Depuis le 1er janvier 2021, les pays africains participent de la grande zone de libre-échange au monde. Peu à peu, les barrières tarifaires et non tarifaires disparaîtront, mais la route est encore longue avant que la ZLECAf ne tire tout

La période est historique. La ZLECAf (Zone de libre-échange continentale africaine) est en vigueur depuis le 1er janvier 2021. Elle a été formellement ratifiée par 34 pays – et signée par 54 –, et s’adresse potentiellement à 1,3 milliard de personnes, dans un bloc économique de 3 400 milliards de dollars. Seul l’Érythrée manque à l’appel.

L’événement a fait l’objet d’une cérémonie virtuelle de l’Union africaine, purement protocolaire, à partir d’Accra, où se trouve le secrétariat de la ZLECAf. « Une nouvelle Afrique émerge avec un sentiment d’urgence et un objectif et une aspiration à devenir autonome », a déclaré le président du Ghana, Nana Akufo-Addo.

La période est historique. La ZLECAf (Zone de libre-échange continentale africaine) est en vigueur depuis le 1er janvier 2021. Elle a été formellement ratifiée par 34 pays – et signée par 54 –, et s’adresse potentiellement à 1,3 milliard de personnes, dans un bloc économique de 3 400 milliards de dollars. Seul l’Érythrée manque à l’appel.

Les pays africains, dont le commerce était tourné principalement vers l’Europe ou la Chine, pourront davantage commercer entre eux. Le commerce intra-africain ne représente que 12% à 16% des échanges des pays du continent. L’accord prévoit une harmonisation des législations en matière de biens et services, mais couvre aussi les investissements, les droits de propriété intellectuelle et la politique en matière de concurrence.

Bien sûr, tout ne change pas du jour au lendemain. De facto, la période qui s’ouvre est celle des négociations pour rendre le commerce plus fluide. Négociations entre États et entre Communautés économiques régionales. Progressivement, les barrières tarifaires et non tarifaires devraient s’estomper, puis disparaître.

Dans les quinze ans, 85% à 90% des taxes douanières sur les biens et services seront abolies. Ce qui suppose un effort de tous les pays africains, qui doivent se convaincre que le libre-échange profite à tous. D’ici quinze ans, d’âpres négociations s’engageront.

Sans doute, les tentations protectionnistes referont surface çà et là ; nous l’avons vu en 2019 avec la fermeture des frontières du Nigeria, qui vient seulement de revenir sur sa décision. Pour l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Ouest, deux zones déjà partiellement intégrées, les négociations sur la ZLECAf se doublent des débats sur la monnaie.

Des dépendances à abattre

Pour chaque produit et service, les différentes parties devront déterminer les offres tarifaires, à savoir le niveau de baisse des taxes et leur calendrier d’application. Il faudra aussi déterminer les produits exclus du libre-échange, ce seront, pour la plupart, des produits importés ou trop peu transformés en Afrique.

« La Covid-19 a démontré que l’Afrique est trop dépendante de l’exportation de produits de base, trop dépendante des chaînes d’approvisionnement mondiales », a déclaré Wamkele Mene, secrétaire général de la ZLECAf. « Lorsque les chaînes d’approvisionnement mondiales sont perturbées, nous savons que l’Afrique est fortement impactée », a-t-il poursuivi, lors de la cérémonie du 1er janvier.

L’objectif est bien connu : le libre-échange permet d’accroître la production, donc de diminuer les prix des produits. Cette augmentation de pouvoir d’achat bénéficiera à tous les Africains qui pourront reporter des dépenses sur des produits ou services plus chers ou secondaires, bref, augmenter leur niveau de vie.

De quoi attirer de nouveaux capitaux, et engendrer ainsi un cercle vertueux de croissance. Reste à veiller que les échanges ne soient pas trop inégaux entre les pays et que des monopoles privés ne se constituent pas.

De son côté, la Banque africaine d’import-export (Afreximbank) calcule qu’à terme, le commerce entre les pays africains pourrait augmenter jusqu’à 231 milliards de dollars, grâce à la ZLECAf. Ce qui suppose que le commerce transfrontalier, souvent informel, soit mieux régulé. Afreximbank estime à 84 milliards $, aujourd’hui, la part inexploitée du commerce intra-africain. « La proportion inexploitée est basée sur des secteurs qui se sont déjà avérés compétitifs au niveau international et qui ont de bonnes perspectives de succès à l’exportation sur d’autres marchés africains. »

À savoir les minéraux, les produits alimentaires, l’automobile et les pièces détachées, plastiques, caoutchoucs, mais aussi des machines. Pour l’heure, l’Afrique australe concentre l’essentiel de ce « potentiel », devant l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest.

Sortie par le haut

Lors de ses vœux du Nouvel An, le président du Niger Mahamadou Issoufou s’est fait enthousiaste. La Zone constitue « l’un des meilleurs cadeaux de Nouvel an que nous puissions vous offrir, à vous et à tous les Africains ». Et de poursuivre : « Avec la ZLECAf, nous mettons fin à une histoire de 135 ans de balkanisation de notre continent. » Ainsi, l’Afrique sort-elle, « par le haut », des 84 000 km de frontières, « ces frontières qui sont autant de murs qui séparent les Africains des Africains, ces frontières qui sont autant d’obstacles qui limitent les échanges entre nos pays ».

Selon « le champion » de la ZLECAf, « avec les autres projets de l’agenda 2063, nous créons, par cet accord, les conditions de transformation de nos matières premières, nous parviendrons à dynamiser nos économies et à créer des emplois, notamment pour les jeunes. »

Mahamadou Issoufou est conscient que son pays devra faire des efforts, comme les autres nations africaines. « Nous devrons soutenir des efforts continus pour créer les conditions de la mise en valeur des avantages comparatifs du pays, notamment à travers les infrastructures énergétiques, de transport et de télécommunication permettant de réduire les coûts de ces facteurs. » Le Président sortant « espère que les prochaines autorités élues poursuivront cet effort, dans l’intérêt de notre peuple et de notre continent ».

Ali Bongo est conscient que la ZLECAf prendra du temps. « Mais les efforts d’aujourd’hui paieront dans le futur. Une Afrique plus intégrée sur le plan commercial et économique, c’est la clé pour remporter la bataille de l’emploi. »

De son côté, le président du Gabon, Ali Bongo Ondimba, a souligné que son pays « soutient sans réserve l’installation de la ZLECAf ». Ce « vaste marché » de plus d’un milliard de consommateurs, permettra de commercer davantage entre pays africains. « Ce qui doit permettre à l’Afrique de s’industrialiser, juge le chef de l’État gabonais selon qui ce qui est consommé en Afrique doit, par principe, être produit en Afrique. »

Ali Bongo reconnaît : « Je suis conscient que cela prendra du temps. Mais les efforts d’aujourd’hui paieront dans le futur. Une Afrique plus intégrée sur le plan commercial et économique, c’est la clé pour remporter la bataille de l’emploi. »

Et le Président de rappeler une autre dimension du projet d’intégration économique : « En matière de paix et de sécurité, nous, dirigeants, avons le devoir de bâtir une Afrique pacifique, prospère et sûre et de ne pas léguer le fardeau des guerres aux générations futures ».

Le Magazine de l’Afrique