Le roman « Soumission » du français Michel Houellebecq, paru en 2015 serait-il une pâle copie de « Un musulman à l’Elysée » du romancier sénégalais El Hadji Diagola ? C’est ce que va tenter de répondre une audience du tribunal judiciaire de Paris prévue le 22 juin.

« Certaines idées importantes de ma fiction « Un musulman à l’Elysée », le troisième tome d’une trilogie débutée en 2005 ont complètement été réécrites, contre-façonnées, c’est-à-dire exploitées illicitement donc plagiées par Michel Houellebecq dans son livre « Soumission » », fulmine l’auteur El Hadji Diagola. Journaliste sénégalais résidant en France (ancien correspondant de l’APS et du Populaire à Paris), El Hadji Diagola avait assigné l’écrivain français et son éditeur Flammarion devant le tribunal judiciaire de Paris en janvier 2020. Après le dépôt des conclusions d’incident (65 pages) de Jean-Baptiste Ngandomane de la Seleurl, son avocat devant la Juge de la 3ème chambre civile, 1ère section du Tribunal Judiciaire de Paris, une audience aura donc lieu le 22 juin prochain. Il s’agit d’une mise en état pour les deux parties, c’est une étape de procédure avant de possibles plaidoiries au tribunal, probablement en septembre. Si la demande du Sénégalais de 51 ans, natif de Moudery (Bakel), est jugée recevable, elle sera alors examinée sur le fond.

De quoi s’agit-il ?

Depuis 2016, El Hadji Diagola est convaincu que Soumission est une réécriture de pans entiers de son livre « un musulman à l’Elysée ». Comment son œuvre, non encore publiée, aurait pu atterrir entre les mains de Michel Houellebecq ? Fin 2013, Diagola propose le manuscrit du roman sous le titre, « La chute des barbelés », à Gallimard. Le comité de lecture de la maison d’édition ne juge pas utile de le publier. Il va tenter sa chance ailleurs. C’est sous « Un musulman à l’Elysée » que, en avril 2014, Diagola le propose, à Flammarion cette fois, qui lui oppose aussi une réponse négative, en septembre. Mais c’est à sa grande surprise que quatre mois plus tard paraît le roman de Houellebecq qui, à l’instar d’Un musulman à l’Elysée, relate l’ascension d’un citoyen d’origine africaine (Sénégalais chez Diagola, Tunisien chez Houellebecq) vers l’Elysée. Pour l’écrivain sénégalais, ce n’est pas une coïncidence. Selon lui, Mohamed Yathé, personnage principal des trois romans de la trilogie « Un président musulman à l’Elysée » a beaucoup inspiré le personnage Mohammed ben Abbes de « Soumission » avec un grand art de la dissimulation. « C’est la reconstitution au fond de ce véritable puzzle pour mettre en évidence les emprunts cachés sous les couches de dissimulation mises en place dans l’œuvre contrefaisante que les défendeurs essayent d’éviter en éludant le débat au fond, notamment : – Le président musulman Mohammed Yathé de « La chute des barbelés » devient le personnage secondaire Mohammed Ben Abbes de « Soumission » (d’origine tunisienne comme Khadidja, l’épouse de Mohamed Yathé dans La chute des barbelés), laissant la place de personnage principal à François un professeur de littérature française spécialiste de Joris-Karl Huysmans qui va narrer le récit de la présidence de Mohammed Ben Abbes, muet dans Soumission », détaille M. Diagola.

Houellebecq, récidiviste ?

Au terme de la procédure, et après l’audience du 22 juin, le tribunal de Paris pourrait être appelé à remettre en cause la paternité du roman de Houellebecq. Pour El Hadji Diagola, son avocat maître Ngandomane de la Seleurl, a entamé une procédure « contre Houellebecq, Flammarion et Gallimard ».

« Tout ce que j’attends de cette procédure, c’est que justice soit faite. J’ai relevé trop de similitudes entre les deux œuvres. Mon avocat en a également décelé plusieurs ». Michel Houellebecq a déjà fait l’objet d’accusations de « plagiat ». A la sortie de « La Carte et le territoire » (Prix Goncourt 2010), le journaliste français Vincent Glad avait ainsi révélé qu’il aurait copié-collé des passages complets de Wikipédia. El Hadji Diagola est convaincu que l’auteur français a récidivé en s’inspirant de sa fiction. La justice française va bientôt se pencher sur l’affaire.

Le Soleil (Quotidien sénégalais)