Cette question est du président du groupe parlementaire UPC, Alitou Ido qui y répond dans son discours que nous publions ci-bas in extenso. C’était à l’occasion des deuxièmes journées parlementaires de l’année 2016.

Qu’est ce qui arrive au pays des Hommes intègres pour qu’il soit plongé dans une spirale de grèves tous azimuts ? Au nombre de 15 annoncées ou en voie de l’être, nous disait le ministre de la communication, et pour ce mois d’octobre. Le front social est en pleine ébullition avec une économie totalement en berne. Les sombres prédictions de « après moi le déluge » de l’ex Président du Faso, Blaise Compaoré, sont-elles en train de se réaliser ? Donnons-nous tous la main pour faire barrage à cela. On nous dit et redit que l’électeur burkinabè a préféré la continuité de l’expérience dans la gestion des affaires publiques, mais sans Blaise Compaoré, au détriment du changement radical qui est une rupture d’avec tout le système établi, que représente l’UPC. Mais en réalité, le peuple a été induit en erreur, trompé même, car son profond désir de changement a été acheté à vil prix lors des votes. Les résultats des votes ne sont pas le libre choix de l’électeur burkinabè et tout le monde le sait au Faso ici ! Le taire, c’est faire montre d’une complicité flagrante, le taire c’est tromper précisément l’esprit de l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014 ! Le taire enfin, c’est tromper l’histoire qui nous rattrapera tôt ou tard !
La gouverne politique actuelle a utilisé le système patiemment construit avec Blaise Compaoré pour d’abord « encadrer » la Transition, puis « gagner » les élections. Les innombrables frustrations du peuple endurées dans le silence total par peur d’être soit humilié, soit torturé, ou simplement assassiné d’où la terrible phrase « tu fais, on te fait et il n’y aura rien ! », se révèlent aujourd’hui au grand jour et toutes en même temps !
Durant 27 ans de gestion publique gabégique, cela crée forcément une mentalité nationale de gain facile et de mal-gouvernance dans toutes les strates de la société. Notre pays des Hommes intègres devient alors le pays de la paresse, du gain facile, le pays du « non au travail harassant » et au « oui à la vie facile et à l’argent facile ! », le pays du mensonge, le pays de la honte ! Durant 27 ans de règne, nos ancêtres de toutes ethnies ont dû se retourner plusieurs fois dans leur tombe, de honte et d’indignation !
Depuis leur naissance les partis d’opposition, toutes idéologies confondues, ont consacré leur énergie et leurs maigres ressources à dénoncer continuellement cet état de fait malgré la répression sanglante de leurs militants et leaders. C’est pour moi l’occasion de saluer humblement ici ces intrépides combattants de la démocratie car leur ténacité constante dans le temps et dans la lutte contre le régime de Blaise Compaoré nous a amené en 2014 aux gigantesques marches-meetings de l’opposition politique dont le couronnement fut l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014, seulement 10 mois après la naissance du MPP qui s’attribue aujourd’hui tous les lauriers de cette longue, très longue lutte vieille de 27 ans !
Par l’insurrection, le peuple se crut libéré du joug de la répression. L’incivisme est, par moment, un ensemble de réactions de joie et d’expression de liberté. Tel un esclave qui, pendant 27 ans, était aux fers et enfin vint le jour de sa libération, les réactions de joie du peuple sont quasiment incontrôlées d’une part, et d’autre part, comme le système de répression a encore des symboles visibles (par exemple les policiers, gendarmes et militaires qui portent les mêmes tenues vestimentaires de la période du joug de l’oppression), une partie du peuple, notamment les jeunes, défie alors l’autorité en guise de bravade. Car depuis 2010, l’incivisme comme attitude de lutte contre le système prenait déjà de l’ampleur.
Enfin, la gouverne politico-administrative n’a pas significativement changé, car ceux qui gouvernaient avec Blaise Compaoré sont ceux-là mêmes qui gouvernent encore aujourd’hui les Burkinabè, avec quasiment tous les maux ayant fait le lit de l’insurrection populaire.
Le mensonge et l’achat de conscience ont fortement rivalisé dans toutes les élections récentes. On constate que cette pratique du système Blaise Compaoré a même pris de l’ampleur malgré la loi zéro gadget et zéro argent, voté par le CNT pour encadrer toutes les élections.
Par ailleurs, le peuple a boycotté quasiment les élections présidentielles et législatives car il sentait confusément que les dés étaient déjà pipés depuis la Transition. Le MPP a acheté son « naam » grassement ! Où ont-ils trouvé autant d’argent pour inonder les électeurs et acheter ainsi leur conscience dans un pays où la dignité humaine a été chassée par des années de misère, d’injustice et de mal-gouvernance ? Une fois ce « naam » acquis, on étrenne les boubous brodés des mauvaises pratiques de gouvernance. A notre sens, exceptées les tueries du genre « tu fais, on te fait et il n’y aura rien », toutes les autres formes de mal-gouvernance de l’ère Compaoré que nous avons constamment dénoncées sont au pouvoir de nouveau ! Il est loisible de constater de fait que les grands auteurs de la mal-gouvernance tant décriée n’étaient pas que Blaise Compaoré, mais tout le système dont les pères-fondateurs sont aujourd’hui au pouvoir !
Le peuple s’est-il trompé de cible dans son grand ménage ? Alors, comme un seul Homme, les organisations syndicales ayant constaté que c’est justement ce pouvoir-là qui était hier aux affaires et qui est de nouveau là, il n’y aura pas de trêve pour ces gens puisque, se disent-ils, ceux qui sont au pouvoir sont ceux-là qui nous ont opprimés sauvagement hier, qui ont assassiné beaucoup de Burkinabè, qui nous ont maintenus durement dans la misère. Alors, nous revendiquons tout et tout de suite car, après tout, s’ils ont pu trouver autant d’argent pour acheter leur « naam », ils en trouveront bien pour satisfaire nos justes revendications comme ils l’ont fait pour les magistrats. Voilà la terrible équation crument posée à la gouverne actuelle et, partant, à toute la nation, car cela crée une instabilité impactant bien des aspects du développement du pays. Voilà donc le piège qui se referme sur le management de l’ancien-nouveau pouvoir !
Il faut apaiser le volcan du front social pour permettre aux plans de développement de se mettre en place, car toutes les revendications sociales somme toute ont les mêmes dénominateurs communs qui sont le financement et/ou la justice sociale. Pour relancer l’économie, laquelle finance le social, il faut une stabilité sociale. L’opposition politique fera toujours des critiques pour améliorer la gouvernance, mais si la réaction du parti majoritaire est continuellement de dire que nous sommes aigris parce que nous avons perdu les élections, cela nous semble simpliste et démagogique comme posture. Néanmoins, en bons démocrates, nous continuerons inlassablement de construire avec le peuple cette nation, le Burkina Faso, que nous aimons toutes et tous.

Je vous remercie !

Alitou Ido ; président du groupe parlementaire UPC