Le jugement du dossier portant fraude fiscale sur un montant de plus de 16 milliards de nos francs s’est poursuivi ce vendredi 18 juin 2021 au tribunal de grande instance Ouaga I après sa suspension le mardi 15 juin dernier. L’audience du jour a permis de boucler les débats et de mettre le dossier en délibéré. Pour les deux prévenus, le parquet a requis 5 ans de prison pour l’un, 7 ans pour l’autre ainsi que des amendes pécuniaires.

Les prévenus auteurs (I. L. et B. K.) de la fraude fiscale d’un montant de plus de 16 milliards de nos francs seront situés sur leur sort le mardi prochain. Au sortir de l’audience de ce vendredi 18 juin 2021, le tribunal a clos l’instruction du dossier, noté les réclamations de l’Etat burkinabè (Direction Générale des Impôts), écouté les réquisitions du parquet de même que les plaidoiries des avocats de la défense.
Si la semaine dernière, le tribunal s’était surtout intéressé à I. L. dans son interrogatoire, ce jour, c’est B. K. qui était la cible principale. En rappel, les charges retenues contre les deux prévenus sont précisément : « le faux en écriture en privée de commerce », « l’émission et l’usage de fausses factures pour commettre une fraude à la TVA et aux impôts sur les revenus », « l’usage de leur numéro IFU pour le compte de tiers », et « la complicité de soustraction au paiement de l’impôt » dont le montant des droits simples est évalué à plus de 6,5 milliards FCFA
Constant dans ses déclarations de départ, B. K. a une fois de plus, reconnu toutes les charges à son encontre. Suite aux interrogations du procureur, il précise que sa structure réclamait, aux entreprises bénéficiaires, des commissions variant entre 100 000 et 400 000 FCFA pour l’émission d’une facture ou un montant de 10% de la valeur de la supposée marchandise. Une posture que le procureur n’a pas manqué de louer.
Rappelé à la barre, I. L. se montre toujours peut collaboratif, même si les aveux de son acolyte le confondent et le compromettent. Il maintient notamment avoir produit du faux, mais nie avoir fait usage de ce faux. Pourtant devant le tribunal, il reconnaissait que le Groupe Vasti SARL dont il est le gérant, a produit de fausses factures ayant permis de transmettre de la TVA déductible d’un montant de plus de 300 millions et en termes de charges fictives de plus 1,6 milliards de francs CFA à Kuisyandeh afin d’atténuer, selon sa propre expression, ses charges fiscales en les transférant à cette deuxième entreprise dont les deux prévenus ont pris le soin de créer par dessein.
Selon les aveux des prévenus, les sociétés KUISYANDEH et VASTI INTERNATIONAL avaient été créées afin d’absorber le crédit TVA qui apparaissait au niveau de la société GROUPE VASTI. Les fausses factures émises permettaient de faire croire que l’entreprise Groupe VASTI a collecté de la TVA auprès de KUISANDEH et de VASTI INTERNATIONAL. Ce qui permettait d’absorber le gros crédit TVA qui risquait d’attirer l’attention des agents des Services des Impôts.
De même, il sera confondu quand il affirme n’avoir utilisé son numéro IFU que dans les transactions de groupage (transport de marchandises de commerçants du secteur informel n’ayant pas le droit d’importation), alors que des factures brandies par le tribunal démontrent le contraire. Du reste, les entreprises du secteur informel disposent aussi de code IFU et peuvent importer en leur propre nom.

Le procureur n’a pas manqué de relever ces contradictions et de qualifier le prévenu « d’ennemi de la Nation », car, a-t-il argumenté, les impôts servent au développement de la nation burkinabè toute entière. Il a cité les nombreuses réalisations que l’Etat aurait pu faire avec les 6,5 milliards si cette somme avait été reversée au Trésor Public.
Volant au secours de son client, Me Timothée ZONGO rappelle que son client a reconnu avoir produit du faux en écriture sur des factures dont le tribunal n’a pas été capable d’apporter la preuve pendant le procès à sa demande. Aussi, a-t-il encore regretté l’absence au jugement de la soixantaine de sociétés impliquées dans l’affaire. Il pointe du doigt la charge de complicité. Considérant son client comme complice sur cette charge, il interroge le tribunal en ces termes : « Où est l’auteur principal qui a utilisé le faux aux services des impôts ? ».

Invité à prendre la parole pour la constitution de partie civile, l’Agent judiciaire de l’Etat (AJE), représentant l’Etat burkinabè (Direction Générale des Impôts) a produit un état indiquant qu’une quinzaine des entreprises impliquées dans le dossier ont reconnu leurs responsabilités et ont commencé à s’acquitter des montants dus. Une autre a, par correspondance au directeur général des impôts, sollicité un échéancier pour se mettre à jour. Appréciant le jugement, l’AJE s’est réjoui des aveux de B. K.
« cela donne raison à la DGI de les poursuivre » a-t-il soutenu. Il s’est alors constitué partie civile au nom et pour le compte de l’Etat burkinabè qui, dit-il a subi d’énormes préjudices du fait des activités criminelles des personnes poursuivies. Pour ce faire, il a demandé au tribunal de condamner de façon solidaire les deux prévenus à payer à l’Etat burkinabè, la somme totale de 1.467.824.082 FCFA, représentant le préjudice direct que les deux prévenus et leurs entreprises ont fait subir à l’Etat. Ce montant, a-t-il précisé, est le cumul de la somme de 911 848 280 FCFA due par l’entreprise Kuisyandeh et celle de 555 975 802 FCFA due par le Groupe Vasti SARL.
L’AJE n’a pas manqué de noter que le préjudice causé au Trésor Public du fait des malversations de ces deux prévenus en complicité avec les autres 59 sociétés impliquées s’élève à plus 6,5 milliards de nos francs. Si l’on y applique la pénalité, ce montant s’élève à 16 953 658 631 FCFA.
L’AJE a également demandé au tribunal d’assortir sa décision de l’exécution provisoire. Ce qui veut dire que l’Etat pourrait poursuivre le paiement des condamnations pécuniaires même en cas d’appel sans être obligé d’attendre la décision de la cour d’appel.

Le procureur du Faso a requis une peine d’emprisonnement de 05 ans dont 03 fermes et 02 assortis de sursis ainsi qu’une amende ferme de 2 millions contre BK et 7 ans (dont 5 fermes et 2 avec sursis) plus 5 millions d’amende ferme contre I. L.. Dans ses réquisitions, évoquant notamment l’article 373-6 du code pénal et les dispositions pertinentes du code général des impôts, le procureur demande la réparation du préjudice causé par chacune des entreprises et leurs propriétaires. Selon le procureur, le tribunal doit avoir la main lourde contre I. L. du fait de son obstination à nier l’évidence.
Dans leurs plaidoiries les avocats de la défense ont comme par désenchantement, demandé l’indulgence du tribunal pour ces prévenus qui, selon eux, sont tous deux à leur première comparution devant une juridiction. « Je demande une application modérée de la loi pénale » a prié Me Timothée ZONGO, conseil de I. L. Me Paul KERE et Me Hébié, tous deux défendant le prévenu B.K. ont également abondé dans le même sens, demandant au tribunal de permettre à leur client de reprendre son activité afin de pouvoir remboursé les impôts dus. Aussi, chacun des prévenus a, dans son dernier mot, imploré la clémence des membres du tribunal.
Les prévenus connaitront leur sort le mardi 22 juin prochain. C’est à cette date que le tribunal donnera sa décision.

SCRP/DGI