A la veille du premier tour du double scrutin présidentiel et législatif du 22 novembre, les partis de l’opposition signataires de l’accord politique du 18 août ont animé une conférence de presse pour dénoncer ce qu’ils qualifient de fraudes massives en préparation. Et menacent de ne pas reconnaître les résultats issus des urnes.
Plus tard dans la soirée, la majorité présidentielle a répliqué en rejetant vigoureusement les accusations de l’opposition. Ambiance pour le moins délétère alors que les bureaux de vote s’ouvrent dans quelques heures

C’est une conférence de presse improvisée à laquelle ont été invitée les journalistes hier après-midi au siège du chef de file de l’opposition politique à la zone du Bois.
L’objet de la rencontre avec la presse est d’une extrême gravité : organisation du scrutin et fraudes en cours !
Face aux journalistes, Zéphirin Diabré, Eddie Komboïgo, Ablassé Ouédraogo, Tahirou Barry, tous candidat à la présidentielle ont la mine grave.
La salle est bourrée de journalistes et on se marche sur les pieds. C’est le candidat de l’UPC, Zéphirin Diabré qui lit le texte introductif. Il déclare que les candidats de l’opposition sont dans un esprit d’optimisme quant à leurs capacités à réaliser l’alternance politique au soir du 22 novembre. "Partout où nous sommes passés, nous avons vu un peuple qui est assoiffé d’alternance. Nous avons vu un peuple qui est abusé, déçu par la gestion catastrophique du MPP et qui est la recherche d’une action salvatrice et nous étions très heureux de pouvoir lui offrir cette alternative".
Pour lui, l’adhésion des Burkinabè aux idées de l’opposition présage de résultats serrés et " il est absolument inconcevable quand on a parcouru le Burkina Faso durant ces trois semaines, de penser qu’un parti puisse gagner dès le premier tour et surtout pas le parti au pouvoir". Le coup KO annoncé par la majorité présidentielle "n’est que rêve et illusion et on le verra bien au soir du 22 novembre".
Si l’opposition a invité la presse en urgence, c’est que l’heure est grave. Elle accuse la majorité présidentielle de se livrer à des fraudes massives visant à truquer les résultats du scrutin. "Il y a une grande opération orchestrée par le pouvoir en place d’une fraude massive pour légitimer un certain coup KO le 22 novembre", explique Zéphirin Diabré. Des preuves ? "Des agents du MPP se promènent au vu et au su de tout le monde dans les marchés, dans les quartiers munis de sacs remplis de billets de banque et achètent des cartes d’électeurs avec des femmes", poursuit le leader de l’UPC. Ce n’est pas tout. D’autres militants ou sympathisants du MPP "sillonnent des territoires, prennent les cartes d’électeurs des femmes et leurs numéros de téléphone et promettent de leur envoyer de l’argent par un transfert".
Zéphirin Diabré révèle avoir été "approché par des étudiants qui nous ont dit avoir voté à l’avance pour le candidat au pouvoir".
Autant d’éléments très graves qui ont conduit l’opposition à envisager le dépôt d’une plainte contre X auprès du procureur du Faso afin qu’une enquête soit diligentée et ouverte pour nous assurer qu’il n’y pas de pratiques dolosives qui pourraient entacher la sincérité du scrutin". Les conférenciers reconnaissent toutefois qu’il leur sera difficile d’avoir des témoins pour accréditer leurs accusations !

Autres éléments qui suscitent l’inquiétude des candidats de l’oppositions, c’est selon eux, des manœuvres consistant à modifier la carte électorale dans les villages en changeant les lieux où le vote doit se dérouler. "On assiste à des ajouts de villages qui n’étaient pas concernés et à des soustractions de villages qui étaient concernés", accuse Zéphirin, l’objectif étant "de faire en sorte que là où la majorité est forte en termes d’électorat, on ne puisse pas voter et là où la majorité est forte, que les gens puissent voter".
Les signataires de l’accord politique restent circonspects sur la capacité de la CENI à publier des résultats fiables le 23 novembre comme l’a toujours dit son président Newton Ahmed Barry. Pour l’opposition, "au regard des difficultés qu’il y a à acheminer les résultats des bureaux de vote vers les centres de compilations, du temps qu’il faut aux centres de compilations de regarder et de consolider les chiffes, il nous semble hasardeux et même dangereux pour la CENI de penser pouvoir proclamer des résultats le 23 sauf à donner des résultats erronés qui vont ouvrir la voie à une crise électorale". L’exploit réussi par la CENI en 2015 en publiant les résultats provisoires à J+1 n’est donc plus possible cinq ans après, d’autant plus que selon les conférenciers, "la CENI éprouve des difficultés à acheminer le matériel dans les centres de vote". Ils s’inquiètent également du retard mis par le gouvernement dans la prise en charge des délégués des bureaux de vote, un retard qui donne l’impression "qu’il y a un sabotage pour qu’il n’y ait pas un représentant de l’opposition et de la majorité, laissant libre court à toutes les opérations de manipulations".

Les conférenciers mettent la majorité en garde : "Nous n’accepterons jamais qu’on change les résultats issus des urnes."
Faut-il craindre une crise post-électorale ? Ablassé Ouédraogo se veut optimiste :"Les Burkinabè sont un peuple particulier ; nous sommes tolérants et quand l’avenir du pays est en jeu, personne n’ose franchir la ligne rouge".
Comme une réponse du berger à la bergère, le MPP a répliqué par une courte conférence de presse tard dans la soirée au cours de laquelle ses dirigeants ont
rejeté "les contre-vérités dites par le CFOP, s’agissant d’une prétendue fraude organisée par les éléments de la majorité et notamment du Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP)". Pour le président du MPP, Simon Compaoré, l’attitude de l’opposition est un signe de sa fébrilité devant la victoire annoncé du candidat Roch Kaboré. "Les populations ont réaffirmé leur détermination à accorder un nouveau contrat de confiance à notre Candidat Roch Marc Christian KABORE pour les 05 années à venir" a t-il déclaré, appelant tout le monde à garder "le calme et à contribuer à rendre cette élection transparente, équitable et juste".

Domnique Koné
Kaceto.net