Notre tolérance
Le changement qui s’annonçait fissurait les nuages
Nuages immobiles dans un ciel avachi
La lune ternie par la nuit retrouvait un peu d’éclat
Un éclat hésitant annonçant le soleil
Sur sa couche, le patriarche interroge le clair-obscur
Peinant à s’extraire des derniers lambeaux de sommeil
Sur les branches, les oiseaux lisent la course des vents
Puis, soudain, les cris
Des hurlements qui passent les palissades
Et les murs d’un banco incertain
Un patriarche attend qu’on vienne à lui
Ainsi le veut la consigne
Consigne ancestrale ignorant la fuite des jours
L’explication pénètre la case avec les premiers curieux
Une femme a rossé son homme
Copieusement, généreusement et avec application
En prenant le temps de bien faire les choses
Comme seules les femmes savent s’y prendre
Le sourire éclaire le visage du vieil homme
Accompagnant un soupir indéfinissable
Car c’est ainsi que le mâle apprend
Il le faut
Pour que le faux guerrier des quartiers comprenne
Comprendre que la tolérance des femmes
Ce n’est pas, et ce ne peut être de la faiblesse
Nous sommes dans une situation semblable
Dans toute confrontation, il y a un moment de grâce
Des secondes traînant les pieds
Pendant lesquelles les forces se jaugent
Ils veulent violer notre tolérance
Des hordes sinistres cheminent dans les brumes
Des compères cyniques à moto
Viennent éprouver nos forces
Nous savons qu’ils se trompent
Car d’autres avant ont connu les mêmes déconvenues
Prenant notre tolérance pour un manque de combativité
Un défaut de courage et résistance
D’autres avant eux se sont fourvoyés
Déployant la panoplie de leurs cruautés
Mais nous sommes toujours là
Et nous serons toujours debout
Répondant à l’appel
Maîtres de la vaste et accueillante savane
Maîtres de nos destinées.

Sayouba Traoré
Journaliste ; Ecrivain