Soupçonné de s’être frauduleusement enrichi sur le dos du peuple guinéen, le fils du président Obiang Nguéma a été renvoyé en correctionnelle, pour y être jugé pour des « biens mal acquis ».

Dernier épisode du long feuilleton politico-judiciaire dans lequel plusieurs hauts responsables d’Afrique centrale (Congo-Brazzaville, Gabon) sont poursuivis par la justice française depuis plusieurs années. A 47 ans, le fils du président équato-guinéen, Teodoro Obiang Nguema vient d’être renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris. Il devra s’expliquer sur son patrimoine dont l’origine semble douteuse aux yeux de la justice française.

Celui qui est par ailleurs vice-président de son pays est propriétaire de biens en France dont la valeur est estimée à plusieurs millions d’euros. Il possède un hôtel particulier de 4000 m2 dans le très chic XVIe arrondissement de Paris, a acquis une partie de la collection Yves Saint Laurent-Pierre Bergé pour 18,3 millions d’euros, des grands crus, des costumes sur mesure et des voitures de luxe saisies et mises en vente en 2013 par l’Agence de recouvrement et de gestion des avoirs saisis et confisqué (Agrasc). Seuls les clients très fortunés étaient intéressés par cette vente aux enchères de biens de rêve : Bentley Arnage (12 841 km, 50.000 euros), Rolls Royce Phantom (10 598 km, 120.000 euros), Bentley Azure (750 km, 70.000 euros), Ferrari 599 GTO (597 km, 220.000 euros), Porsche Carrera 980 GT (950 km, 180.000 euros).
Ce n’est pas tout. Le fils Obiang était aussi propriétaire d’une Bugatti Veryon (2 815 km, mise à prix 450.00 euros), une Veyron Grand Sport (1 209 km, 600.000 euros), une Maserati MC 12 (2 328 km, 400.000 euros) et une Mercedes Maybach 62 égratignée et bradée à 40 000 euros.

Teodorin Obiang est un très bon client pour les boutiques de luxe et qu’on accueille avec déférence lorsqu’il fait ses emplettes et c’est pour ainsi dire, l’ensemble de son œuvre qu’il est poursuivi pour blanchiment d’abus de biens sociaux, de détournement de fonds publics, d’abus de confiance et de corruption. L’instruction a permis d’établir qu’il a acquis « en France, entre 2007 et 2011, soit directement, soit par l’intermédiaire de prête-noms ou sociétés écrans, un patrimoine mobilier et immobilier évalué à plusieurs dizaines de millions d’euros », selon l’AFP. Il s’est constitué ce patrimoine alors qu’il était ministre de l’Agriculture et des Forêts, investissant en France l’argent « de la corruption » et « le produit des détournements de fonds publics » dans son pays, ont ajouté les juges, suivant les réquisitions du parquet national financier (PNF) qui avait demandé le 23 mai son renvoi en procès.
Teodorin Obiang a multiplié les actions en justice pour tenter de mettre un terme à la procédure française. Mis en examen en 2014, il a essayé en vain de faire annuler les poursuites à son encontre, invoquant son statut à l’époque de deuxième vice-président de Guinée équatoriale qui octroyait à ses yeux une immunité. Mais la Cour de cassation avait estimé que les faits reprochés avaient été commis à « des fins personnelles », relevant de sa vie privée et donc, détachables des fonctions étatiques protégées par la coutume internationale. Le camp Obiang s’est aussi tourné vers la justice internationale : la Guinée équatoriale a saisi le 13 juin la Cour internationale de justice de La Haye, le plus haut organe judiciaire de l’ONU, pour que soit mis fin aux procédures engagées en France. « La France va accueillir le premier procès sur les biens mal acquis », s’est félicité William Bourdon, avocat de l’ONG Transparency International France et président de Sherpa, auteure de la plainte.
La France n’est pas le premier pays à lui demander des comptes : en octobre 2014, il avait accepté de renoncer à 30 millions de dollars d’avoirs aux États-Unis, dans le cadre d’un accord passé avec la justice américaine qui le poursuivait pour corruption. La justice française enquête également sur les patrimoines bâtis en France par les familles de plusieurs autres dirigeants africains, celle de Denis Sassou Nguesso (Congo), du défunt Omar Bongo (Gabon) ou encore du président centrafricain déchu François Bozizé.
Il est fort probable que le mis en cause soit jugé par contumace, mais ce procès constitue un précédent d’une portée politique considérable sur le continent noir. Certains y verront du colonialisme, mais après le CPI, les auteurs de prédation de biens publics savent désormais qu’ils s’exposent à des poursuites judiciaires hors de leurs pays.

Kaceto.net (Avec AFP)