La crise sanitaire mondiale suscite une inquiétude justifiée dans tous les pays du monde. A voir défiler chaque jour le compteur du nombre de morts (170 000 morts dans le monde au 18 avril), on pouvait craindre qu’un vent de panique exacerbe l’égoïsme et le chacun pour soi. Certes, cela n’a pas manqué. Mais un élan de solidarité se fait également jour. Denis Dambré fait le point dans cet article.

Depuis que le covid-19 a franchi les frontières de la Chine pour devenir une pandémie mondiale, quelques manifestations sporadiques d’égoïsme ont été observées par-ci par-là. Ainsi, tel pays s’emparant des masques de tel autre sur le tarmac en mettant sur la table le triple du prix, tel autre récupérant pour lui la commande de produits d’hygiène de son voisin qui transitait sur son territoire, telles femmes vues en train de se battre dans un supermarché pour du papier toilette parce que l’une avait rempli son caddie de tout ce qui restait en rayon tandis que l’autre n’en voulait qu’un seul paquet pour tenir quelques jours, telles familles vidant les rayons alimentaires des magasins et disposant de stocks pour plusieurs mois tandis que telles autres cherchent en vain juste un peu de farine, tels dirigeants se montrant davantage préoccupés par leur réélection que par les précautions sanitaires qui permettraient de sauver des vies etc. On ne peut que regretter tous ces faits et les condamner moralement.
Mais plus impressionnant est l’élan de solidarité dont les humains se montrent capables en ce moment. La crise a mis en lumière le dévouement extraordinaire des personnels soignants au service des malades et on doit tous leur rendre hommage. Confrontés à des patients dont le contact physique ou les projections de gouttelettes en toussant mettent en danger leur vie, ils ne rechignent pas à assurer leur service, quelquefois jusqu’au sacrifice suprême d’eux-mêmes.
En France, par exemple, on dénombre à ce jour plus de 4000 personnels soignants infectés par la maladie dans le cadre de leur service. Une dizaine d’entre eux sont même décédés. Parmi eux, des personnels en retraite qui s’étaient portés volontaires pour revenir prêter main forte à leurs anciens collègues dans le combat pour sauver des vies. Indubitablement, les personnels soignants sont les héros de la crise sanitaire en cours. Quoiqu’ils s’en défendent en soulignant modestement qu’ils ne font que leur travail, ce sont des héros et on doit tous leur rendre hommage.
Viennent ensuite tous les auteurs d’initiatives solidaires. Les gouvernants africains qui cèdent des mois de leur salaire tout comme les partis politiques qui mettent la main à la poche pour aider à sauver des vies donnent un bel exemple. Car tout ce qui peut contribuer à prévenir la maladie ou à soigner les patients est bon à prendre. Le seul regret en ce qui concerne les hommes politiques, ce sont les clairons qui accompagnent leurs gestes de générosité. A croire qu’il s’agit surtout de soigner leur propre image et de prendre date avec le peuple pour les prochaines échéances du calendrier électoral. Le dicton qui stipule que « le bien ne fait pas de bruit et le bruit ne fait pas de bien » gagnerait à être davantage connu. Mais ne leur faisons pas de procès d’intention dans les circonstances actuelles.
Les initiatives des artistes qui se sont également mobilisés partout dans le monde et continuent de le faire sont aussi à saluer. Car leur notoriété fait d’eux les vecteurs importants de la sensibilisation au respect des gestes barrières. Le peuple leur témoigne tant d’affection en temps ordinaire qu’une telle crise leur offre l’opportunité de lui témoigner en retour de leur sollicitude.
Mais plus touchant est l’élan de solidarité des particuliers et des professionnels qui se mobilisent tout simplement pour être utiles aux autres. Quelques exemples observés en France ont achevé de me convaincre que l’égoïsme supposé régner dans les pays développés est à relativiser. En Seine-Saint-Denis, département du nord-est parisien où l’on dénombre le plus de morts du Covid-19, des jeunes au chômage se sont organisés en association pour trouver un local, y stocker des produits alimentaires offerts par des particuliers ou par des grandes surfaces afin de les distribuer gratuitement aux personnes confinées qui ne peuvent pas sortir de leur immeuble. Le tout avec une attention particulière prêtée aux personnes âgées ou aux malades. Le seul objectif de ces jeunes aux talents souvent catalogués comme difficiles et violents : éviter que des drames de la faim s’ajoutent à ceux du coronavirus. On ne peut que les en féliciter et les encourager.
Avec la fermeture des restaurants en raison du confinement, de nombreux restaurateurs se mobilisent eux aussi pour récolter des produits frais et préparer gratuitement des repas pour les personnels soignants qui sont à pied d’œuvre. Tous les jours, en France, des milliers de repas sont livrés gratuitement dans les hôpitaux par des chefs cuisiniers désireux de contribuer à leur manière aux soins des malades en préparant les repas des médecins, des infirmiers, des aides-soignants ou des brancardiers. L’initiative a fait des émules de sorte que, récemment, des coiffeurs se sont aussi organisés pour aller directement dans les hôpitaux pour coiffer gratuitement les personnels de santé qui n’ont plus le temps de s’occuper d’eux-mêmes. Ainsi, dans certains hôpitaux, les soignants peuvent mettre à profit leur temps de pause pour se refaire une beauté. Ce qui contribue à maintenir le moral de ces personnels confrontés quotidiennement à la mort.
A l’initiative du ministère de l’Education nationale, les enfants des personnels soignants peuvent également être accueillis dans les établissements scolaires durant la période de fermeture par des enseignants volontaires. Et ce, y compris le week-end. Le but est de permettre aux parents de ces enfants d’effectuer leur service à l’hôpital en toute quiétude. A la surprise de beaucoup de personnes promptes à critiquer les fonctionnaires, de nombreux professeurs et éducateurs se sont portés volontaires à cet effet. Leur nombre étaient même quelquefois supérieur au nombre d’enfants à accueillir.
L’élan de solidarité ne se limite pas à ces exemples : tous les soirs à 20 h, on applaudit les personnels soignants pour leur dévouement ; chaque jour, des musiciens offrent gratuitement des concerts à distance ou au pied des immeubles pour les habitants qui écoutent à leur fenêtre en esquissant des pas de danse ; des voisins organisent des jeux de société à distance entre les immeubles et font meilleure connaissance ; les stocks alimentaires des cantines scolaires sont offerts aux restos du cœur pour nourrir les personnes dans le besoin etc.
En somme, la crise sanitaire agit comme un révélateur. Elle a révélé, certes, la part d’ombre de certains. Mais elle a mis surtout en évidence la part de lumière d’un plus grand nombre. De sorte que, tout compte fait, on peut se consoler à l’idée d’y trouver quelques raisons de croire en l’humanité. Il reste à souhaiter qu’au sortir de la crise, la flamme de ce bel élan de solidarité ne s’éteigne pas. Car, avec le covid-19, tous les humains sont logés à la même enseigne en ce qui concerne leur inquiétude quant à l’avenir. Et il n’est pas de meilleure façon de nous en sortir collectivement que de jouer la carte de la solidarité. Victor Hugo avait raison : « Rien n’est solitaire, tout est solidaire. L’homme est solidaire avec la planète, la planète est solidaire avec le soleil, le soleil est solidaire avec l’étoile, l’étoile est solidaire avec la nébuleuse, la nébuleuse, groupe stellaire, est solidaire avec l’infini. ». Souvenons-nous en après la crise pour travailler à rendre le monde meilleur.

Denis Dambré
Proviseur de Lycée
(France)
Kaceto.net