A l’occasion de la traditionnelle cérémonie de présentation hier 12 janvier des vœux de nouvel an de l’Union pour le progrès et le changement (UPC), son président, Zéphirin Diabré a annoncé que son parti quitte l’opposition pour rejoindre la majorité présidentielle. Une annonce qui clarifie sa position depuis qu’il a accepté le poste de ministre d’Etat auprès du président du Faso, chargé de la réconciliation nationale et de la cohésion sociale. Parviendra t-il ainsi à stopper la saignée de ses cadres commencée depuis 2015 et s’est poursuivie jusqu’à la veille du double scrutin présidentiel législatif du 22 novembre 2020 ? Analyse.

Début d’après-midi du 11 janvier devant la salle polyvalente de Kossyam, siège de la présidence du Faso. Les journalistes et les photographes qui faisaient le pied de grue depuis un bout de temps commencent à s’agiter. Le premier conseil des ministres de prise de contact du gouvernement Dabiré II, dont la composition a été rendue publique la veille, vient de s’achever.
Cartables sous les bras, les ministres sortent de la salle, se saluent, chacun attendant que le conducteur du véhicule qui lui est désormais affecté vienne le chercher.
Les journalistes qui sont aux aguets tendent leurs micros pour recueillir les premières déclarations des ministres, lesquels s’y prêtent volontiers. Sauf un : Zéphirin Diabré, le président de l’Union pour le progrès et le changement (UPC) et nouveau ministre d’Etat auprès du président du Faso, chargé de la réconciliation nationale et de la cohésion sociale.
Mais harcelé par les gratte-papiers, il finit par leur donner rendez-vous le 12 janvier au siège du parti pour la cérémonie de présentation des voeux du parti.
Un rendez auxquels de nombreux journalistes nationaux et étrangers ont répondu présents, conscients qu’il se passerait quelque chose. Ils n’ont pas eu tort.
Son discours qui était attendu, a été à la hauteur de leurs attentes. Passés les remerciements d’usage, la minute de silence en hommage aux camardes décédés, notamment la député Rose Marie Compaoré née Konditamdé, Mariam Sirima née Fofana et le président d’ Union pour la république et la démocratie (URD) Soumaïla Cissé au Mali, il rappelle que l’année "2020 a été pour nous une année de combat âpre avec la tenue des élections couplées présidentielle et législatives".
Les résultats de ces consultations, on s’en souvient "n’ont pas été à la hauteur nos attendes", regrette Zéphirin Diabré. De 33 durant la précédente mandature, l’UPC n’a engrangé que 12 députés en 2020, loin derrière le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) 56 députés, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) 20 députés et le Nouveau Temps pour la démocratie (NTD), 13 députés. Pour celui qui a dirigé le Chef de file de l’opposition politique de 2012 à 2020," les Burkinabè ont exprimé clairement leur volonté de ne plus voir notre parti, l’UPC, diriger le CFOP. Ils ont opéré une alternance au niveau du CFOP" lancé t-il. Exit l’UPC, place au CDP pour conduire l’opposition politique durant les cinq prochaines années.
On apprend ensuite que c’est le président Roch Kaboré qui a proposé à lui et à son parti "d’apporter leur contribution dans la gestion dans la gestion des affaires du pays, notamment sur la question oh combien délicate, mais oh combien indispensable de la réconciliation nationale". Selon un haut cadre membre du MPP, c’est plutôt le président de l’UPC qui aurait exprimé sa disponibilité à travailler avec le président Kaboré lorsqu’il est allé le féliciter pour son élection. Quoi qu’il en soit, il n’a pas eu du mal à convaincre ses camarades sur sa volonté de repositionner le parti, d’autant que de nombreux cadres n’étaient plus prêts à user encore leurs souliers dans les rangs de l’opposition. C’est donc de "manière souveraine" que l’offre d’entrer dans le gouvernement Dabiré II a été entérinée.
Les journalistes qui ont accouru des quatre coins de la capitale en attendent plus. Quelle conséquence tire t-il de ce nouveau positionnement ? Sa réponses est sans ambiguïté : après avoir passé 10 ans dans l’opposition, "l’UPC ne siège plus au sein de l’opposition politique du Burkina" et va certainement dans les prochains jours, définir les modalités de la collaboration avec le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). L’UPC quitte donc l’opposition pour convoler en noces avec le MPP, qu’elle avait pourtant, de bonnes sources, éconduit en 2015, au lendemain des consultations électorales post-insurrectionnelles et post-coup d’Etat.
En retrouvant ses anciens camarades anti modification de l’article 37 de la constitution et de l’opposition au putsch de septembre 2015, Zephirin Diabré espère stopper la saignée des cadres qui frappe son parti depuis 5 ans. Des départs qui se sont poursuivis jusqu’à la veille des élections avec le résultat qu’on connait.
Reste encore des inconnues dans le contrat de mariage que l’UPC va établir avec le MPP. Va t-elle conserver son groupe parlementaire à l’Assemblée nationale, rester autonome ou intégrer celui du parti majoritaire ? Faudra t-il lui trouver un autre ministère à la hauteur de son gabarit à la fin du Forum de sur la réconciliation nationale qui devrait, si tout se passe bien, s’achever d’ici la fin du premier semestre ?
Autant de questions dont les réponses pourraient préfigurer une profonde recomposition du paysage politique d’ici la fin du quinquennat.

Joachim Vokouma
Kaceto.net