Pour l’auteur de cette tribune, Kambiré Bèbè, les Burkinabè qui ont tant espéré d’un lendemain meilleur, c’est à dire d’un redressement moral au lendemain de l’insurrection populaire d’octobre 2014 se retrouvent devant une impasse. Et attendent l’homme providentiel qui va venir les sortir de l’ornière.

La société burkinabè est dans une régression morale inversement proportionnelle à la force morale de nos devanciers, surtout ceux de la période révolutionnaire. « Le Burkinabè a trahi le Voltaïque » pour reprendre la formule du professeur Laurent BADO. Au lendemain de l’insurrection populaire d’octobre 2014, la société burkinabè avait l’occasion de faire sa mue à travers une ligne directrice, en quelque sorte, des sillons sur lesquels doivent marcher des générations de Burkinabè. Malheureusement, la mue tant espérée n’a pas eu lieu. La société burkinabè qui espérait beaucoup et mieux au lendemain de l’insurrection populaire se trouve dans une déception proportionnelle à son espérance. En manque de repères, de flambeaux et d’exemplarités entraînantes, elle nourrit l’espoir d’avoir un homme providentiel qui va venir la sortir de l’ornière à travers un leadership transformateur qui va leur instiller les ingrédients du développement et les mettre résolument au travail. Une quête quelque peu illusoire pour une société qui n’en " fabrique" pas.
Par ailleurs, nous sommes nombreux à nous inscrire dans une logique d’accumulation avide de richesse matérielle pour nous et nos héritiers sans trop et à remettre quasiment le sort de notre maison commune aux transcendants, comme s’ils allaient venir en prendre soin à notre place. Pourtant, comme l’a si bien dit le célèbre journaliste Norbert ZONGO : « nul n’a d’avenir dans un pays qui n’en a pas un ». D’ailleurs, l’expérience de la vie déconseille subtilement de ne pas bâtir son aisance matérielle contre celle des autres.
Le manque de perspective à l’horizon développe une nostalgie des années glorieuses de l’histoire de notre pays. Sauf que le fait de s’en complaire à outrance obstrue notre vision du futur, un peu comme si notre futur se trouvait derrière nous. Or, notre avenir entendu comme une (re)connaissance de soi pour se ré-inventer, un recours (et non un retour) au passé pour mieux se projeter dans le futur, dépendra de la manière dont nous allons négocier cette "traversée du désert", ce tournant décisif de notre marche commune.
Il y a ça et là des indignations concernant le niveau de développement de notre pays, la décadence morale de notre société, la mal gouvernance,…mais à elles seules, elles ne peuvent pas produire une transformation qualitative de la société. Il serait mieux que chaque Burkinabè s’engage là où il excelle le mieux pour qu’ensemble nous fassions front commun face aux adversités et co-construisons le Burkina Faso de demain qui, en réalité, sera ce que nous voudrons qu’il soit. Là aussi, c’est un vœu quelque peu pieux dans une société où règne le "chacun pour soi, Dieu pour tous", où on ne se sent concerné par les adversités que lorsqu’on est directement touché, où l’esprit du sacrifice n’a pas été pérennisé. Quelle impasse !

Kambiré Bèbè