Confronté depuis le début de son quinquennat à la pression continue des syndicats, le Chef de l’Etat burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré qui fut premier ministre et président de l’Assemblée nationale sous Blaise Compaoré est rattrapé par les vieux démons de la gestion clientéliste qui a longtemps prévalu au sein de l’administration publique.

La mesure était censée calmer la colère homérique des travailleurs du ministère de l’Economie et des finances qui, depuis plusieurs mois, avaient décidé de mettre le pays à genoux en bloquant de fait, le fonctionnement de toutes les régies de leur ministère. Ceci en réponse à une volonté exprimée par le gouvernement de réduire drastiquement le service du fonds commun dont ils bénéficiaient auparavant et dont l’augmentation vertigineuse devenait selon le gouvernement, de moins en moins tenable.
En transformant ces fameux fonds communs « FC » de la discorde en « PM » (Primes de motivation), le gouvernement burkinabè, parviendra t-il à apaiser la grogne des travailleurs ? On aura la réponse à cette question dans les jours ou semaines à venir. Mais tout porte à croire que les autres syndicats, à commencer par celui des enseignants du primaire et du secondaire, pourraient eux aussi passer à la vitesse supérieure dans leurs revendications, convaincus peu ou prou, que le gouvernement dispose des ressources financières pour les satisfaire.

Injustices historiques et criardes

De fait, l’histoire de l’administration publique au Burkina Faso est constitutive d’injustices récurrentes, d’iniquité dans le traitement des agents à des fins politiques et dont le régime actuel n’a pas su ou pu apporter les éléments correctifs à temps.
Première d’une série de décisions dont l’effet dévastateur pour le fonctionnement du service public a été immédiat, c’est la signature du décret d’application du statut des magistrats auquel le président Kaboré s’est plié en début de mandat. Suivront ensuite les cas des enseignants d’université et bien d’autres entités professionnelles.
A chaque fois, le mode opératoire est identique : blocage (sans préavis) plus ou moins total de l’administration concernée, sans quasiment aucun service minimum à certains endroits.
Avec le temps et face à la menace d’une remise en cause de l’exercice de certaines libertés syndicales par le gouvernement, les travailleurs ont trouvé de nouvelles méthodes de lutte. Désormais, ils sont en grève sans être en grève puiqu’ils sont sur leurs lieux de travail respectifs, mais en réalité ne travaillent. On appelle cela, les "mouvements d’humeur".
Officiellement ces mouvements de débrayage en apparence spontanés, ne sont l’œuvre d’aucun syndicat, mais plutôt le fait de travailleurs en lutte pour l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail. Mais assez curieusement, une fois que lesdites revendications semblent avoir été satisfaites, et comme par miracle, c’est le syndicat qui reprend aussitôt l’initiative, s’autorisant du même coup à lancer un appel à la reprise du travail. Bref, un désordre savamment entretenu à dessein et que les autorités ne parviennent pas à gérer convenablement.

Même la mesure tant attendue de remise à plat des salaires des fonctionnaires censée être la panacée face aux mouvements de mécontentement actuels, piétine. La commission chargée de réfléchir sur le document aurait rendu sa copie, en attendant la divulgation de son contenu par les canaux officiels.
Problème toutefois, c’est que le gouvernement lui-même continue dans le même temps d’accorder des avantages catégoriels à la carte, sans que l’on ne sache véritablement s’il reste dans la logique de cette remise à plat effective où si cette dernière n’est finalement plus d’actualité.
Quant à l’inexpérimenté ministre de la Fonction publique, l’universitaire Seyni Ouédraogo, sa capacité réformatrice se heurte manifestement à la réalité d’un terrain particulièrement rocailleux. Fragilisé par une décision de Justice dans le dossier controversé du concours d’entrée dans le corps de la Magistrature et qu’il a particulièrement mal négocié, sa marge de manœuvre reste réduite.

Juvénal Somé
Kaceto.net