Un rapport du Sénat français se montre plutôt indulgent à l’égard du Franc CFA, face aux nombreuses critiques venues d’Afrique. Les sénateurs prennent acte, non sans scepticisme, de la création de l’Eco dans l’UMOA et préconisent des mesures d’accompagnement.

Un rapport conduit par deux sénateurs permet de prendre le pouls de la France dans le débat sur le Franc CFA et le futur éco de la zone UMOA (Union monétaire ouest-africaine). Cette réforme a attiré l’attention sur la Zone franc, « un sujet qui reste cependant méconnu et incompris ».

Au-delà de l’aspect pédagogique à destination de leurs collègues parlementaires ou du grand public, ce rapport tente de s’écarter des arguments binaires sur le franc CFA. Les sénateurs ont auditionné plusieurs économistes, dont Kako Nubukpo et Dominique Strauss-Kahn.
Ils concluent que la monnaie ne peut pas tout. Elle ne peut pas se résumer à un instrument de domination, – ils en veulent pour preuve le recul de la présence économique de la France en Afrique de l’Ouest. Elle n’est pas non plus garantie de stabilité.

Elle est, rappelle la théorie économique, un instrument d’échanges et d’épargne. Devant les rapporteurs, Kako Nubukpo a rappelé un aspect essentiel de la monnaie : c’est une unité de compte, c’est une référence commune et partagée par une population, c’est un objet de la vie quotidienne dont le nom renvoie à une identité. « Tellement évidente, cette dimension symbolique est parfois négligée par les institutions françaises dans les débats sur le franc CFA. »

Cette dimension symbolique permet de comprendre pourquoi il faut s’affranchir non seulement de la dénomination « franc CFA », mais également des attaches trop lourdes avec les institutions françaises. Pour autant, peut-on conclure, à l’image de Gérard Longuet, ancien ministre, cité dans le rapport, que « le franc CFA souffre de sa dénomination, mais, pour le reste, il est parfait » ?

Les rapporteurs, Nathalie Goulet et Victorin Lurel, ne vont pas jusque-là, même s’ils trouvent bien plus de vertus que de défauts à la monnaie des deux zones africaines et des Comores.

Les rapporteurs émettent plusieurs propositions pour poursuivre la nécessaire modernisation des accords de coopération monétaire qui façonnent la Zone franc. Ces propositions visent, expliquent-ils, « à prolonger le travail entamé depuis plusieurs décennies pour mettre fin aux symboles les plus irritants du franc CFA, et à faire œuvre de prospective ».

L’Afrique centrale ne doit pas être négligée

Ils conseillent de mieux encadrer la nomination par la France de représentants au sein des instances techniques des banques centrales de la Zone franc.

Quitte à réduire la part de la représentation française, avant d’aboutir à la nomination d’administrateurs indépendants. La France pourrait réduire, à court terme, le niveau des réserves que doivent déposer auprès du Trésor.

Dans l’UMOA, selon le nouvel accord de coopération monétaire, la mise en œuvre de mécanismes de remontée d’informations (reporting) doit se substituer à l’obligation de centralisation, « qui n’est plus le mécanisme le plus adéquat pour permettre à la France de piloter le risque financier que représente sa garantie de convertibilité ». Toutefois, si le retour d’expérience se révèle positif, la BEAC pourrait en venir à ce système.

Les sénateurs ne s’opposent pas à ce qu’on engage une réflexion sur les bénéfices économiques que pourrait apporter un découplage des taux de parité du franc CFA avec l’euro. Ces deux monnaies ne sont pas librement convertibles entre elles mais leur parité est identique, alors même que les caractéristiques économiques de ces deux zones monétaires sont différentes.

Bien sûr, la France devra continuer d’accompagner les États membres dans leurs projets de modernisation. Elle devrait s’engager à renommer la Zone franc, dont le nom est source de confusion sur sa nature et sur le rôle qu’y joue la France ; elle devrait renforcer les efforts de communication sur la réforme en cours dans l’UMOA. Laquelle pourrait à terme servir de levier à une réforme plus profonde des mécanismes de la coopération monétaire en Afrique de l’Ouest.

S’ils relèvent plusieurs points d’incertitude concernant la situation actuelle et le futur de la Zone franc, les deux rapporteurs contestent les « caricatures et s’étonnent du « décalage entre ce qui n’est finalement qu’une petite ligne du budget en France et ce sujet énorme et très symbolique en Afrique ».

Toutefois, plusieurs facteurs font douter les sénateurs français de la réalisation, à court terme, du projet éco de la Cedeao, qui implique une réforme plus approfondie de la coopération monétaire en Afrique de l’Ouest.

Certains, expliquent-ils, « n’y voient qu’une arnaque politique ou la continuité d’une servitude monétaire, tandis que d’autres parlent d’avancée réelle ou de semi-révolution ».

Peu de changements, avec l’éco

Dans ce domaine, la communication est un élément stratégique dont les autorités et les institutions françaises doivent mieux tirer parti, au risque que le message de la réforme ne se dilue dans un contexte plus général de revendications à l’encontre de la France. La difficulté est que le discours français n’est souvent perçu que comme une défense par Paris de ses propres intérêts.

Mais quels sont ces changements ? Rejoignant ses opposants, les sénateurs reconnaissent que « la réforme ne revient pas sur deux aspects essentiels de la coopération monétaire : la parité fixe avec l’euro et la garantie de convertibilité ».

Du point de vue français, la réforme en Afrique de l’Ouest se traduira, tout d’abord, par une petite économie : « La fermeture du compte d’opérations entraîne avec elle la fin des conditions avantageuses de rémunération pour les avoirs extérieurs nets déposés par la BCEAO auprès du Trésor. »

Tout en mettant fin à la centralisation des réserves de change, le projet de nouvel accord de coopération monétaire maintient la garantie de convertibilité illimitée et inconditionnelle assurée par la France.

Cet apparent décalage s’explique, selon les sénateurs, par la mise en œuvre de nouveaux mécanismes de remontée d’information pour permettre à la France d’avoir de la visibilité et de piloter son risque financier. En outre, « ces dispositifs seraient plus souples et plus efficaces pour mesurer le niveau des réserves de change de la BCEAO et le risque d’appel en garantie ».

Ce n’est donc pas le maintien d’une « mainmise » française, mais la contrepartie de l’octroi de la garantie de convertibilité en l’absence de centralisation des réserves et de représentants français dans les instances techniques de la BCEAO, concluent-ils.

Entre une réforme purement symbolique et une autre plus profonde, les décideurs souverains des pays de l’Uemoa ont choisi la première option. « Ils se sont attachés aux garanties que leur apporte la Zone franc, notamment en matière de stabilité macroéconomique et de convertibilité des devises. »

S’ajoutent la complexité que posent les pays anglophones, Nigeria en tête, sur l’ampleur des changements qui devraient être conduits, ainsi que le défaut de convergence des pays. Aussi, les sénateurs français doutent sérieusement de la mise en œuvre de l’éco, telle qu’envisagée.

En attendant cette étape, ils préconisent donc d’accompagner cette « modernisation des accords de coopération monétaire ». Considérant que la modification de l’accord monétaire avec l’UMOA n’est qu’une première étape vers un ajustement plus profond des mécanismes de fonctionnement de la Zone franc.

S’ajoutent la complexité que posent les pays anglophones, Nigeria en tête, sur l’ampleur des changements qui devraient être conduits, ainsi que le défaut de convergence des pays. Aussi, les sénateurs français doutent sérieusement de la mise en œuvre de l’éco, telle qu’envisagée.

En attendant cette étape, ils préconisent donc d’accompagner cette « modernisation des accords de coopération monétaire ». Considérant que la modification de l’accord monétaire avec l’UMOA n’est qu’une première étape vers un ajustement plus profond des mécanismes de fonctionnement de la Zone franc.

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