Réélu pour un deuxième mandat de cinq ans lors du scrutin du 22 novembre 2020, Roch Marc Christian Kaboré a été investi, le 28 décembre 2020 à Ouagadougou, nouveau président du Burkina Faso. Je vous propose un petit décryptage de la forme et du contenu sémantique du court discours d’investiture du Chef de l’Etat.

D’abord, sur le plan de la forme :

  Le discours est construit sur un style disons énonciatif sur fond d’énumération de faits et de caractéristiques du monde énoncé : usage significatif de modalisations de manière et d’intensité à effet « dramatisant » et de connecteurs d’addition (usage notamment massif du connecteur « et » à effet énumératif).
  La mise en scène est plutôt dynamique (usage massif de verbes d’action : 51,6% de verbes factifs contre 28,6 de verbes d’état et 16,7% de verbes déclaratifs, comme pour dire, « Je m’inscris résolument dans le « faire » »).
  Enfin, si nous considérons le rapport « Je »-« Nous », l’usage du « Nous » (nous, notre, nos = 62,5%) est nettement supérieur à celui du « Je » (je, me, moi, mon, ma… = 37,5%), marquant une volonté de totalisation politique, à ne pas confondre avec « totalitarisme ». J’ai montré dans d’autres articles combien ce fait de langue et de langage participait de la signature de la parole politique kaboréenne.

Sur le plan des réseaux de sens

Le graphe des relations sémantiques ci-après, généré sous Gephi, laisse distinguer deux blocs sémantiques majeurs qui résument assez bien, à mon avis, l’enjeu de sens du discours du président Kaboré. (N.B. : La taille des liens et des nœuds du graphe est proportionnelle aux poids des catégories sémantiques ici mises en évidence).
  Le bloc sémantique en « rose » indique un « devoir-agir positif-collectif » (centralité du « nous – nation/peuple burkinabè ») pour des valeurs qui se veulent rassembleuses : paix, réconciliation, unité nationale, cohésion sociale, démocratie, etc. Mais, comme on peut le voir sur le graphe relationnel, cela ne peut se faire que dans l’effectivité de la « justice » (on pense notamment aux crimes de sang, aux crimes économiques, à la corruption) et le respect d’un Etat de « droit » renforcé.
  Ce « devoir-agir positif-collectif » irrigue aussi le deuxième bloc sémantique (en « vert » sur le graphe) qui, lui, est centré sur les « défis » liés aux questions de « développement économique et social ». Défis qui appellent une mobilisation et un investissement collectifs (d’où l’insistance sur les notions « d’engagement, d’efforts, d’ambition… »), mais qui ne peuvent être durablement et efficacement relevés sans, dans le même mouvement, gagner les « enjeux sécuritaires » liés notamment au terrorisme et aux problématiques de la sécurité au quotidien (que l’on pense aux incivilités).

Ousmane SAWADOGO, Consultant Text Analytics et TM,
Kaceto.net