Sous le feu des critiques qui poussent vers plus de responsabilité environnementale et sociale, le secteur du cacao a vu ces dernières années, l’émergence de nombreux standards de certification durable. Si ces schémas ont suscité un engouement dans la chaîne de valeur, le bilan reste mitigé, aussi bien sur le plan de l’amélioration des conditions des producteurs que sur celui des conditions éthiques de culture du cacao.

La pression pour une plus grande durabilité dans la filière cacao s’inscrit dans la nécessaire refonte du système agricole, impulsée par les organisations environnementales. L’ambition est d’appliquer les différents principes du développement durable dans la chaîne d’approvisionnement de produits comme le café, le coton, le thé, la banane ou l’huile de palme.
Dans le cas du cacao, cela signifie concrètement de garantir une bonne rémunération aux producteurs et de lutter contre les deux principaux maux qui écornent l’image de la filière : la déforestation et le travail infantile.
Pour témoigner de leur prise de conscience de ces questions sociales et environnementales, les leaders mondiaux de la confiserie et de la distribution multinationale ont opté, ces dernières années, pour une plus grande utilisation de produits issus du cacao certifié durable.
Cette certification permet à des organismes tiers ou labels d’étiqueter le cacao produit comme répondant à des normes environnementales ou sociales. Ces schémas de certification s’appuient sur un système de cahiers des charges plus au moins étoffés. Les exigences peuvent aller de la culture du cacao dans des systèmes agro-écologiques à l’usage d’intrants organiques comme le compost, en passant par la nécessité de se regrouper en organisation, sous forme associative ou coopérative.

Les systèmes de certification les plus répandus dans le monde pour le cacao, comme pour d’autres matières premières agricoles, sont Rainforest Alliance créée en 1987, Fairtrade (1997) et UTZ Certified (2002).

Si chacun de ces standards peut primer les critères sociaux ou les considérations écologiques, la promesse est de permettre à tous les acteurs de tirer leur épingle du jeu, du moins en théorie.

Pour les consommateurs, l’utilisation de chocolat issu de produits de cacao certifié durable est le gage d’une qualité et d’une certaine éthique.
Du côté des entreprises, l’enjeu de la certification pour les compagnies est multiple. En effet, il reste moins coûteux et plus efficace pour celles-ci, en matière d’image, de recourir à l’expertise des organismes de la certification durable que de développer leur propre système de certification qui risque en outre d’être moins crédible.

Dans un autre registre, en commercialisant des produits durables, les entreprises peuvent cibler des consommateurs de plus en plus sensibles à ces questions et pénétrer des marchés de niche offrant des marges importantes.
Pour les producteurs et leur communauté, la principale attente est de recevoir un meilleur prix pour les fèves de cacao et d’être moins vulnérables à la pauvreté. En jouant sur la différenciation des produits, la certification offre une prime à la qualité et permet aux producteurs d’échapper à l’incertitude des marchés en leur assurant de couvrir leurs coûts de production.

Une progression fulgurante

Avec la demande croissante pour du cacao totalement traçable et certifié exempt de travail infantile, l’engouement pour la certification durable s’est fortement développé. Les standards de certification ont affiché un rythme de progression très rapide. En 2017, la superficie cumulée, certifiée par les trois entreprises de certification, a atteint 4,6 millions d’hectares, selon les données du Centre du commerce international (ITC). Le cacao est désormais la seconde matière première agricole la plus certifiée dans le monde, après le coton.

La certification UTZ arrive au premier rang avec 2,7 millions d’hectares en 2017, soit 23% des superficies mondiales. Viennent ensuite le label Fairtrade International (1,17 million d’hectares) et Rainforest Alliance (740 822 hectares).

De leur côté, les volumes de cacao certifié ont plus que doublé en l’intervalle de 5 ans, passant de 691 490 tonnes en 2013 à 1,45 million de tonnes en 2017. En outre, les ventes effectuées par ces organismes sont passées de 564 769 tonnes en 2013 à 953 458 tonnes en 2016, soit 20% de l’approvisionnement mondial.
Si ces chiffres démontrent la bonne cote du cacao certifié à travers le monde, la certification suscite de nombreuses interrogations quant à ses véritables retombées pour les producteurs.

« La certification ne suffit pas »

La certification durable est aujourd’hui décriée pour n’avoir pas contribué à l’amélioration de la situation des exploitants agricoles, malgré ses principes vertueux.

En effet, les primes perçues dans le cadre de ce programme ont pour la plupart été réduites, sur ces dernières années, en dépit de l’engouement. D’après un rapport d’UTZ, les primes reçues par les producteurs ont chuté de 122 euros en 2013 à 83 euros en 2017.

Du côté de Fairtrade, la situation n’est pas plus reluisante. Selon une étude publiée, l’année dernière, l’organisation indique que 58% des exploitations de cacao en Côte d’Ivoire, certifiés par le label, perçoivent un revenu en dessous du seuil de pauvreté.
Hormis la question des primes, le modèle des standards de certification semble ne plus séduire les entreprises qui se lancent de plus en plus dans leur propre initiative avec plus ou moins de succès. « La certification ne suffit pas. Notre conviction est que nous devons adopter des normes plus strictes que les standards actuellement définis par la certification », confie John Ament, vice-président mondial du cacao chez Mars Wrigley Confectionery.

La compagnie qui s’était déjà engagée par le passé à ne plus acheter que du cacao certifié d’ici 2020, envisage à présent d’aller au-delà de ce seul engagement sur la certification qui n’a pas eu l’effet escompté. En outre, la compagnie dit vouloir maintenir l’approvisionnement de 50% de ce niveau de volume pour le moment, tout en disant être prêt à l’accroître s’il constate une amélioration des normes.
De son côté, le géant américain de la confiserie Hershey’s a annoncé un programme visant à accroître l’utilisation de smartphones pour la diffusion des vidéos et des SMS sur les bonnes pratiques agricoles pour les producteurs de cacao. Pour sa part, Nestlé a indiqué être engagé dans un projet de renforcement de la résilience des communautés cacaoyères, en leur distribuant des plants à haut rendement ainsi que des formations sur les bonnes pratiques. « Je pense qu’il y a différentes approches pour parvenir au même résultat qui est l’amélioration des conditions de vie des producteurs », souligne Susanna Zhu, responsable de l’approvisionnement chez Hershey’s.

D’un point de vue global, il faut souligner que les standards de certification durable ont le mérite de favoriser une prise de conscience et un changement des mentalités, même s’ils sont désavoués en raison de leur inefficacité. A l’heure où ces questions cruciales restent encore vives, certains estiment que les pays producteurs de cacao comme le Ghana et la Côte d’Ivoire devraient accroître leur collaboration avec les entreprises et les organismes de certification, pour leur permettre de jouer plus efficacement leur rôle.

Espoir Olodo
Agence ECOFIN