Ils dont devenus en l’espace de quelques années post insurrection, le fer de lance d’une gouvernance 2.0 qui trouble le sommeil des gouvernants au Burkina Faso. Eux, ce sont les réseaux sociaux. Difficile de les ignorer. Faut-il pour autant gouverner avec eux ?

En 2014 ce sont bien les réseaux sociaux qui ont été à la pointe du combat contre le projet de modification de la constitution dont la finalité était d’offrir un troisième mandat à Blaise Compaoré, alors au pouvoir depuis 27 ans. La suite est connue.
En l’espace de 48 heures, les 30 et 31octobre 2014 plus précisément, l’affaire est réglée et une Transition est instaurée, aboutissant à l’organisation certes, dans des conditions difficiles, d’une présidentielle et des législatives remportées en novembre 2015 par Roch Marc Christian Kaboré et son parti, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), une formation née de la scission du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP).
Galvanisés par l’effet mobilisateur de leur outil de travail, les animateurs des réseaux sociaux allaient-ils pour autant se résoudre à rentrer dans les rangs comme le pensaient sans doute les nouveaux dirigeants fraîchement élus, eux-mêmes bénéficiaires de la grande mobilisation sur les réseaux sociaux ? Et dès lors que la mission avait été couronnée de succès ?
C’est là que les nuages vont s’accumuler et préparer l’orage. Entre d’une part, un régime naïvement convaincu de son blanc-seing pour gouverner durant les cinq années à venir, et d’autre part, une ‘’armée’’ de réseauteurs’’ plus que jamais en mode vigilance et nullement décidés à baisser la garde.

Erreur d’anticipation

Surpris par le mouvement insurrectionnel qu’il a rejoint opportunément au dernier virage de la lutte pour le changement, le MPP l’est tout autant en ce qui concerne la gestion du pouvoir d’Etat qui lui échoit. Il multiplie alors les erreurs et les fautes de gestion, ne parvenant pas à se débarrasser de l’ancien schéma de gouvernance hérité du régime déchu. De quoi relancer l’ardeur militante sur les différentes plateformes numériques qui s’en donnent à cœur joie.

Sur la toile, les révélations de scandales s’accumulent sur le dos du régime Kaboré, qui tente de se sortir de l’étreinte par la manière forte. L’arrestation, le jugement puis la condamnation de certains cyber activistes dont Naïm Touré, ne parviendront cependant pas à freiner l’ardeur des acteurs de ce ‘’plus rien ne sera comme avant’’.
Le récent passage à Ouagadougou des dirigeants d’un célèbre réseau social et leur rencontre avec des officiels burkinabè au cours de laquelle il a été question de modération des contenus aura-t-il plus de succès ? Rien n’est moins sûr.

Pendant ce temps, l’emballement social se poursuit à travers les fuites de documents confidentiels, de correspondances administratives dont l’une d’entre elles, adressée par le Chef de l’Etat en personne à l’ancienne ministre de l’Economie et des Finances, a fait bruit dans le pays. La déferlante des réseaux sociaux a conduit récemment le nouveau premier ministre Christophe à interdire désormais aux ministres de participer aux conseils des ministres avec leurs téléphones portables.
Il est vrai qu’avec les réseaux sociaux, les gouvernants ont manifestement de la peine à contrôler leur communication et sont parfois obligés de courir après la rumeur pour tenter de la rattraper. Pendant ce temps, la toile-elle, s’enflamme à la moindre étincelle ou bruit de couloir.
Une chose est sûre, entre le régime Kaboré et les réseaucrates, le divorce n’est pas loin, surtout après une tentative de légiférer sur la question qui a avorté. Le parti au pouvoir et ses alliés en sont sortis fragilisés, en donnant le sentiment de chercher à restreindre la liberté d’expression dont ils ont été eux-mêmes les heureux bénéficiaires. Trop heureux sans doute au point de manquer de tact, selon plusieurs sources médiatiques.
Si en 2015 les réseaux sociaux ont pu contribuer à la victoire du candidat Kaboré, pas sûr en revanche que pour 2020, ce dernier puisse compter sur cette même dynamique. De là à penser qu’ils pourraient s’investir contre un second mandat du Chef de l’Etat actuel…

Juvénal Somé
Kaceto.net