Après vous avoir livré les résultats de mes analyses sur les territoires sémantiques du président Roch Marc Christian Kaboré dans ses adresses à la Nation burkinabè (voir ici : https://kaceto.net/spip.php?article8598), je viens vous livrer aujourd’hui ceux concernant ses deux premiers ministres successifs (Monsieur Paul Kaba Thiéba et Monsieur Christophe Dabiré, actuel premier ministre) dans leurs discours devant l’Assemblée Nationale (2016-2020).

Les deux graphes relationnels ci-après générés sous GEPHI présentent les univers verbaux articlés au « JE » et au « NOUS » (pronoms les plus utilisés) dans chacun des corpus de discours (« Graphe 1 : RMCK » pour le corpus de discours du président Kaboré et « Graphe 2 : PM » pour le corpus de discours à la Représentation Nationale des deux premiers ministres successifs du président Kaboré).
Les pronoms « NOUS » et « JE » sont ici dénombrés avec leurs équivalents sémantiques respectifs (JE = je, j’, me, m’, mes, mon, ma, mien(s), mienne(s). NOUS = nous, notre, nos, nôtre, nôtres).
« JE » et le « NOUS » sont des pronoms qui impliquent le locuteur (le « NOUS » est une amplification, une dilatation du « JE »). Il me semblait donc important d’inventorier les verbes dont les pronoms « JE » et « NOUS » sont les sujets ou les compléments afin de pouvoir, à partir de cet examen, déterminer comment ces pronoms concourent à construire les éthos politiques du président Kaboré et de ses premiers ministres successifs. (Par « éthos », entendons l’image que le locuteur veut donner à son public).
Selon les verbes dont les pronoms « NOUS » et « JE » sont les sujets ou les compléments, l’effet produit ne sera sans doute pas le même. Cela dit, pour simplifier les choses, je n’ai retenu ici que les verbes d’action (regroupés sous le label « FACTIFS ») et les verbes modaux « VOULOIR » et « DEVOIR ».

Que disent ces deux graphes ci-dessus ?

Chez le président Roch Marc Christian Kaboré d’abord :
  Le « JE » est articulé à la modalité du « VOULOIR », comme pour marquer un certain volontarisme du président Kaboré, tout au moins dans l’intention affichée.
  Le « NOUS », hypertrophié par rapport au « JE », est significativement articulé à la modalité du « DEVOIR » et aux verbes « FACTIFS ». Il s’agit, pour Roch Marc Christian Kaboré, de donner à voir l’image d’un président doté d’un grand sens des responsabilités et capable de projeter une action collective, ou tout au moins, de donner le sentiment d’associer à sa tâche présidentielle tous ses concitoyens (visée de « totalisation politique ». A ne pas confondre avec « totalitarisme »).
Chez les deux premiers ministres successifs du président Roch Marc Christian Kaboré :
  L’usage du « JE » et du « NOUS » est équilibré.
  Mais le plus marquant, c’est l’articulation « JE » > verbes « FACTIFS » que l’on peut schématisée par la formule « JE>AGIR » (en bon français, « J’AGIS »).
En somme, ces deux graphes disent la répartition des rôles entre le président et ses premiers ministres successifs. Le président fixe le cap. Les premiers ministres déploient la feuille de route et agissent pour traduire en réalisations concrètes la prescription projectuelle d’action du président.
Mais alors, quels sont les univers de références sémantiques identifiables dans les discours des deux premiers ministres successifs du président Roch Marc Christian Kaboré ? Eh bien, le graphe relationnel ci-après, généré sous GEPHI (algorithme « Modularity »), nous permet de bien les visualiser.

Le réseau sémantique ci-dessus généré sous GEPHI laisse apparaître cinq territoires sémantiques structurants dans les discours des deux premiers ministres du président Kaboré :
  Un champ de valeurs (« droit, justice », « institution », « démocratie », « liberté », « dialogue ») associé à l’évocation du « peuple » « burkinabè », des « compatriotes, concitoyens » et du « Burkina Faso ».
  Un champ économico-financier et gestionnaire marqué par les références « économie », « finance », « développement », « entreprise, industrie », « production », « croissance », « agriculture, agricole », « gestion », « service public » ; « changement (réformes), etc.
  Un champ spécifiquement consacré aux « projets » / « travaux » de « construction », de « rénovation » (aménagement) et de « bitumage » de « kilomètres » de « routes, pistes, de voirie en général ».
  Un champ clairement social, marqué par les enjeux de l’ « accès » à l’ « éducation » ; à la « formation », à la « santé », au « système social » (protection sociale, services sociaux, assurance maladie), à l’ « énergie », à l’ « eau », notamment pour la « jeunesse », les « femmes » et les « enfants ».
  Last but not least, un champ sémantique marqué par le redoutable « défi » sécuritaire lié aux « attaques terroristes » que connaît le Burkina Faso depuis les attaques des hôtels Splendid, Yibi et du café restaurant Capuccino (15 janvier 2016. Soit, je le rappelle, moins d’un mois après l’investiture du président Roch Marc Christian Kaboré). Situation qui commande d’augmenter les « capacités » opérationnelles des « forces de défense et de sécurité » pour « lutter contre » les terroristes et aspirer à une « paix » durable de notre cher « pays ».

Ousmane SAWADOGO, Consultant Text Mining, Text Analytics, Analyse sémantique – Kaceto.net.