André Eugène Ilboudo, qu’on ne présente plus revient dans le texte ci-contre sur les réformes entreprises par le ministre de l’Education nationale, de l’alphabétisation et de la promotion des langues nationales qui fait des gorges chaudes depuis des semaines.
Pour lui, ce qui est annoncé est tout sauf une réforme.

J’appelle de tous les pores de mon corps, une réforme de l’éducation. Malheureusement, le Burkina actuel manque cruellement de deux atouts pour réussir une réforme. Nos dirigeants actuels, malgré toute la sympathie que l’on puisse leur trouver n’ont ni l’autorité nécessaire pour imposer, (oui, oui, vous avez bien lu), une réforme, surtout qu’ils ne nous démontrent pas la deuxième qualité nécessaire, ni la réflexion stratégique.

Passons par pertes et profits les réformettes du CEP et du bulletin de notes du BEPC ainsi que l’aménagement administratif de l’attestation d’admission au Bac, le diplôme de fin de cycle du secondaire, qui nous ont valu, et cela sans aucune excuse possible, la mort de deux de nos enfants ; des blessés et des emprisonnements sans pour autant excuser le vandalisme. L’instrumentalisation de ces enfants pour s’attaquer à une ambulance, détruire leurs propres outils d’études, bureaux et véhicules, molester leurs mères, oh suprême vilenie ! leurs pères et frères dans leur protection et dans leur éducation est abjecte. Et voilà tout un rififi pour, dit-on, une réforme qui n’en est pas une, même pas une réformette !

Depuis que la réforme est annoncée, l’attention prêtée ne permet pas de dire que nous avons trouvé le chemin. L’on nous parle d’une ’’foire’’ nationale, précédée de balades institutionnelles, à venir, pour étudier onze (11) thèmes qui produiront une feuille de route pour l’écriture de la nouvelle ’’réforme’’.
Et quel est le premier thème ? Ajustez bien vos binocles : ’’bilan de la mise en œuvre du protocole d’accord et perspectives’’. Ainsi, le thème majeur, central, c’est comment ’’dealer’’ avec les syndicalistes pour qu’ils se taisent. Et les autres thèmes sont tout aussi abscons, les uns plus que les autres.

Une réforme de l’éducation est réfléchie pour régler, a minima, la question d’une génération, au moins 25 ans. En français élémentaire, la question centrale et actuelle d’une réforme du système éducatif au Burkina Faso découle de cet article 4 de la loi d’orientation : ’’l’enseignement de base est obligatoire et gratuite pour tous les enfants de 6 à 16 ans’’. Alors, on reprend l’énoncé par une question à l’envers. ’’L’enfant de 6 ans que voici et que l’on me confie, que doit-il devenir dans 10 ans quand il aura 16 ans ’’ ? Et comme il s’agit de l’avenir d’une génération, l’on prolonge la question : que sera-t-il jusqu’à ses 25 ans, à sa sortie d’université ?

Si l’on ne peut pas expliquer ce que la réforme vise, par une réponse simple et compréhensible à la casseuse de granit de la carrière de Pissy, sans phraséologie creuse, du genre : ’’le système éducatif Burkinabè a pour objectif final de faire du jeune Burkinabè un citoyen responsable, producteur et créatif’’ suivi d’autres tirades aussi longues que confuses, n’en déplaise au réformateur, c’est que rien n’est clair dans sa tête, à lui. Ce qui est clair est bref. Il se conçoit bien et les mots pour le dire. A contrario, dans un tel cas, c’est lui, le réformateur, qui a besoin d’une réforme.

Mais si une fois, l’explication donnée à la balayeuse de rue, ’’la femme de Simon’’, et insistons, dans sa langue à elle, elle opine du chef en disant : ’’Ah ok, si c’est ça, j’ai compris’’. Alors, la réforme est déjà gagnée.

Il reste alors trois points :
1- recenser les valeurs ;
2- concevoir les curricula ;
3- choisir la (les) langue (s) dans laquelle (lesquelles) ces valeurs et curricula seront transmises. Le reste n’est que l’enduit de cette armature : les méthodes d’enseignement, le recrutement et la formation des enseignants, le rôle des parents, la gouvernance pédagogique et administrative, les infrastructures, les débouchés, etc. Bref, tout cela sera facilement défini et décrit avec clarté.

Comme on le voit, si l’on doit impliquer les vendeuses de crevettes de Koubri, les tresseurs du chapeau labellisé de Saponé ou les conducteurs de tricycles de "Armandville" pour recueillir leurs avis et suggestions sur comment préparer leur enfants pour réussir leur vie, l’écriture d’une telle réforme requiert le sang froid de personnes aguerries et réfléchies et non pas une kermesse où les participants viendront porter leur badge à l’envers et signer de leur pouce pour recevoir un perdiem.

La réforme, comme elle s’annonce, si on maintient en l’état ses préparatifs, dans l’ultime objectif de contenter un groupuscule, et ce pour le reste d’un demi mandat, cette réforme-là, elle est partie pour être une réforme moribonde qui mérite une interruption volontaire dès sa conception.

André Eugène Ilboudo.
Fondateur du Groupe l’Académie
Directeur de la radio des Ecoles
Kaceto.net