La participation du Président du Faso Roch KABORE au sommet du G7 en août dernier à Biarritz n’aura pas été vaine. Loin s’en faut. Son plaidoyer a permis aux grandes puissances de cerner avec plus de précision l’ampleur du phénomène terroriste qui déploie dangereusement ses tentacules en Afrique. Au regard des limites objectives du G5 Sahel, une nouvelle initiative est annoncée : le P3S ou « partenariat pour la sécurité et la stabilité pour le Sahel ». Que faut-il concrètement attendre de ce nouveau plan de stabilité ? Le P3S peut-il réussir là où le G5 Sahel semble s’être embourbé dans les dunes du Sahel ? Comment la lutte contre le terrorisme peut-elle être efficace avec un périmètre d’action plus élargi ?

« Nous considérons que la Libye est un sanctuaire d’incubation du terrorisme dans notre sous-région, et c’est ce qui élargit le combat sur l’Afrique de l’Ouest aujourd’hui, avec possibilité d’aller jusqu’à nos frontières côtières. La situation sécuritaire au niveau du G5 Sahel est préoccupante parce qu’elle a entraîné un certain nombre de conséquences : des attaques sur nos casernes, beaucoup de victimes militaires et civiles, des classes qui sont fermées par milliers dans la zone, avec l’incidence que de nombreux enfants n’iront pas à l’école, et les déplacements massifs des populations, tant de l’intérieur que des pays voisins. Cela veut dire que quelque part, on a des difficultés importantes sur les plans humanitaires, sécuritaires et des difficultés de développement de ces zones ». Ainsi s’exprimait le Président du Faso face aux dirigeants invités au sommet du G7. Ce discours a eu le mérite de mettre une fois de plus les puissants du monde devant leurs responsabilités quant à l’expansion du terrorisme en Afrique. Le chaos semé en Libye avec la complicité de la « communauté internationale » a consacré l’ouverture de la boîte de pandore. Les groupes terroristes se sont engouffrés dans les brèches. Vu la situation chaotique et l’absence de toute forme d’autorité en certains endroits de la Libye, l’Etat islamique a décidé de rependre le terrorisme dans toute la région du Sahel à partir du sud de la Libye. En effet, les frontières du sud libyen touchent plusieurs pays africains. Le « triangle du Salvador », un passage montagneux, étroit et difficile, utilisé à la fois par les contrebandiers et les terroristes, intéresse particulièrement. Ce triangle désigne une vaste zone désertique qui échappe à tout contrôle et surveillance. Il s’étend de la Libye au Niger, en Algérie, et atteint même le Nigeria. Depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, le sud libyen s’est transformé progressivement en un haut lieu du terrorisme qui se nourrit de la contrebande et profite de la corruption et de la pauvreté des habitants de la région. Les membres de l’EI sont très actifs en Libye. Cette situation permet à l’EI de tisser des liens avec une myriade de groupuscules qui s’activent dans tout le Sahel. C’est également le cas d’AQMI. Aujourd’hui, la Libye, Etat désintégré, est un sanctuaire du terrorisme. Mettre fin au chaos en Libye est donc un impératif pour la paix et la stabilité au Sahel. Le foyer incandescent se trouve en Libye. Toute initiative de lutte contre le terrorisme au Sahel qui occulterait ce paramètre serait irrémédiablement vouée à l’échec. Le Président Kaboré l’a si bien martelé. Particulièrement inquiets quant au risque de débordement du terrorisme vers les Etats côtiers de la région, à travers notamment la fragilisation du « verrou » burkinabè, les dirigeants du G7 annoncent vouloir renforcer et élargir le périmètre d’action du G5 Sahel à travers la création d’un Partenariat pour la sécurité et la stabilité au Sahel.

P3S : un meilleur destin que celui du G5 Sahel ?

Selon ses concepteurs, le Partenariat pour la sécurité et la stabilité au Sahel vise à rendre la lutte contre le terrorisme plus efficace. Il repose sur 03 axes à savoir l’amélioration de la coordination internationale, le soutien à la réforme du secteur de la sécurité (RSS), le renforcement des forces de sécurité des pays concernés. Le Partenariat vise à élargir le périmètre d’activité du G5 Sahel, en permettant de réengager dans l’aspect sécuritaire les Etats-membres de la CEDEAO (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest) », dont la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Sénégal. La rencontre du 14 septembre que Ouagadougou accueille devrait permettre de mieux définir les contours de ce partenariat. En attendant, de nombreuses questions se posent. Alors que le G5 Sahel s’est révélé être à la limite un serpent de mer, qu’est ce que le P3S pourra concrètement apporter sur le terrain pour atténuer la spirale terroriste ? Le partenariat peut-il aboutir à des résultats tangibles en élargissant sa zone de couverture uniquement aux pays côtiers sans y inclure l’Algérie par exemple ? Quelle est la garantie quant au financement de ce P3S quand on sait que le G5 Sahel a toutes les peines du monde à mobiliser les ressources nécessaires à son action sur le terrain ? En plus de 05 ans d’existence, ce regroupement n’est pas parvenu à faire inscrire la force conjointe du G5 Sahel sous le chapitre 7 des Nations unies. Qu’en sera-t-il du P3S quand on sait que le renforcement des forces de sécurité des pays concernés figure au rang de ses priorités ?
Face à des groupes terroristes qui n’ont jamais été autant déterminés, le P3S doit apporter une réponse énergique et conséquente. Y parviendra-il ? Se révélera-il au contraire un pétard mouillé ? Wait and see !

Jérémie Yisso BATIONO
Enseignant chercheur
Ouagadougou