L’Afrique est le continent le moins touché par l’épidémie de coronavirus. S’il est prématuré d’en conclure que le pire est passé, le continent présente certaines particularités qui le mettent hors du désastre annoncé.
L’OMS avance quelques explications.

Il faut se garder de toute conclusion hâtive, prévient l’OMS, mais le constat est là : l’Afrique est moins touchée que le reste du monde par l’épidémie de coronavirus.

L’organisation, qui tente des pistes de réflexion, encourage les pays africains à poursuivre leurs efforts contre la propagation du virus, et à collecter des données afin de comprendre le phénomène.

L’OMS note que près d’une cinquantaine de pays a signalé une diminution de l’incidence des cas, entre le 17 et le 23 septembre 2020. Une situation qui confirme des tendances constatées depuis deux mois.

Le nombre de décès quotidiens le plus faible a été enregistré le 20 septembre. « Dans l’ensemble, je me félicite de la réaction des pays africains. Nous progressons grâce aux efforts concertés des gouvernements, des communautés et des partenaires », commente sur un « fil » Twitter, Matshidiso Moeti, directrice du bureau de l’OMS pour l’Afrique.

« Même si l’espoir d’un vaccin pour 2021 est dans toutes les têtes, le continent n’est pas à l’abri d’une seconde vague et le chemin pour sortir définitivement de la crise est encore long », prévient la responsable régionale de l’OMS, Matshidiso Moeti.

Bureau selon lequel près d’une trentaine de pays africains a enregistré une diminution des nouveaux cas, dont au moins six ont enregistré une baisse de plus de 50%. Il s’agit de Sao Tomé-et-Principe, de l’Île Maurice, du Botswana, des Seychelles, du Lesotho et du Sénégal.

Dans le même temps, une quinzaine de pays ont fait état d’une augmentation du nombre de cas, dont le Niger (rebond de 350%) le Soudan du Sud, la République du Congo, le Tchad et le Mali.

De façon générale, on relève une hausse du nombre de nouveaux cas sur la même période en Afrique centrale et en Afrique du Nord – en grande partie à cause des nouveaux cas au Maroc, en Libye et en Tunisie. Au total, le continent africain recense maintenant plus de 1,4 million de cas de Covid-19 dont 34.269 décès (taux de létalité de 2,4 %) et près de 1,17 million de personnes guéries.

Une riposte amorcée très tôt

L’Afrique représenterait 3,7 % des cas confirmés de Covid-19 et 2,6 % des décès signalés dans le monde. L’Afrique du Sud reste le pays le plus touché du continent africain et se classe au huitième rang mondial, bien que le nombre de décès y soit relativement faible.

Dans l’ensemble, Matshidiso Moeti justifie cette tendance à la baisse par les interventions précoces décidées par différents pays, qui ont contribué à contenir l’épidémie. « À partir de mars, les gouvernements ont pris des mesures de restrictions de mouvement et de rassemblement, ce qui a créé une opportunité de maintenir un faible nombre de cas et de renforcer les capacités de santé publique. »

Divers modes de transmission ont été observés dans la région, avec une transmission communautaire établie dans 35 pays, neuf pays ayant des groupes de cas et trois des cas sporadiques. « À l’avenir, les pays devraient continuer à renforcer les données et les informations, en mettant en œuvre les principaux outils de santé publique que sont la surveillance, le dépistage, l’isolement et la recherche des contacts », considère Dr Moeti.

Se gardant de conclure, la responsable appelle à la prudence « Des études sont en cours pour vérifier si les communautés ont des anticorps pour la Covid-19, ce qui signifie que des personnes ont été infectées, mais pas détectées », a-t-elle avancé, relevant que « certains résultats préliminaires suggèrent un nombre d’infections plus élevé que celui qui a été signalé ».

Le même virus qu’ailleurs

Plus largement, l’analyse préliminaire de l’OMS suggère que « plus de 80% des cas dans les pays africains sont asymptomatiques ». « Et ceci est renforcé par le fait que dans la plupart des communautés, les établissements de santé n’ont pas été submergés par des cas graves de Covid-19. »

Dans tous les cas, l’interprétation de la situation de la pandémie sur le continent africain est complexe. Elle nécessite une combinaison de mesures et d’outils. Néanmoins, il semble que le virus qui circule en Afrique est le même que celui qui ravage l’Europe. Il n’est pas question d’une souche africaine moins dangereuse.

Outre les mesures de confinement décidées très tôt, et souvent de manière plus drastique qu’en Europe ou en Amérique, les pays africains ont bénéficié de quelques particularismes. En premier lieu, a joué leur expérience de maladies infectieuses, comme Ebola, en malgré des systèmes de santé parfois défaillants.

En deuxième lieu, l’âge de la population est avancé. On voit que les taux de mortalité sont les plus élevés dans les pays où l’âge moyen de la population est lui-même élevé. En Algérie, par exemple, 10% de la population a plus de 65%, et ce pays présente une létalité plus importante.

Matshidiso Moeti, cette fois en conférence de presse, le 24 septembre, a cité d’autres facteurs : « La mobilité internationale, la capacité à se déplacer à l’intérieur des pays, les réseaux routiers, le nombre de voiture par habitant. Tout cela joue sur la capacité de diffusion du virus dans les pays. »

La température ou même la manière de vivre pourraient également jouer. Les Africains âgés sont peu nombreux à vivre en maison de retraite, foyers importants dans d’autres régions. De son côté, Francisca Mutapi, infectiologue à l’université d’Édimbourg, rappelle que le virus se transmet peu en extérieur. « Et l’Afrique a une part importante de population rurale qui passe du temps en extérieur. »

Une bonne collaboration entre Africains

Évoquant la piste de « l’immunité croisée » avec d’autres coronavirus, l’infectiologue révèle le lancement d’une grande étude pour tester cette hypothèse, au Zimbabwe. D’autres études comparables sont menées sur le continent.

Quoi qu’il en soit, il est un peu tôt pour confirmer que l’Afrique revient « à la normale », comme l’avancent certains spécialistes. « Même si l’espoir d’un vaccin pour 2021 est dans toutes les têtes, le continent n’est pas à l’abri d’une seconde vague et le chemin pour sortir définitivement de la crise est encore long », a prévenu Matshidiso Moeti.

Matshidiso Moeti

« Nous nous sommes attelés à de nouvelles modélisations tout au long de la pandémie en collectant un maximum de données et en tirant les leçons de notre expérience d’Ebola, confirme Francisca Mutapi. Au fil des mois, nous avons mené une analyse comparative des différentes ripostes pour en sortir le meilleur. »

La vigilance est donc accrue. L’OMS et les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (CDC Afrique) poursuivent le séquençage du génome du coronavirus. Tandis que plusieurs pays, à l’instar du Sénégal et du Maroc, produisent désormais leurs propres tests Covid.

Ainsi, la crise sanitaire aura-t-elle fait progresser les partenariats et échanges d’expérience entre les pays africains. Pour autant, « on a besoin d’encore plus de chercheurs africains, a conclu Francisca Mutapi. Des chercheurs qui peuvent dialoguer avec les institutions nationales et continentales pour bâtir, quel que soit le virus, la riposte la plus pertinente possible. »

Par Marie-Anne Lubin