J’ai cartographié les références sémantiques qui structurent les titres des publications francophones en ligne quand le terme « Burkina » ou « Burkina Faso » y est évoqué. L’idée est d’essayer, à l’approchant bien entendu, de caractériser l’ « e-image sémantique » (« l’image sémantique en ligne ») du Burkina Faso telle qu’elle se donne à voir dans ces titres.
La cartographie ci-après, est générée sur la base d’une analyse d’un corpus significatif et pertinent de titres de publications francophones couvrant la décennie 2012-2021.

Cette cartographie sémantique met en évidence quatre univers sémantiques (clusters sémantiques) structurants et en relation étroites.
Le cluster sémantique en rouge sur la cartographie met en scène les enjeux sécuritaires auxquels est confronté le pays. En effet, d’une façon générale, depuis quelques années, les insurrections communautaires et les attaques meurtrières du terrorisme djihadiste se multiplient dans les zones rurales de trois Etats du Sahel : le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Pour ce qui concerne spécifiquement le Burkina, d’abord concentrées dans le Nord du pays, à la frontière avec le Mali, les exactions meurtrières souvent attribuées aux djihadistes ont ensuite visé la capitale, Ouagadougou, puis d’autres régions, notamment à l’Est et le Nord-Ouest. Il est désormais douloureusement admis que des portions entières du territoire échappent au contrôle de l’Etat. Pour un pays autrefois havre de paix sociale, de concorde nationale, prisé des touristes, c’est un véritable cauchemar auquel il urge d’y mettre un terme à jamais.
Le cluster sémantique en orange sur la cartographie met en scène trois enjeux judiciaires (ou plus précisément « politico-judiciaires ») marquants de l’histoire récente du Burkina Faso :
  Le premier concerne l’assassinat, lors du putsch du 15 octobre 1987, de l’icône panafricaine Thomas Sankara, pour lequel l’ex-président du Burkina Faso Blaise Compaoré, actuellement exilé en Côte d’Ivoire (pays dont il a acquis la nationalité), est sous le coup d’un mandat d’arrêt international et sera jugé pour les faits dont sa responsabilité, pour ne pas dire sa culpabilité, est engagée.
  Le deuxième concerne l’affaire dite Norbert Zongo : rappelons que Norbert Zongo était un journaliste indépendant qui a osé enquêter sur la mort mystérieuse de David Ouédraogo, chauffeur de François Compaoré, le frère cadet de l’ex-président burkinabè Blaise Compaoré. Une première instruction judiciaire ouverte avait finalement conclu à un non-lieu le 19 juillet 2006, ce qui avait provoqué un tollé international. Après la chute de Blaise Compaoré en octobre 2014, la justice burkinabè a rouvert le dossier Norbert Zongo. Cette fois-ci François Compaoré, frère cadet de l’ancien président, est considéré comme l’un des principaux suspects et a été inculpé pour « incitation à assassinat » du journaliste Norbert Zongo. Interpellé en France en octobre 2017, ce dernier tarde à être extradé au Burkina Faso pour répondre des faits qui lui sont reprochés, malgré un décret d’extradition dûment signé le 21 février 2020 par l’ex-premier ministre français, Edouard Philippe, et rendu public le 4 mars 2020.
  Le troisième concerne le procès de la tentative de putsch post-insurrectionnel qui eut lieu du 16 septembre 2015 au 23 septembre 2015. Cette tentative de coup de force perpétré par le Régiment de la sécurité présidentielle (RSP) sous la houlette du général Gilbert Diendéré avait pour but de mettre fin au gouvernement de la Transition mise en place après la démission du président Blaise Compaoré. Mais ce coup d’Etat, qualifié « le plus bête du monde », échouera sous la pression populaire et l’intervention déterminée de l’Armée burkinabè restée loyale aux institutions de la Transition et à son gouvernement. Arrêtés, puis inculpés de 11 chefs dont « atteinte à la sûreté de l’Etat » le Général Gilbert Diendéré et l’ex-ministre des affaires étrangères ont été condamnés respectivement de 20 et 10 ans de prison le 2 septembre 2019.
Le cluster sémantique en jaune sur la cartographie met centralement en scène les principaux acteurs en vue ces dix dernières années marquées par le délitement progressif du pouvoir de l’ex-président Blaise Compaoré, l’insurrection populaire et ses péripéties, la Transition et l’accession au pouvoir du président actuel : il s’agit donc de l’ex-Président Blaise Compaoré ; de son frère cadet François Compaoré ; de Luc Adolphe Tiao, ex-premier ministre de Blaise Comparé ; de Michel Kafando, ancien président de la Transition, du Général Yacouba Isaac Zida, ancien et éphémère chef d’Etat de la Transition puis ancien premier ministre de la Transition ; d’Eddie Komboïgo, président du CDP (parti de Blaise Compaoré) ; de Zéphirin Diabré, chef du parti UPC et actuel ministre d’état chargé de la réconciliation nationale et de la cohésion sociale ; et bien sûr de Roch Marc Christian Kaboré, président actuel, réélu pour un deuxième mandat de 5 ans.
Enfin, le cluster sémantique en vert fait la part belle aux événements sportifs autour du ballon rond (matchs autour de la Coupe d’Afrique des Nations – « CAN » notamment). Mais aussi références des secteurs économiques et services de base importants comme ceux du coton et de l’or (principaux produits d’exportation du Burkina Faso), de l’énergie et de l’eau.
Voilà pour ce que je peux dire de la cartographie ci-dessus présentée. Il est important d’avoir en tête que la cartographie fournie une photographie qui intègre à la fois des éléments saillants de la dynamique synchronique et diachronique des flux discursifs. Alors, petit bonus pour les lecteurs de KACETO, je fournis ci-après un graphique qui montre l’évolution du « halo discursif sécuritaire » autour du Burkina tel qu’il s’est manifesté dans les titres des publications francophones en ligne sur la décennie 2012-2021. Ce halo discursif sécuritaire est marqué dans le corpus analysé par un certain nombre de « marqueurs langagiers » (ou « crisèmes ») dont le cumule permet de capturer le poids. Ce graphique que je vous donne donc en bonus est tout à fait cohérent avec d’autres que j’ai eu à présenter dans mes précédents articles sur KACETO. Il montre qu’à partir de 2015 (année des premiers attentats terroristes sur le territoire burkinabè) le halo discursif autour des enjeux sécuritaires a été de plus en plus prégnant pour atteindre un pic en 2019. Les années 2020 et 2021 y apparaissent comme deux années en eau plutôt relativement calme de ce point de vue. Mais, je l’ai montré dans un article publié ici-même, peut-être aussi que la crise du Covid-19 a contribué à détourner l’attention ailleurs et/ou à confiner l’ardeur des malfaisants. Peut-être.

Ousmane SAWADOGO, Expert/Consultant, Text Analytics & TM
Kaceto.net