Ceci est une déclaration d’une colation nationale contre la peine de mort, commémorée le 10 octobre. Les signataires du texte en appellent "au sens élevé de responsabilité des acteurs pour une abolition définitive de la peine de mort au Burkina Faso"

Ce 10 octobre 2016 marque la commémoration de la 14ème Journée mondiale contre la peine de mort. Cette année, la Coalition mondiale contre la peine de mort a choisi d’attirer l’attention sur l’application de la peine de mort pour des infractions liées au terrorisme, afin d’en réduire son utilisation .
Pour nous, membres de la coalition nationale contre la peine de mort au Burkina Faso, cette journée constitue une belle opportunité de réaffirmer notre engagement en faveur de l’abolition de la peine de mort, de rappeler à l’Etat burkinabé ses engagements internationaux, d’insister sur la nécessité de garantir le droit à la vie pour tous les citoyens dans le cadre des réformes constitutionnelles en cours.
A partir des années 1980, une dynamique générale en faveur de l’abolition de la peine de mort a émergé et s’est résolument poursuivie jusqu’aujourd’hui. Ainsi, alors que seuls 16 pays avaient aboli la peine de mort en droit pour tous les crimes en 1977, à l’heure actuelle, les deux tiers des pays du monde (140) sont abolitionnistes en droit ou en pratique. Pourtant, en dépit de cette tendance globale vers l’abolition, de nombreux États, prétextant une volonté d’assurer leur sécurité et celle de leurs populations, ont récemment fait usage de la peine de mort comme punition ultime, à la faveur d’attaques terroristes. Au cours des dix dernières années, le Nigeria, le Bangladesh, l’Inde, la Tunisie et d’autres ont adopté des lois qui élargissent le champ d’application de la peine de mort, en ajoutant les actes terroristes. Plus récemment, après des années de moratoire des Etats africains comme le Tchad ont repris les exécutions au nom de la lutte contre le terrorisme.

Ces dernières années, le Burkina Faso a fait l’amère expérience d’attaques terroristes sur son sol, à ses frontières et dans la capitale. Il serait illusoire de penser qu’en punissant les actes terroristes de la peine capitale, nous réussirions à contrecarrer le terrorisme. La peine de mort toujours en vigueur au Mali, au Niger, réintroduite au Tchad et appliquée dans toute sa rigueur au Nigeria n’a pas réussi pour autant à enrayer les attaques terroristes dans ces pays. L’incrimination par la peine capitale est une solution de facilité qui conduit davantage à traiter les conséquences en lieu et place des causes. Par ailleurs, elle empêche toute politique audacieuse de prévention de l’extrémisme violent, de la radicalisation des jeunes, et des actes de désespoir. Il convient donc d’analyser les conditions propices à la propagation du terrorisme, de le prévenir et de le combattre, et de renforcer les moyens de lutte à la disposition de l’Etat tout en garantissant la primauté du droit et le respect des droits humains.

La peine de mort n’a jamais été dissuasive et ne saurait être un instrument efficace de lutte contre le terrorisme et l’insécurité. La coalition nationale reste convaincue qu’aucune victoire sur le terrorisme ne peut s’obtenir en utilisant les mêmes méthodes que les terroristes, c’est-à-dire la barbarie de l’exécution ainsi que la banalisation de la vie humaine. La coalition nationale invite donc les acteurs nationaux et en particulier le gouvernement à faire le dernier pas, qui consistera à entériner juridiquement une situation de fait et à donner plein effet à ses engagements politiques conformément aux recommandations des organes des traités, et plus récemment encore du Comité des droits de l’homme des Nations unies. La Coalition appelle les membres de la Commission constitutionnelle à se saisir de la question afin de la régler de façon définitive.
Nul ne conteste la nécessité de combattre le terrorisme et de garantir aux citoyens leur droit à la sécurité et à la sûreté : Ben Emmerson, Rapporteur spécial de l’ONU sur le terrorisme, insiste ainsi sur la mission qu’ont les États de protéger leurs citoyens contre de telles menaces. Toutefois, ces mesures de lutte contre le terrorisme et la grande criminalité doivent être ancrées dans le respect des droits humains. Protéger et promouvoir les droits de l’homme et l’état de droit contribuent à lutter contre le terrorisme, notamment en instaurant un climat de confiance entre l’État et ceux qui sont sous sa juridiction. À cette fin, la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies de 2006 proposait notamment la mise en œuvre de la lutte contre le terrorisme via une approche centrée sur les droits de l’homme, en vue de rompre le cycle de la violence.

Fait à Ouagadougou, le 10 Octobre 2016

Les organisations membres de la Coalition nationale contre la peine de mort et associées :
1. Action des Chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) Burkina
2. Amnesty International Burkina Faso (AIBF)
3. Association Semfilms
4. Centre d’information et de formation en matière de droits humains en Afrique (CIFDHA)
5. Centre pour la qualité du droit et la justice (CQDJ)
6. Centre d’éveil démocratique et d’éducation citoyenne Burkina Faso (CEDEC/BF)
7. Club des étudiants juristes de la Patte d’Oie (CEJPO)
8. Commission épiscopale justice et paix
9. Commission pour le dialogue islamo-chrétien
10. Communauté de SANT’EGIDIO au Burkina Faso
11. Conseil des Femmes du Burkina (CFB)
12. Jeunesse Etudiante Catholique (JEC)
13. Jeunesse unie pour une nouvelle Afrique (JUNA)
14. Ligue pour la défense de la justice et de la liberté (LIDEJEL)
15. Mouvement burkinabè pour l’émergence de la justice sociale (MBEJUS)
16. Syndicat national des avocats du Faso (SYNAF)

Pour obtenir plus d’informations ou prendre rendez-vous pour un entretien, veuillez prendre contact avec la Coalition nationale contre la peine de mort :
• Etienne KABORE, Coordonnateur général du Centre d’Information et de Formation en Droits Humains en Afrique (CIFDHA)
Téléphone : +226 70 40 35 07 / E-mail : kabore.etienne@cifdha.org
• Christian OUEDRAOGO, Coordonnateur Campagne à Amnesty International Burkina Faso
Téléphone : +226 78 21 36 56 / E-mail : christian@amnestyburkina.org