L’artiste musicienne burkinabè Maï Lingani célèbre ses 20 ans de carrière avec deux spectacles au programme : un à Ouagadougou ce soir à l’Institut français et l’autre à Bobo le 29 mai (1)
Combative, résiliente, elle dresse pour KACETO.NET un bilan d’étape de sa carrière construite non sans adversités, mais aussi dans la joie et l’optimisme que demain dépend de ce que nous aurons décidé qu’il soit. Leçon de courage et d’humilité pour artistes débutants.

Le spectacle s’appelle Sougri, qui veut dire "Pardon" dans la langue mooré. Pourquoi ce choix ?

Le spectacle s’appelle Sougri parce que l’événement est placé sous le signe de la réconciliation et la cohésion sociale, un thème qui est d’actualité. De nombreux Burkinabè pensent qu’il y a beaucoup de travail à faire pour aller à la réconciliation parce qu’il faut aller à la source et comprendre pourquoi il y a tant de frustration et de souffrance dans notre pays. Il faut que chacun ait le courage de dire, oui, j’ai fait ceci ou cela , je l’assume et je demande pardon. C’est important parce qu’il ne faut pas dire dire pardon pour dire pardon. Si tu es coupable de quelque chose, il faut mettre ton orgueil de côté et reconnaître ton tort. Le thème du spectacle est ma contribution à la réconciliation nationale et dans mon dernier album, il y a un titre qui s’appelle Sougri.

Vous célébrez vos 20 ans de carrière en tant qu’artiste musicien. Quel regard jetez-vous sur le chemin parcouru ?

Oui, 20 ans, c’est tout un mélange de cultures, un brassage de sensibilités diverses avec de nombreuses collaborations. Je suis née à Koudougou et j’ai grandi en Côte d’Ivoire ; c’est dans la culture ivoirienne que j’ai grandi et suis revenue au Burkina à l’âge de 23 ans. Ensuite, j’ai eu la chance de séjourner en Europe et aux Etats-Unis avant de rentrer définitivement dans mon pays.
Je dois dire que ce n’était pas simple au début. C’était un choc culturel pour moi et des amis et parents ne comprenaient pas pourquoi j’avais décidé de rentrer. Mais moi, je ressentais un profond besoin de me ressourcer culturellement. Je me sentais comme perdue et je me suis dit, si tu veux représenter le Burkina valablement dans un esprit patriotique, il faut que tu apprennes quelque chose de ce pays, sinon ça n’a pas de sens. En rentrant, je ne pensais pas en termes d’opportunités, mais je pensais à "qu’est-ce que je peux apporter à mon pays et non à qu’est-ce que je vais prendre". Et dans cette optique, je me suis dit qu’il fallait que je travaille pour me réaliser et faire avancer les choses dans mon pays en tant qu’artiste ; que je puisse parler de ma culture, de ma musique, les différentes langues de chez moi ! C’était fort ! Tout le reste n’était que superficiel et aujourd’hui, je ne le regrette pas. C’est vrai que si je devais raisonner opportunités, j’aurais pu gagner de l’argent à l’étranger mais aujourd’hui, j’ai une notoriété qui décrit ma personne et pour moi, c’est le plus important.
Depuis mon premier album en 2000 qui s’appelle "Entrons dans la danse" jusqu’à Tangaré (Entre les collines) en passant par Monti (Ce que je suis) et mes prestations solo avec Burkina Electric, c’est un parcours dont je suis fière parce qu’il contient en condensé la quête identitaire qui est la mienne.

Est-ce que le pays vous a bien accueillie sachant que le milieu artistique est assez
difficile ?

Long silence ! Ça n’a pas été simple. Je rends grâce à Dieu car devant l’obstacle, je me motive pour ne pas être la risée des gens. Mon caractère a été forgé depuis l’enfance, en Côte d’Ivoire, dans l’adversité. Avec ce que j’ai enduré, j’ai compris que je n’avais pas le droit de baisser les les bras. Quand tu as le dos au mur, tu arrêtes tes caprices, retrousses les manches et te bats pour rester digne surtout quand tu as eu les bénédictions de tes parents. Mes efforts ont payé parce que j’ai trouvé ma place dans le paysage musical burkinabè ; j’ai une signature qui est reconnue par mes pairs et surtout j’ai un public qui m’est fidèle.

Vous avez un style musical qui est travaillé et qui est le résultat de plusieurs influences. Les Burkinabè vous suivent-ils ?

C’est exact, ma musique est le résultat de recherches, de mélanges de sonorités multiples parce que je suis moi-même une personne à identités multiples.
Oui, on me dit souvent, ta musique là, ce n’est pas pour les Burkinabè. Même le producteur de mon album Monti (Ce que je suis) n’y croyait pas. Il a fallu que je me batte parce que cet album n’a pas connu une bonne promotion, alors qu’il était une résurrection pour moi. Je suis restée debout avec des prestations en live et Dieu merci, avec le soutien de mon manager et administrateur que j’ai rencontré en 2013. Nous sommes toujours ensemble.
Avec Burkina Electric en Solo, j’ai participé au MASA en Côte d’Ivoire, à des festivals en Allemagne, à Lyon, en Suisse, puis j’ai composé une chanson pour l’éducation.
C’est vrai, je suis connue, mais j’ai encore besoin de soutiens pour faire connaitre davantage ma musique que je ne changerai pas juste pour plaire. Je suis moi-même, mais ouverte pour des collaborations avec des artistes plus jeunes en m’accordant à leurs compositions.


Vous êtes aussi active dans le monde associatif...

Oui et ça résume dit beaucoup de ma personnalité. J’ai voulu mettre ma notoriété au service des plus démunis, à travers les associations Beobiiga, SOS village d’enfants et l’Association des femmes artistes musicienns du Burkina dont je suis la présidente. Une partie des recettes des deux concerts à Ouaga et à Bobo ira au bénéfice des enfants en difficults. Mon dernier voyage en Europe remonte à 2019 et à cause du COVID-19, les choses se sont au ralenti. Je me suis concentrée sur la vie associative et j’ai été élue présidente de l’Association des femmes musicienne et cette responsabilité m’occupe beaucoup. Il y a des défis à relever et c’est ensemble que nous allons réussir. J’ai quand même produit un spectacle en mars dernier l’Institut français en mars dernier avec un récital de Aretha Franklyn et je continue de travailler sur le projet de mon nouvel album.

Pour les deux spectacles à l’occasion de mes 20 ans de carrière, je serai accompagnée par des artistes comme Alif Naba, Don Charpe de Batero mais sur mes chansons.

15 mai 2021 : concert live à 20 heures à l’Institut français de Ouagadougou
29 mai 2021 : concert live à l’Institut français de Bobo-Dioulasso.
Contact : 78435841/ 65060654
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Propos recueillis par Joachim Vokouma
Kaceto.net