Il n’y a pas de classement concernant les droits des femmes, mais les Nations unies, entre autres, établissent depuis 2010 un indice des inégalités de genre. Le dernier en date concerne 160 pays. La meilleure élève ? La Suisse, loin devant la France, 16e.

Vous nous avez posé cette question : « Existe-t-il un indicateur pour classer les pays selon le respect des droits des femmes, et à quelle position se trouve la France ? »

À notre connaissance, il n’existe pas de données spécifiques sur le respect des droits des femmes, pays par pays. En revanche, des indicateurs internationaux ont été mis en place pour comparer les inégalités selon les genres.

Depuis 2010, le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement) calcule ainsi un indicateur des inégalités de genre (appelé IIG ou Gender Inequality Index en anglais). Ce classement couvre 160 pays et s’intéresse à trois critères principaux pour juger de l’inégalité entre les sexes : la santé reproductive des femmes (le « taux de natalité adolescent » qui s’intéresse à la natalité des femmes entre 15 et 19 ans, et le taux de mortalité lors de l’accouchement), l’autonomisation (le niveau d’éducation et la représentation de la femme ou de l’homme dans les institutions), et le taux d’activité professionnelle. Chaque pays est noté entre 0 (les femmes et les hommes ont les mêmes avantages) et 1 (les différences entre les deux sexes sont très importantes).

L’IIG complète l’indice de développement des genres (Gender Development Index). Ce dernier mesure séparément le développement des hommes et des femmes en matière de santé, de connaissances et de niveau de vie, mais ne compare pas les résultats et ne classe pas les pays entre eux.

Un classement élaboré pour l’ONU
Les derniers chiffres de l’IIG datent de 2017 et ont été rendus publics en 2018 sur le site des Nations unies. « Il n’y a aucun pays avec une parfaite égalité des sexes », précise d’emblée l’ONU. La meilleure note est attribuée à la Suisse, avec 0,039 point, suivie du Danemark et des Pays-Bas (ex-æquo avec la Suède), avec respectivement 0,040 point et 0,044 point. En dernières positions : le Tchad (0,708 point), la Papouasie-Nouvelle-Guinée (0,741 point), et enfin le Yémen (0,834 point), où 6% des femmes seulement participent au marché du travail contre 69,6% des hommes.

« L’IIG des pays est davantage différencié par leurs performances en termes de représentation parlementaire et de participation au marché du travail », indique à CheckNews Yu-Chieh Hsu, statisticienne et analyste pour les Nations unies. À noter qu’il manque des données dans certains pays, comme Hong-Kong ou Andorre, empêchant leur classification.

Education et travail
La France, de son côté, arrive en seizième position (sur 160), avec une note de 0,083 point. Elle se place entre l’Espagne et Chypre. « On peut mieux faire. On a besoin d’être plus exemplaire et de se donner plus de moyens », estime auprès de CheckNews Sophie Chassot, chargée de plaidoyer et spécialiste des droits des femmes pour l’ONG CARE France.

Si la France est aussi loin par rapport aux Européens du Nord, c’est en grande partie à cause de l’accès à l’éducation secondaire (collège et lycée), l’accès aux fonctions politiques et la participation des femmes au marché du travail.

Quand des pays comme l’Islande, la Finlande ou le Canada, présentent des taux de 100% d’accès à l’éducation secondaire, ce chiffre tombe à 80,6% des Françaises, contre 85,6% d’hommes, selon les chiffres de l’UNESCO, qui regroupent l’ensemble de la population de plus de 25 ans (y compris, donc, des personnes âgées qui n’ont pas eu accès à l’éducation secondaire en France). Pour ce qui est de la participation des femmes françaises au marché du travail, elle est de 10 points inférieure à celle des hommes, selon les chiffres de l’Organisation internationale du travail.

Limites de l’IIG
Depuis sa création, « l’IIG est perçu comme une mesure importante pour l’autonomisation des femmes, estime Yu-Chieh Hsu. Il a été largement utilisé dans la recherche universitaire et comme outil de plaidoyer politique ».

Pour Sophie Chassot, le classement reste toutefois limité parce qu’il est quantitatif, et non qualitatif. « C’est un indicateur de référence, avec des critères intéressants. Cependant, on ne sait pas, par exemple, quel type d’emplois ont les femmes, sachant qu’elles sont en général moins payées et ont des postes plus précaires que les hommes, explique-t-elle. C’est également un indicateur national. Or, on sait qu’il peut y avoir d’importantes disparités selon les régions d’un même pays. »

Par ailleurs, dans la catégorie santé, seule la santé reproductive des femmes est prise en compte. Elle exclut la santé globale des femmes qui, dans beaucoup de pays, ont un accès très précaire aux soins de base, parfois plus que les hommes. « Autre grosse limite de ce classement : le manque d’informations concernant la contraception, mais aussi le taux d’agressions et de violences », ajoute Sophie Chassot.

Classement européen
D’autres classements des pays respectant l’égalité des genres ont été rendus publics. Au niveau européen, il existe ainsi le « gender equality index » (indice d’égalité de genre), établi par l’Institut européen pour l’égalité de genre, une agence de l’Union européenne. Il est établi sur la base de six domaines : le travail, l’argent, les connaissances, le pouvoir, le temps pour soi et la santé. Des scores allant de 1 pour inégalité totale à 100 pour égalité complète sont attribués aux États membres de l’UE. Dans le dernier classement en 2015, la France est classée 5e avec 72,6 points. La première place revient à la Suède, avec 82,6 points.

Le magazine Us News & Worlds Reports, enfin, a mené un sondage en 2018 auprès d’environ 9 000 femmes vivant dans 80 pays différents. Les participantes devaient répondre à des questions sur le respect des droits humains, l’égalité des sexes et des revenus, le progrès et la sécurité. Sans surprise, de nombreux pays scandinaves arrivent en tête, notamment la Suède en première position, tandis que la France se hisse à la 14e place.

Estelle Priam et Caroline Ernesty
Liberation.fr