ordonné le déploiement de l’armée dans les points sensibles de la capitale et la mise en place d’une unité spéciale de la police et l’armée pour enquêter sur les attentats.

Après sa traditionnelle bénédiction pascale urbi et orbi au Vatican, le pape François a exprimé sa « tristesse » et sa « proximité affectueuse à la communauté chrétienne ».
Le Sri Lanka connaissait un calme relatif depuis la sanglante guerre civile avec les séparatistes tamouls. Mais les tensions interreligieuses restaient fortes sur une île où, selon le recensement de 2012, 70 % des 22 millions d’habitants sont bouddhistes, 12,6 % sont hindouistes, 9,7 % sont musulmans et 7,6 % sont chrétiens. L’an dernier, des heurts entre la communauté bouddhiste cinghalaise et la minorité musulmane ont abouti à l’instauration d’un état d’urgence.

« Les minorités religieuses, à savoir les chrétiens et musulmans, sont régulièrement victimes d’attaques. Les bouddhistes extrémistes leur reprochent de convertir leurs fidèles », a dit au Monde Ruki Fernando, un militant des droits de l’homme :

« Entre février et avril, de nombreux incidents ont été signalés, sans comparaison avec les attentats de ce matin. Des messes ont été perturbées, des pierres ont été lancées contre des églises. Des plaintes ont été déposées et, à plusieurs reprises, la police avait refusé de les enregistrer. Les attaques ciblaient toutefois en majorité les chrétiens non catholiques ; or, les églises frappées par les attentats de ce matin étaient en majorité catholiques. »

Le Monde avec AFP, AP et Reuters